“Le Chaos est rempli d’espoir car il annonce une renaissance”
Coline Serreau
De
Machine Head, inéluctablement, est surgi le chaos ces dernières années. Un chaos humain dans un premier temps, avec un groupe à l’agonie, sortant d’un disque raté ("
Catharsis") et aussi mal accueilli par la critique que les fans. L’ouragan couvait mais fini par s’abattre sur Rob Flynn qui fut contraint de subir la foudre de ses compagnons d’armes Dave McClain (batterie depuis 1998) et Phil Demmel (guitare depuis 2003), annonçant un split qui semblait irrémédiable et, par la même occasion, la fin de
Machine Head.
Mais l’homme, aussi dur, tyrannique ou difficile soit-il (paraît-il), décida de ne pas en rester là et de fêter dans un premier temps les 25 ans du mythique "
Burn My Eyes". Logan Mader et Chris Kontos se joignèrent temporairement à Rob et Jared MacEachern (remplaçant d’Adam Duce depuis "
Bloodstone & Diamonds") pour des concerts virtuels mais il était clair dès le début que ce line up ne serait pas constant.
Puis Rob se mit à faire des morceaux indépendants, sortant de temps en temps de nouvelles chansons sur les plateformes de streaming, comme pour se rassurer de sa propre capacité créative mais difficile de dire qu’un "
Do Or Die" ou "
Circle the Drain" auront convaincu grand monde. Le retour à une violence des débuts était certes palpable mais le côté hip hop, les grattes syncopées ou la production sale ne pouvaient plus avoir le même impact ni la même sincérité tant d’années plus tard.
Puis, l’année dernière, Rob avait proposé, sans plus d’infos, "
Arrows in Words from the Sky" dans un format 3 titres pour des compositions beaucoup plus mélodiques, inspirées et intéressantes, avec un "Become the
Firestorm" surpuissant. Des titres qui, après coup, annonçaient la couleur de ce qui allait arriver mais qui, sorti de leur contexte, les empêchaient d’être aussi flamboyantes qu’elles allaient le devenir. Puis la nouvelle sorta.
Nouveau line-up, avec notamment Vogg de
Decapitated à la guitare, à même d’amener technicité, vélocité et brutalité aux américains. Surtout, un nouveau disque, mystérieusement intitulé "Of
Kingdom and
Crown", avec un magnifique artwork dont on reconnaît sans peine la patte d’un
Seth Siro
Anton toujours aussi religieux, dérangeant et sculptural. Une des forces de ce disque provient peut-être de l’absence réelle d’attente d’un groupe annoncé disparu, revenant d’entre les morts mais soulevant tant d’interrogations qu’il est difficile de porter une réelle exigence sur les épaules d’un
Machine Head désormais loin de son époque dorée (succédant à une première renaissance après un "
Supercharger" également décrié) des "
Through the
Ashes of
Empire", "
The Blackening" et "Unto the
Locust" où le monde était à leurs pieds. Dire désormais que jamais nous ne pensions revoir le groupe à un tel niveau est une réalité. La claque est d’une violence colossale, l’album est une baffe monumentale et Rob Flynn reprend la couronne qu’il avait lui-même laissé de côté, autant par arrogance qu’expérimentations bancales. "Of
Kingdom and
Crown" est un monstre qui reprend exactement là où "
The Blackening" s’est arrêté. Oui, rien que ça.
"
Slaughter the
Martyr" a la lourde tâche d’ouvrir le disque, du haut de ses dix minutes et évoque forcément "Clenching the Fists of Dissent" mâtiné de la pureté d’un "A
Farewell to Arms". Trois minutes pour introduire ce nouveau monument ouvrant un dixième album s’inscrivant résolument dans une démarche différente, tout en gardant à l’esprit une fidélité aux racines du groupe. Mais quel titre ! Rob et Jared se partagent une introduction solennelle, sentencieuse et magnifique d’émotion, bien loin d’un simple passage acoustico-clean. Les vocalistes n’ont jamais aussi bien chanté et l’aspect conceptuel du disque prend déjà son essor, l’histoire de ces deux protagonistes, Eros et
Ares qui nous sera conté tout au long de l’album. Une lente montée en intensité avant un riff dantesque, à vous éparpiller en mille morceaux, procurant déjà les frissons des grandes heures ("
The Blackening" est là). Rob montre les crocs et un riff syncopé à vous arracher la tête vient nous agresser et faire exploser une production grandiose, propre et absolument surpuissante. La richesse du titre est impressionnante, la densité des riffs est incroyable mais
Machine Head n’oubli pas l’aspect “chanson” puisque le refrain en semi-clair est déjà annoncé comme un grand moment des futurs concerts. Un véritable hit qui se termine dans une atmosphère très dark, à coup de tremolo picking qu’on croirait sorti d’un disque de metal extrême (c’est là que l’influence de Vogg ne semble pas innocente). Une influence qui ressortira de plus belle sur le destructeur "Become the
Firestorm", à l’intro quasi black metal, entre hurlements, blast beat et tremolo très surprenants pour
Machine Head mais démontrant une férocité et une brutalité que nous ne pensions plus jamais entendre. Tout en plaçant (ça portera forcément à appréciation) le chant clair de Jared sur le refrain pour des passages beaucoup plus modernes. A l’instar d’un "Aethetics of
Hate", la partie solo est marquée au fer rouge par le jeu si typique du groupe, entre passage au tapping et lead mélodique croisé avant une accélération thrash qui emporte tout sur son passage.
Rob avait promis un retour aux sources pour le côté brut et "néandertalien". Nous y aurons droit mais ne pensez pas à un "
Burn My Eyes pt II", nous en sommes très loin. Si l’agressivité d’un "Choke the
Ashes of your
Hate" est évidente et viscérale, elle n’en reste pas moins totalement ancrée dans son époque. Rob y vocifère furieusement et, en moins de quatre minutes, donne une véritable leçon d’efficacité et de rage à la "Beautiful
Morning". Néanmoins, un "
Kill thy Enemies" par ses phrasés plus syncopés et narratifs rappellent les premières heures du groupe, tout comme les élans plus punk d’un "
Bloodshot" taillé pour hurler en bande sur un riff basique pensé pour le headbanging. Il y aura aussi un "
Rotten" dissonant qui nous ramène forcément à "
Davidian" ou "
Old" puisqu’ils sont les titres fondateurs du style.
Pourtant, il reste une autre moitié de l’album, différente et qu’il est impossible de ne pas mentionner tant elle rayonne et parachève ce qui s’apparente d’écoutes en écoutes comme le chef d'œuvre de
Machine Head. Travaillant son concept et ses ambiances au maximum, Rob et Jared proposent un visage plus mature, plus progressif et s’installant encore plus loin dans les contrées atmosphériques qu’"Unto the
Locust" avait tenté de le faire, sans pour autant verser dans le remplissage abusif de "
Bloodstone & Diamonds".
Overdose, parfait intermède, ouvre un bouleversant "
My Hands Are Empty", dont les chœurs résonnent durant une minute pour poser cette atmosphère presque christique. Un riff simple mais se disloquant de façon pernicieuse évolue jusqu’à un sublime refrain à deux voix prouvant les progrès techniques de chacun dans l’exercice. "Unhallowed" poursuit sur la même lancée avec un riff plus épais mais ces mêmes élans lyriques qui pourront autant rebuter certains qu’enivrer les autres. La dynamique qui se créé entre les morceaux courts et directs et ces compositions plus travaillées est parfaite, l’équilibre intelligemment trouvé (l’album ne fait pas plus d’une heure) pour un disque totalement digeste. Comment rester de marbre face à "No Gods, No Masters", aux riffs hypnotisants qui propulsent des couplets surpuissants en forme de rouleau compresseur avant un refrain ponctué de chœurs qu’une foule se fera un plaisir de reprendre à plein poumon. Tout ça pour terminer sur un "
Arrows in Words from the Sky" qui prend, dans ce contexte, une toute autre envergure et dévoile toute sa superbe.
Six minutes d’une grande beauté, au Rob presque mystique tant sa voix est pleine de reverb, qui montent doucement pour démontrer toujours plus les immenses progrès vocaux des chanteurs, impériaux dans tous les domaines. Le break est noir et intense mais n’est qu’un moyen de transcender encore plus le magnifique solo qui suit, avant de terminer l’album entre clarté et saturation.
"Of
Kingdom and
Crown" est un chef d’oeuvre, une oeuvre complexe et kaléidoscopique faisant de
Machine Head un phénix renaissant de ses cendres encore fumantes. Il était difficile de prévoir une telle sortie dans l’immédiat mais force est d’admettre que ce dixième album est un véritable coup d’éclat et assurément l’une des immenses baffes de l’année pour mettre à genoux bon nombre de congénères. MH reprend du service.
And it’s fucking good.
Excellent Machine head!. Merci pour la chro.
Merci pour la chronique si je comprends bien ce nouvel opus est un peu un mix entre les deux meilleures périodes du groupe à savoir la violence des 2 premiers albums et l'autre plus progressive et sombre de the blackening et into the locusts. C'est intéressant j'en attendais pas tant.
Vraiment sympa en effet cet album après les deux derniers très moyen et un locust en demi teinte pour ma part.
Le gros son est toujours présent, les titres sont accrocheurs et s'enchaînent super bien, le seul titre en dessous de mon côté est bloodshot qui en plus me rappel trop cut throat de sepultura.
Après je rejoins mcgre sur le chant clair un poil trop présent, et niveau riffing je les trouve moins tranchant et de manière générale je le trouve moins technique et carré que the blackening.
Par contre oui très bonne chose de raccourcir les morceaux, depuis the blackening le groupe avait la manie de faire trainer en longueur des morceaux qui ne méritait pas une telle durée et qui pour certains perdaient en efficacité.
Bref je ne regrette pas mon achat.
Après plusieurs écoutes je trouve le résultat très bon je lui donne un excellent 16/20. Un peu moins bon que le redoutable the blackening quand même.
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