Tobias Sammet est un grand hyperactif, un grand enfant vivant son rêve constamment et qui, quand il ne travaille pas avec
Edguy, bosse sur son opéra metal parallèle
Avantasia ou se retrouve invité sur de nombreux albums (en vrac,
Shaman, Deperadoz,
Aina…). Bref, c’est un homme très occupé. Et pour ceux qui y regarderaient de plus près (comme moi), Tobias n’a pas laissé une année depuis 1997 ("
Kingdom of Madness") sans production de sa main, que ce soit
Edguy ou
Avantasia. Un bilan impressionnant frisant la démesure créative et la suractivité…mais toujours (ou presque) avec un talent forçant le respect d’une scène de plus en plus sur la pente descendante (qui peut vraiment parler de grosse révolution dans le heavy depuis
Edguy justement…tout devient interchangeable et vierge !).
Cette année 2001 fut donc un tournant primordial dans la carrière fulgurante du facétieux lutin allemand. C’est en effet cette année-là que sortirent à seulement quelques jours (une vingtaine je crois !) d’intervalle le premier chapitre d’
Avantasia (le projet gigantesque réunissant un paquet de stars de la scène heavy metal autour de ce jeune d’à peine vingt-trois ans…un sacré risque !) et le cinquième opus d’
Edguy nommé "
Mandrake".
Bénéficiant d’un line-up devenu stable, le groupe semble plus solide et compact que jamais, plus mature aussi. "
Mandrake" représente l’étape indispensable où les Allemands deviennent enfin totalement eux-mêmes et non plus un éternel second couteau clone de
Helloween et consorts (eux qui avaient été traités de groupe sans avenir à leurs débuts…les mauvaises langues doivent ronger ce qu’il leur reste de doigts !).
Mais paradoxalement à cette maturité enfin acquise, à cette énergie cette fois canalisée, "
Mandrake" ressort comme étant l’album le plus traditionaliste de la discographie féconde des Teutons, comme un immense et artistique hommage au heavy speed dans tout ce qu’il possède de plus beau, de plus riche et de plus noble.
L’ouverture magnifiée de "Tears Of A
Mandrake" est le meilleur symbole de ce constat. Intro mystérieuse, mystique aux effets subtils dévoilant rapidement un mur de guitares et un tempo beaucoup plus lourd qu’à l’accoutumée, notamment pour un premier titre (qui plus est de sept minutes !). Ce morceau, aujourd’hui culte, témoigne de cette maturité acquise en quelques mois passés sur les routes et à grandir en tant qu’homme et artiste. Le solo de Jens et Dirk est extrêmement mélodique et d’une fluidité impressionnante, dans le style si particulier de Ludwig (beaucoup d’effets et relativement peu de notes au final). L’ambiance religieuse et solennelle du break, où Tobias s’envole très haut dans les cieux pour un final magnifique de complexité vocale (toutes ces pistes se croisant, un travail d’orfèvre…et en même temps que "The
Metal Opera", encore plus complexe du point de vue des chœurs !). Je pense que l’on pourrait nommer ce titre comme une définition assez complète du style, avec l’album suivant ("
Hellfire Club", sorti en 2004).
Niveau production, nous naviguons une nouvelle fois dans les hautes sphères. Le groupe a tenu à tout diriger par ses propres moyens et rien n’en a réellement souffert. Un travail clair, profond, puissant et limpide dont on regrettera surtout un son de batterie un peu fade et creux (le même problème que la réédition de "
The Savage Poetry" en fait, problème que ne possédait pas "
Theater of Salvation" !). Mais, sans la contribution des stars de la production, le son est très bon, et mixé, comme tout album de metal digne de ce nom, au Finnvox (Mika Jussila doit décidément être un homme riche…).
De l’ultra speed "Golden
Down" où Félix Bohnke nous dévoile ses qualités de poulpe tentaculaire, le plus rock "
Jerusalem" ou encore le terriblement hargneux et heavy "
Nailed To The
Wheel" (où Tobias maîtrise sans doute pour la première fois ses parties de chant vraiment agressives), "
Mandrake" est un album archétypal destiné à figurer en exemple dans le style de l’aveu même de son architecte principal.
A l’écoute du dantesque "The Pharaoh", long de plus de dix minutes, on se rend compte qu’
Edguy n’a pas chômé et ne fait rien comme les autres, ni dans la simplicité. La ligne de chant principale est une mine de trouvailles, grandiose, très travaillée et d’une aura incommensurable (les "ho" de Tobias sont absolument divins…à coller une baffe à Dickinson !). L’ambiance arabisante, le long solo langoureux et mélancolique, l’atmosphère planante et angélique, empreinte de tension orchestrale, propulsent cette épopée vers des sommets intouchables.
Je ne pourrais pas non plus ne pas évoquer "Wash Away The
Poison", comme étant pour moi la plus belle et bouleversante ballade composée par Tobias, loin et très différente des autres (hier grandioses et aujourd’hui plus émotionnelle et crue). Un chant bercé par la grâce et des arrangements magnifiques.
"
Mandrake" n’apporte certes pas grand-chose de neuf mais place
Edguy en digne représentant de toute une scène. Un titre aussi efficace et prévisible que "
Fallen Angels", par exemple, fait immédiatement mouche malgré son caractère un peu cliché. Idem pour le plus fun "
Save Us Now" (où le groupe charrie son batteur !).
Mais il démontre que Tobias sait composer des mid tempi imparables et hymniques, à l’image de "Tears Of A
Mandrake" ou "Painting Of The Wall" repris en chœurs par des foules humaines aux anges.
Un album important, traditionnel mais diablement bien écrit, et surtout interprété avec les tripes…et quelles tripes !
Sacré bon travail.
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