« Quand il en sortait, boueux et noir, ivre de fatigue, il tombait par terre, on devait l’envelopper dans une couverture. Puis, chancelant encore, il s’y replongeait, et la lutte recommençait, les grands coups sourds, les plaintes étouffées, un enragement victorieux de massacre. »
Cet extrait du chef d’œuvre littéraire « Germinal » d’Emile Zola pourrait très certainement susciter un acquiescement des plus spontanés de la part d’un certain Thomas Such alias Tom Angelripper ; ancien mineur de fond et géniteur du légendaire groupe de thrash metal allemand
Sodom. Ayant vu la lumière du jour au sein de la cité industrielle de Gelsenkirchen en 1981, cette légende immuable du metal extrême européen inspirée entre autres par les instigateurs du hard rock/metal brut et sans fioritures que sont les inénarrables Motörhead et
Venom se veut refléter les réalités d’une classe ouvrière dont Angelripper et ses bandmates Bloody Monster et
Aggressor souhaitaient s’affranchir à coups de metal lourd doublé d’un intérêt notable pour des thématiques occultes.
Auteur notoire des classiques incontournables du genre thrash metal d’obédience teutonne que sont les excellents et cultissimes «
Obsessed by Cruelty », «
Persecution Mania » et autres «
Agent Orange » ;
Sodom rentre dans les années 90 avec une volonté apparente d’évolution ponctuée cependant par la sortie d’un «
Better Off Dead » relativement décevant et beaucoup moins inspiré que ses prédécesseurs et qui continue encore aujourd’hui quoi qu’on en dise de diviser la fanbase du combo de la Ruhr. Réponse on ne peut plus légitime des principaux intéressés aux détracteurs de cet opus dont chacun peut se faire une libre opinion, l’album «
Tapping the Vein » sort le 1er aout 1992 sur le label SPV/Steamhammer alors que sonne le glas de la revanche.
Il ne faut pas plus à l’auditeur que le riff d’introduction du surpuissant « Body Parts » pour se rendre compte que le
Sodom cru 1992 s’avère être encore animé par ses velléités d’évolution musicale. En effet, le thrash metal classique des inoubliables «
Persecution Mania » et autres «
Agent Orange » semble s’éloigner de plus en plus du concept sonore du trio rhénan, tant ce dernier parait pratiquer avec on ne peut plus d’enthousiasme et de spontanéité un thrash robuste empreints d’indéniables accents death metal sur ce cinquième album mettant en scène sur sa pochette un Knarrenheinz doué d’une virilité industrielle plus surhomme que jamais. La mascotte au masque à gaz intégral s’avère être effectivement l’annonciatrice d’une puissance dès lors presque sans limites dans l’identité musicale de ce «
Tapping the Vein » qui semblerait reléguer le précédent «
Better Off Dead » au rang des albums dispensables de la discographie de
Sodom avec ses deux reprises relativement maladroites et convenues que sont « Turn Your
Head Around » de
Tank et «
Cold Sweat » de
Thin Lizzy. Les très efficaces « Deadline », «The Crippler » et autres «
Reincarnation » marqué par son mid tempo ravageur et les vocaux gutturaux d’Angelripper sont autant de titres sans concession qui semblent trahir malgré eux une irrécusable influence death metal sur la musique du disque. Dès lors, comment ne pas penser au death hyper puissant du mythique « Left
Hand Path » des scandinaves d’
Entombed à l’écoute de ces titres qui sont styliquement on ne peut plus en phase avec une année 1992 ou les écoles floridiennes et suédoises du metal de la mort se trouvent à la cime de la gloire et de la reconnaissance internationales ? L’arrivée au poste de guitariste du jeune Andy Brings en remplacement de l’éphémère Michael Hoffman (
Assassin) à l’occasion de ce cinquième pamphlet thrash que constitue cet intense «
Tapping the Vein » se voudrait elle être synonyme de conformisme au courant de metal extrême le plus en vogue pour un groupe qui peut pourtant se targuer ouvertement d’être l’un des quelques instigateurs originels de ce dernier ?
Même si comme précédemment énoncé l’album tend à transpirer à grosses gouttes un death/thrash metal incisif et puissant ruisselant sur le corps huileux et bodybuildé d’un Knarrenheinz prêt une fois de plus à anéantir toute forme de vie humaine dans sa guerre contre l’humanité,
Sodom se complait également à puiser son inspiration dans son passé à travers des titres qui laissent transparaitre l’identité sonore de jadis tels que les « One Step Over the Line », « Wachturm », « Back to
War » et autres « Hunting Season » contrastant avec les titres les plus violents de «
Tapping the Vein ». A défaut de pouvoir être considérés comme des chutes des albums “
Persecution Mania” et “
Agent Orange”, ces morceaux rappellent néanmoins dans leur structure et leur personnalité ce que
Sodom sait faire de mieux au monde : un thrash metal efficace et sans fioritures respirant une authenticité sans faille que certains gros groupes de la Bay
Area san franciscaine mettront à la même époque entre parenthèses car séduits par le music business et ses grosses liasses de billets verts. Curiosité de la galette, le bon mais surprenant «
Bullet in the
Head » marqué par une espèce de riff punk mélodique et qui à l’image des reprises figurant sur «
Better Off Dead » et sur «
Agent Orange » (« Don’t Walk Away » de
Tank, décidemment…) frappera l’auditeur de part son manque de cohérence par rapport au reste de l’album. L’incohérence, telle pourrait être l’expression qui serait la plus à même de qualifier ce «
Tapping the Vein » charnière déchiré entre deux époques et n’étant malheureusement pas vraiment marqué d’une identité propre et originale. Entre son thrash d’antan et le death metal d’alors qu’il semble vouloir adopter avec opportunisme,
Sodom semble se chercher pour au final offrir à ses fans une galette certes efficace en elle même et que l’on prend plaisir à écouter mais beaucoup trop maniérée pour constituer une démarche de l’acabit de ses œuvres d’hier. Malgré une exécution technique de bonne facture et certaines compositions réellement inspirées que les Arnold Schwarzenegger du dimanche après-midi n’hésiteront pas à mettre dans leur lecteur mp3 en vue de rendre leurs haltères un peu plus légers, ce cinquième album des thrashers de Gelsenkirchen fera certainement les fans du groupe regretter l’époque bénie des pochettes qui tiraient chromatiquement sur l’orange.
A défaut d’être un mauvais album, le froid et puissant «
Tapping the Vein » s’avère plutôt être un pari perdu pour un
Sodom qui s’éloigne de plus en plus de son thrash originel pour semble-t-il surfer hasardeusement et avec opportunisme sur la vague d’un death metal alors au summum de sa popularité. Meilleur que son prédécesseur, cet album possède un gros défaut : celui d’être frappé du logo d’acier
Sodom que l’on avait tendance à associer à un thrash metal unique et qui semblait être imperméable aux modes et au mainstream. Trop thrash pour être un album de death, trop death pour être un album de thrash ; ce «
Tapping the Vein » sans réelle identité s’avère être cependant indispensable à la discothèque des fans du groupe.
Je n'ai écouté l'album qu'une petite dizaine de fois depuis l'achat. Je ne vais donc surement pas me risquer à un jugement trop "définitif" mais je trouve beaucoup de charme à ce disque.
En fait je me régale! Est-ce la présence de Brings?
"One Step Over the Line", petite bombe typique du style de Sodom - qui a beaucoup écouté Motorhead quand même -, est sans conteste mon titre favori du skeud.
Sinon, le riff de "Deadline" me fait vraiment penser à celui, monstrueux, qu'Annihilator proposera deux ans plus tard sur "King of the kill". D'accord ou pas d'accord les copains?
J ai decouvert Sodom avec cet album.
Je ne me risquerai pas à offencer les integristes du Sodom des agent...obsessed...persecution....mais cet album est tout sauf mauvais.
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