La Terreur

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17/20
Nom du groupe ADX
Nom de l'album La Terreur
Type Album
Date de parution 1986
Style MusicalSpeed Metal
Membres possèdant cet album188

Tracklist

Re-Issue in 2015 by No Remorse Records
1.
 Les Enfants de l'Ombre
 05:12
2.
 Marquis du Mal
 04:51
3.
 Alesia
 05:57
4.
 La Terreur
 04:19
5.
 Mémoire de l'Éternel
 03:55
6.
 Le Blason de la Honte
 04:23
7.
 Tourmente et Passion
 06:28

Bonus
8.
 Marquis du Mal (Live 1986)
 04:36
9.
 Mémoire de L'Éternel (Live 1986)
 04:44
10.
 Alesia (Live 1986)
 04:44
11.
 Le Blason de la Honte (Live 1986)
 04:47
12.
 La Terreur (Live 1986)
 04:29
13.
 Tourmente et Passion (Live 1986)
 07:49
14.
 La Vierge de Fer (Live 1985 - first version of Tourmente et Passion)
 04:51

Durée totale : 01:11:05

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ADX


Chronique @ largod

12 Juin 2012

Le supplice du plaisir

Le régime de La Terreur vit le jour lors de la Révolution Française, suite à la chute de la monarchie le 10 août 1792. Menant la guerre à l’Autriche et la Prusse depuis le 20 avril, coupables de soutenir la famille royale française, les sans-culottes et fédérés prirent d’assaut le palais des Tuileries et jetèrent Louis XVI et sa famille dans des quartiers bien moins hospitaliers, à la prison du Temple, alors que les troupes prussiennes pénétraient sur le sol de la Patrie, désormais en danger. Le pouvoir d’exception de ce terrorisme d’État alors instauré dans l’hexagone reposera sur la force, l’illégalité et la répression à l’égard de tout opposant politique, devenu ennemi du Peuple. Exécutions sommaires, massacres en tout genre et emprisonnements arbitraires devinrent le quotidien d’un pays cherchant la voie de la Démocratie. La victoire de Valmy le 20 septembre fut le catalyseur de la création de la Première République et mit un terme à cette période sanglante. Pour une bien courte durée, sachant qu’un second régime de Terreur fut décrété par les Montagnards le 5 septembre 1793, quelques mois après l’élimination des députés Girondins. La chute de Robespierre le 26 juillet 1794, dont la tête roula au fond d’un panier en osier deux jours plus tard, marqua la fin de la Grande Terreur. Durant ces deux années terribles mais nécessaires pour certains historiens à toute démocratie balbutiante, la concentration du pouvoir politique, la déchristianisation, la réorganisation des armées et l’application d’une purge royaliste furent les piliers fondamentaux d’une vie politique, façonnée au fil du temps par l’engagement indéfectible des Saint-Just, Danton, Robespierre et Marat à muer la Révolution en un état civil.

La Révolution, et sa quête de Liberté, mobilisent les masses sans grande difficulté contre l’oppression et le tyran désigné, mais les chemins menant à la Démocratie ont un prix. Celui du sang, versé dans les sillons d’un régime plongeant ses racines dans l’inconnu et ses espoirs vers des jours de justice et de fraternité.

Là où « Exécution » peut être considéré comme la prise de la Bastille par ADX, ce « Chapitre II » est sans nul doute l’exemple parfait de la période de trouble paranoïaque et de stabilisation aveugle, comme fut La Terreur, qui fait suite à tout soulèvement populaire d’envergure. D’ailleurs, dès le premier titre, Phil nous lance sur « Les enfants de l’ombre » des paroles à propos d’un horizon hypothétique et lointain mais dont la matrice nourricière n’est pas sans nous rappeler les jours sombres évoqués ci-dessus :
« En l'an de douleur 2153
Les guerres ont consumé la terre.
Dans les décombres où se battent les rats
Des enfants pleurent des larmes de colère.
Du fond de leur pénombre, ils n'ont qu'une seule idée, la punition
Faire payer à l'homme la vie qu'ils ont gâchée.
Dans ces lieux de mort, c'est leur force qui règne
Poursuivant chaque proie dans le silence.
Aucun remord, aucun signe de peine
Ne peut troubler le prix des sentences.
L'espoir d'un renouveau leur donne les raisons de pourchasser
La race dominatrice qui les a fait prier.
Les Enfants de l'Ombre n'ont ni dieu, ni loi, ni maître.
Les Enfants de l'Ombre ont les marques de la souffrance.
Les Enfants de l'Ombre ont l'espoir noyé de vengeance.
Brasiers de l'univers, le temps a changé de position.
Les hommes sont tombés, leur vie n'est plus un rêve. »

Nos valeureux sans-culottes de l’Oise quittent donc Devil’s records pour sortir chez Sydney productions un second album en 1986, après le temps désiré et attendu « Exécution » de l’année précédente qui fit vaciller bon nombre de dinosaures de l’époque sur leurs imposants membres inférieurs, à savoir leurs pattes et pas autre chose (bande de gros dégueulasses…). Ce nouveau LP bénéficie d’un son tout juste correct et sa maturité grandissante notamment au niveau des compositions et du chant est indéniable. Le temps où Phil était raillé pour sa voix d’adolescent en pleine mue et sans texture musicale est en passe de s’estomper enfin. La formation du groupe est idéale : une paire de guitaristes avec Marquis et Betov qui fait étalage de son ingéniosité à pondre des riffs mélodiques et implacables de puissance, une section rythmique avec Dog et Deuch qui à l’image d’Attila est la ruine des fabricants de tondeuses à gazon et enfin un chanteur, Phil, qui s’épanouit peu à peu dans l’écriture de ses textes et dans la maitrise de son organe, vocal bien entendu, le reste relevant de sa plus stricte intimité. Une sacrée bande de loustics qui s’attèlent avec sérieux à nous délivrer quelques pièces musicales du meilleur acabit. En repensant à cette époque, il était inenvisageable qu’un groupe français puisse à la fois imposer son style et durer dans le temps, en dehors des deux seuls vrais mastodontes qu’étaient Téléphone et Trust. Et pourtant, à y regarder de plus près, et surtout y écouter avec attention, les ingrédients pour faire jeu égal avec les jeunes talents de l’époque, en provenance de tous horizons, étaient réunis. Je me laisse parfois à penser quel aurait été le parcours de certains avec les moyens actuels de production et de communication et me dit que les années 80 eurent pour le Hard Rock sa période libertaire puis une, moins rose et liberticide, qui coïncide parfaitement avec l’introduction historique de cette chronique et le sujet invoqué par la pochette de ce LP.

La première prouesse d’ADX est d’avoir renoué avec un instrumental et de l’avoir placé dès le troisième titre de la face 1. Et quel instrumental ! « Alésia » commence telle une bande originale d’un film de David Lynch ou de Tim Burton, quelque part entre ambiance mystique et environnement ésotérique où l’imaginaire trouve terrain fertile. L’attaque de guitare, d’abord agressive, s’installe ensuite dans une envolée de riffs mélodieux et aiguisés à la meule de pierre. Le soutien de la rythmique de plomb procure aux deux guitaristes l’espace nécessaire à leur imagination débordante et leur signature si singulière. Betov et Marquis assurent comme deux vieux routiers alors que Deuch envoie sur le break une ligne de basse aussi légère qu’un cassoulet dégusté au petit déjeuner. La grande classe pour quatre musiciens au diapason.

Le chant n’en reste pas moins en retrait et Phil tire son épingle du jeu, notamment sur les mid à up-tempo. A noter son excellente interprétation sur « Le blason de la honte » où sa voix devient anormalement grave et tout en maitrise, à l’image de Klod, second chanteur de Der Kaiser, sorte d’Alain Chabat du Heavy-Metal qui désormais tient la 4 cordes de l’ADX des temps modernes. La ligne de basse de Deuch, fossoyeuse et bourdonnante, s’associe à un swing de batterie de Dog, proche de celui que Philty « Animal » Taylor savait assurer chez Mötörhead. Les gros riffs de guitare tiennent une cadence lourde, voire alerte, et se rapprochent par moment à certaines sonorités d’H-Bomb. Sur le titre « La Terreur » l’ami Phil délivre à nouveau une magnifique copie. Son chant sur les couplets est plus posé et sauvagement maitrisé. On lui pardonnera une montée dans les aigus parfois perfectible sur les refrains. Ce morceau bénéficie d’ailleurs d’une entame bien lourde avec son riff à la Judas Priest. Dog et Deuch se mettent au service de ce mid-tempo très chantant et moderne, notamment la basse qui pilonne allègrement comme un éléphant cherchant à ouvrir une noix en sautant à pattes jointes dessus. La paire de guitaristes nous gratifie d’un échange de soli brefs et pleins d’à propos. « Marquis du mal » clôture le chapitre mid-tempo de l’album. Ode au divin marquis de Sade, Phil se délecte dans quelques paroles comme « Le vice brûlait dans tes yeux, ta magie du sexe, du viol et du jeu » ou encore « Tes jouissances fatales t'ont marqué par le fer, la lanière de ton fouet ne rougit plus la chair ». Exquises pensées qu’auraient partagées et mises en pratique avec plaisir son inspirateur. Ce titre met aussi en avant des guitares tractopelles qui dessoucheraient allègrement la forêt amazonienne s’il en était encore besoin. La basse de Deuch tricote avec entrain sa cotte de maille alors que Dog, plutôt discret, distille quelques interventions brèves mais fougueuses. A signaler aussi un somptueux solo de Betov et l’outro sur des nappes de clavecin qui nous resitue à merveille dans l’ambiance de l’époque.

ADX n’a pas oublié de nous offrir trois monuments du speed-metal made in France sur ce second opus. Des morceaux absolument monstrueux et qui ravissent encore des générations de speed freaks.
Tout commence par « Les enfants de l’ombre » et sa brève introduction d’orgue d’église. Patate douce et ferme de Didier « Dog » Bouchard sur ses toms basses et riffs distordus et tranchants comme le rasoir des guitares prennent bien vite le relai. Ca va saigner, on le sent venir. La suite est un doux supplice de plaisir et d’orgasmes sonores. La double grosse-caisse est actionnée tel un piston de locomotive à vapeur en pleine harmonie d’un bassiste qui joue sa partition à fond la caisse. « Dis-moi papa, une Deuch qui roule aussi vite, ça s’appelle une Ferrari, non ? Oui, fiston, seulement si elle est rouge. » Le V12 ronflant de la basse « Testa rossa » sait aussi faire dans la gaudriole avec son break « Au clair de la lune » aussi improbable qu’hilarant. Les cordes des guitares virent au rouge comme celles, vocales, de Phil, éructant un texte inspiré et subtilement imagé. Marquis et Betov font de cette composition aboutie une succession de soli et de riffs coup-de-poing qui préserve mélodie et potentiel musical avec une facilité déconcertante. On passe au niveau supérieur avec l’ultra-speed et jouissif « Mémoires de l’eternel ». Le sieur Dog annonce la couleur sur son introduction solo du titre, qui ouvre le bal au riff de Marquis et Betov. Deuch met en route son lance-ogive alimenté par un cœur thermonucléaire en quasi rupture de fission, alors que Dog se met à pédaler sa double grosse-caisse, plus vite qu’un Lucien Van Impe sous effet d’EPO dans l’ascension du Tourmalet. Les guitares, à l’égal de la paire Murray-Smith, époque Killers de la Vierge de Fer, maintiennent un rythme hallucinant et mélodieux, avec un solo aux relents thrash de Marquis. Les deux duettistes se permettent même le luxe d’une dernière relance. Le chant est plutôt bon, même excellent, et que dire de la performance de dingue sur les fûts de l’ami Didier qui déchire tel un damné les peaux de ses toms. Malgré une entame bien lourde de diplodocus, attentif à s’envoyer son tonnage quotidien d’herbes en tout genre, y compris celle qui fait rire, « Tourmente et passion » fait aussi dans le sauvage. « Forgée dans le plus dur métal, née de la main d’un Dieu…» s’achève dans une charge du 7ème de cavalerie du général Custer partant ferrailler contre Sioux et Cheyennes à Little Big Horn. Quelle puissance ! La basse affole les sismographes et les guitares tissent entre break, riff et relance une toile de maitre où chacun des 5 allumés prend son plaisir à tour de rôle ou en collectif. Quand y’en a pour un, y’en a bien pour nous tous dirait un DSK avisé. Un titre d’inspiration Judas Priest qui aborde une zone du compte-tours susceptible de faire voler en éclat la tuyauterie d’un moteur de Formule 1.

Au final, quel plaisir de constater qu’il n’y avait rien à jeter dans cet album. La variété des compositions témoignait aussi de la volonté d’ADX d’affirmer sa propre identité et son style. Le plaisir n’allant pas sans une certaine pointe de gêne et de douleur, on s’étonnait à se demander comment pérenniser un tel effort dans le temps avec des moyens aussi incertains mis à disposition par un show business français peuplé de requins avides de gain rapide et de compromission artistique. Comme un long processus de digestion de l’explosion révolutionnaire des années 83/87, ADX mangera son pain noir pendant une dure traversée du désert, d’où ils sortiront grandis et reconnus au travers de nouveaux albums désormais proposés par une bande de joyeux sans-culotte quadragénaires. Les « Résurrection », « Division Blindée » et « Immortel » nous rappellent cruellement que la liberté à certes un coût mais qu’il ne faut pas bouder son plaisir retrouvé. Le talent paye toujours même au prix du supplice de l’absence…

Didier, mai 2012

15 Commentaires

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adrien86fr - 15 Juin 2012: Sublime chronique une fois de plus, imagée et hyper intéressante portant hommage comme il se doit au plus grand groupe isarien de tous les temps, et quel groupe ! Merci largod pour cette leçon d'histoire de France et de metal ;-)

"Le talent paye toujours même au prix du supplice de l'absence..." Magnifique..
Doume - 16 Juin 2012: bon album ouais mais je préfère Execution chez moi. en tout cas c'est bien rédigé, excellent boulot!
largod - 07 Octobre 2012: ça arrive Fred...
LeMoustre - 13 Fevrier 2016: Superbe papier pour ce disque qui fut parmi mes premiers LPs achetés (après Somewhere In Time, Live In The Raw, Peace Sells, et Master Of Puppets) en pleine effervescence de découverte de ce style musical qui nous est tous cher. Disque qui trône encore dans les étagères et qui ressort régulièrement. De la pochette aux paroles, de la première à la dernière note, rien à jeter, comme le dit admirablement Didier. Un grand disque qui fait figure de favori de la longue disco de ce groupe récemment vu à Toulouse en bonne compagnie. Une bonne humeur communicative sur scène, et des lyrics appris par cœur à l'époque, disque sur les genoux et casque sur les oreilles. La suite (Suprématie) sera équivalente, même peut-être supérieure en qualité, mais je voue une affection spécifique à ce disque qui m'a permis de découvrir ce groupe. Le réenregistrement de ce disque sur "Terreurs" en boîtier en fer avec la version d'origine et des inédits vaut largement l'achat, pour les fans de ce disque, en apportant une profondeur supplémentaire au son, sans dénaturer l'œuvre. Bien joué.
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