Au petit matin, en rase campagne. L’atmosphère électrique tranche avec la quiétude des lieux. L’humidité ambiante et le voile de brume sur la lande donnent au théâtre des opérations son aspect à la fois lugubre et apaisant. Contraste saisissant entre cette nature offrant son sol et sa végétation à la chaleur des premiers rayons d’un soleil hésitant et cette terre bientôt dévorée et défigurée par la violence d’un assaut bref et massif.
Ce sixième album studio d’
ADX fait l’effet d’une blitzkrieg, ordonnée et réalisée dans les règles de l’Art. Il aura fallu attendre 10 années entre un prometteur «
Résurrection » sortant des limbes de l’oubli un quintette toujours aussi fringant et imaginatif et ce «
Division Blindée » réveillant en 2008 la bête trop longtemps restée assoupie.
Durant cette période d’hibernation, les tentatives de réveil furent nombreuses. Il y eu tout d’abord l’épisode du
Merlin suisse entre 1999 et 2003 qui remua sur la Toile les énergies bienveillantes à une reformation du groupe.
Marquis ne donnant pas suite à ce désir des fans, l’idée mit le temps à faire son chemin et 2006 fut l’année de la tournée du retour d’
ADX sur les planches des scènes de France et de Navarre.
Côté line-up, autour des membres fondateurs et historiques, Betov, Dog et Phil apparaissent l’ex-chanteur de
Der Kaiser désormais bassiste, Claude « Klod » Thill, ainsi qu’un nouveau six-cordiste Bernard-Yves « BY » Queruel en provenance de
Witches.
Par contre, l’approche artistique reste la même : pas de quartier côté tempo, de l’humour, du riffing assassin, des échanges de soli pas piqués des vers, un batteur cognant sans temps mort et une basse avançant à marche forcée. Pour couronner le tout, une mention spéciale au chant de Philippe "Phil" Grelaud qui atteint un seuil de maturité phénoménal.
Après avoir déniché un contrat chez les fameux Bernett Records (
Exodus,
Metallica,
Venom etc…) ressuscités tel un phénix, nos amis Picards s’enfermèrent au Walnut Groove studio d’Amiens, si cher au cœur de Charles Ingalls, afin d’y enregistrer un missile bénéficiant d’une production enfin digne de leur statut et penchant ouvertement dans la catégorie du speed metal bleu-blanc-rouge.
Seul le titre « Livide » laissera en effet une trace épaisse et lourde, tel un heavy de labour. Super efficace, ce morceau semble taillé pour la scène. Offert à une foule en pleine communion, on imagine sans peine mille gorges reprendre « Livide… Putride » à s’en casser les cordes vocales. Le second vestige heavy, astucieusement dopé en fin de piste d’un coup de speed bien placé, correspond à « La Parodie du Fou », au refrain chantant de l’ami Phil, tracté par une grosse rythmique au riffing tortueux et une basse terrifiante alors que l’entame vielle, pipeau et tambourin comme les paroles pourraient laisser penser qu’
ADX règle ses comptes avec le député vendéen Philippe de Villiers, créateur du parc d’attractions du Puy du Fou.
L’offensive continue sous une pluie de morceaux mid/up-tempo et de bijoux de speed metal durant lesquels BY s’affiche en digne successeur de
Marquis et Klod en parfait héritier de Deuch.
L’ouverture « Avant l’assaut » ayant superbement introduit l’album, « A la gloire de Dieu » déboule dans un déluge d’harmoniques agressifs, style de fabrique des deux guitaristes et d’
ADX depuis ses origines. Ce titre bien en speed s’appuie sur un couple basse/batterie solide et conquérant et d’un échange de soli permettant aux nouveaux arrivants de mettre en son leurs cartes de visite respectives. Phil y pose des vocaux maitrisés et des paroles toujours aussi riches. « Ils prient, les genoux meurtris » ne vous lâchera pas de sitôt.
L’enchainement avec « Les stratèges » et «
Division Blindée » achève l’impression de puissance dégagée par
ADX, provenant de la bonne production d’ Alex Wursthorn. Sur le premier, Klod a sorti la moissonneuse ‘basse’use derrière Dog et un riffing méchamment chargé en munitions perforantes. Là aussi, « Toute la puissance de l’attaque » clamé par Phil prend tout son sens dans le claquement des guitares, l’interlude mosh et le pré-chorus guerrier. Le title-track, quant à lui, invite à tirer à volonté au gros calibre. On gardera longtemps en mémoire la double grosse-caisse assassine, les guitares en fusion et ce chant libéré d’un Phil sans merci , assenant un inspiré « A croire que la mort n’a plus de frontière ».
Comment résister à l’ogive destructrice qu’est « Dernière morsure » et son outro « Vestige d’un chaos », déferlant comme un tsunami sonore. La mélodie charge en règle les lignes ennemies, portée par un hurleur en pleine possession de ses moyens, invectivant l’auditoire d’un « Quand viendra mon heure » annonciateur d’une lutte sans merci. Même s’il est difficile de sortir un artiste du lot, le chant s’avère cependant excellent de bout en bout, porté par une rythmique et une paire de guitaristes touchées par la Grâce. Quel titre !
Enfin, nos picards favoris s’essaient avec « Mary la sanglante » à un mélange de styles où l’on retrouve une pointe de
Manowar dans l’introduction, une basse ronflante couplée à un riff autant béton que sonore et un refrain heavy des familles qui se termine sur une accélération où BY et Betov tartinent de concert. « Souvenir de Gambais » suit la même logique : on avance, ça balance dans tous les coins, gros son, riff gras, basse de bulldog. Manque juste une pointe d’originalité. On la trouve sur « Lycanthropie » qui réveille soudain Phil telle une bête sortie abruptement de son sommeil. « Le pouvoir de détruire, le pouvoir se déchire » est assené avec fougue alors que le pédalage en règle de Dog tente de suivre au près un Klod positif à la prise de pot Belge. Encore une fin de morceau dopée par des guitares survoltées.
Gavés d’harmoniques aiguisés et de soli divers des guitares, la démonstration s’achève sur un «
Poison d’état » avec ses guitares en écho. Sur ce mid-tempo à la musicalité et au riffing travaillés, Phil chante, Dog blaste presque, BY et Betov se lâchent comme des furieux, le break made in
ADX ressurgit, le comble du plaisir vous envahit.
Chapeau bas les artistes.
Ce retour s’opère dans une continuité qui crève les yeux malgré l’absence de membres historiques. Dix années effacées avec une facilité déconcertante et l’espoir d’un nouvel essor que tous les fans de la première heure espèrent définitif. En grands frères de la scène metal française,
ADX se dresse avec un album au son clair et puissant, enfin me direz-vous, fait pour durer. Autant pour le jeu des guitares que les paroles, l’inspiration reste intacte. Nos gaillards ont encore des choses à nous dire, des mélodies à nous offrir. Portées par un vent de fougue retrouvée.
Comme celui de ce petit matin calme. Avant l’assaut. Avant que le feu des armes et la furie métallique ne prennent possession de ce morceau de terre et ne lui donne soudain cet aspect de morne plaine. Cette odeur âcre, de poudre et de mort mélangées, qui plane et vous prend à la gorge. La marque de la blitzkrieg.
Et le calme revient à nouveau.
Didier – Mai 2013
Si forte est cette pensée de détruire
Qu’on en oublie le prix du sang
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