Exemple typique du groupe ayant réussi à survivre suite aux départs de piliers fondateurs,
Aborted s’est peu à peu reconstruit pour représenter l’entité qu’il est actuellement, non sans quelques différences.
Toujours basé sur un concept aux relents gores et morbides, l’aspect visuel est une nouvelle fois aussi violent que peu subtil, sans pour autant ne pas révéler une touche bien plus soignée que la pochette de "Goremageddon" ou la simpliste de "
Slaughter & Apparatus". Présenté dans un fourreau (pour l’édition limitée !) offrant un graphisme différent (le cœur enchainé aux barbelés) du superbe travail dévoilant une femme prise dans les pièges machiavéliques du personnage inventé par
Aborted et dont l’esprit de la saga
Saw plane ostensiblement.
Mais c’est du côté de la musique que la différence a perduré, une différence et une volonté de diversification entretenues depuis la sortie de "
The Archaic Abattoir", offrant sans doute le meilleur des deux visages du combo culte belge. Passé d’un brutal death / grind étouffant mais manquant de cohésion,
Aborted a peu à peu muté dans une voie Thrash / death brutale laissant la place à plus de mélodies et surtout à énormément d’ambiances et de cassures rythmiques. Un style mieux maitrisé, moins directe mais plus rêche.
Sous le nom énigmatique de
Strychnine.213 (213 étant le numéro d’une chambre d’un tueur en série ayant sévit dans les hôtels !), ce nouvel album se veut le plus diversifié de sa carrière, sans pour autant perdre en violence.
Si la brutalité se fait moins directe, la production crue tranche radicalement avec l’excès de triggs des albums post "
Slaughter & Apparatus", conférant à l’album une connotation plus animale (mais moins schizophrénique pour entretenir une comparaison), plus sauvage, notamment dans le chant de Sven, moins maniéré et plus pur, très proche de l’aspect brut de décoffrage du live.
Les blasts, pas aussi prépondérants que par le passé, laissent la place à une double pédale se faisant d’une lourdeur écrasante, et sachant varier les tempos pour offrir l’accélération adéquate au bon moment, sans jamais trop en faire.
L’exemple de "
Carrion" est flagrant. Nous offrant pour la première fois une réelle introduction pendant près de deux minutes se montre un visage horrifique presque ambiant absolument saisissant. Sous le joug d’une narration obscure, de guitares maladives et lourdes, et d’une double pédale suffocante,
Aborted nous prend à la gorge dès les premières secondes mais d’une manière différente de l’accoutumé (cette accélération est d’une intelligence musicale rare). Une introduction déboulant sur "
Ophiolatry on a Hemocite Platter" à l’entame vocale presque hardcore imposant un blast nous dirigeant en terrain connu.
Mais néanmoins, dans ces riffs plus directes et thrash, dans ces vocaux animaux absents de toutes variations grind, on ressent complètement la nouvelle orientation des belges, et que le travail de composition s’est situé à un autre niveau. Le break une nouvelle fois quasi ambiant, doté d’un beat de batterie jouissif, laisse entrevoir un
Aborted n’ayant jamais été aussi mélodique mais paradoxalement malsain. Le mid tempo est à l’honneur, malgré des accélérations en blasts, et confère plus de lourdeur.
La musique, composée en intégralité par Seb (également leader de
Balrog et
Genital Grinder) et Peter, voit aussi l’intégration de nombreux solos, d’où une direction plus mélodique.
Le génial "135", offrant un death agressif, est littéralement subjugué par ses solos, apparaissant comme des brides de musicalité à l’intérieur du carnage sonore infligé par les belges. Ils prennent la forme d’aération permettant à une musique plus suffocante que jamais (pour l’atmosphère évidemment, pas la brutalité) de respirer.
Mais loin de la mélodie excessive d’un
Scar Symmetry ou du déluge de notes superflue d’un
Children Of Bodom, le tapping ici utilisé permet d’accentuer la brutalité de la musique quand le blast fait son retour.
Si elle reste plus accessible, la musique ne perd pour autant pas en richesse, en démontre les changements de rythmes incessants de "
Pestiferous Subterfuge", la dualité entre les vocaux de Sven et ceux de Seb, provocant pur l’auditeur une perte totale de contrôle, ne sachant plus où la musique va aller, et ne se doutant pas des écarts mélodiques trouant la cuirasse de brutalité (jamais vous n’auriez cru entendre un solo aussi mélodique que celui de ce titre sur un album de
Aborted !).
La réaction des puristes sera inévitablement celle de fans pleurant leur ancien chantre de la brutalité, mais face à une telle innovation, pourquoi se plaindre d’une évolution ? A l’instar de "A
Murmur in
Decrepit Wits" maladif et vomitif, d’un "The Chyme Congeries" voyant l’intégration de claviers cybernétiques et glacials ou d’un "Hereditary
Bane" au feeling sale et plus thrash que jamais,
Aborted prouve qu’un groupe cantonné dans son style et ayant sortie des opus cultes dans le genre peut s’en défaire avec succès, même s’il est fort à parier que le public ne sera plus forcément identique.
Moins rapide mais plus lourd, moins brutal mais plus animal, moins gore mais plus artistique oserais-je dire, "Strchynine.213" est un album résolument différent d’un groupe n’ayant de toute façon plus grand-chose à prouver au monde et profitant ainsi d’une totale liberté artistique leur laissant le soin d’aller chercher de nouveaux horizons, à tort ou à raison…
Un goût mitigé à l'écoute de ces nouveaux morceaux globalement plutôt molassons, et de plusieurs passages à l'aspect mélodique assez chelou, pour un résultat toujours plus éloigné du death brutal & savoureux de l'époque Goremageddon. Espérons que l'égarement ne sera que passager... FABIEN.
Cependant certains titres comme "Ophiolatry On A Hemocite Platter" ou "The Chyme Congeries" remontent la qualité globale du skeud.
Heureusement que le groupe a sérieusement bossé sur le nouveau, qui est tout de même beaucoup plus pêchu et redoutable.
Bref petite déception face a d'anciennes tueries telles que Goremaggedon
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