Après des débuts en 1988 avec un style heavy speed allemand dans la veine du
Helloween de l'époque "Walls of
Jericho" (1985), parfois se rapprochant du thrash dans la vitesse et la hargne,
Blind Guardian s'est rapidement tourné, tout comme les citrouilles d'ailleurs, vers un style beaucoup plus mélodique. Avec les Keeper I et II (1987-88) de la bande de Kai Hansen, les
Guardians font, à leur manière, partie des groupes instigateurs de tout un genre, le power metal. Déjà sur "
Tales from the Twilight World" (1990), des compositions se détachent de par leur côté mélodique beaucoup plus poussé, chose qui se confirmera sur "
Somewhere Far Beyond" (1992), parfois au détriment de l'agressivité présente sur leurs deux premiers opus. Après quatre albums en cinq ans, la bande de Hansi Kürsh prendra cette fois-ci trois années pour préparer "
Imaginations from the Other Side", le succès grandissant et les tournées obligeant à écarter les sorties studio. D'autant plus qu'un album
Live ("
Tokyo Tales", 1993) se glisse dans l'histoire entretemps.
Autant le dire tout de suite, nous nous trouvons ici en présence d'un album puissant, direct et sans temps morts (ou presque). Le groupe, dans son évolution, n'oublie pas d'où il vient. La recette ici semble mêler l'agressivité et la hargne de "Batallions of Fear" (1988) et de "
Follow the Blind" (1989), tout en conservant la mélodicité de "
Somewhere Far Beyond" dont il est le successeur logique. Mais ce n'est sans doute pas pour rien que l'album a été plus long à préparer que les précédents, les compositions sont encore plus travaillées, menant vers un niveau qui deviendra par la suite une des exigences du groupe. Les guitares des sieurs Olbrich et Siepen ont trouvé la sonorité si spécifique qu'elles la gardent encore aujourd'hui, quinze ans après.
Ne tournons pas plus autour du pot, et soyons comme l'album : directs. La première piste, du même nom que l'album, est une pure bombe. Ce n'est pas devenu au fil du temps un des classiques du groupe pour rien, et que ce soit sur CD ou sur scène c'est la claque assurée à chaque fois. Elle dure plus de sept minutes, mais on ne les voit pas passer. Son intro est intrigante et mystérieuse, puis monte en puissance et déjà le rythme est soutenu. La cavalcade, menée par tous les instruments, ne s'arrête que rarement pour laisser place à Hansi Kürsh qui envoie des vocaux hargneux de sa voix rocailleuse. Sur le reste de l'album, on retrouvera le même esprit. La musique se veut, la plupart du temps, agressive et tranchante, tout en étant toujours très construite et travaillée : les changements de rythmes et de mélodies sont légion, avec des passages instrumentaux nombreux qui étalent les capacités techniques du combo, qui n'a rien à envier à personne. Le tout sans tomber dans la démonstration stérile et insipide, ici chacun des membres est à sa place quand il le faut et chacun a droit à son moment de gloire (sauf la basse, qui ne sera jamais réellement mise en avant par le groupe).
Mais, à côté de tout ça, le groupe continue à développer aussi une de ses facettes phares, à savoir leur côté médiéval façon "chanson de ménestrel" (déjà présenté avec les superbes "
Lord of the Rings" et "The Bard's Song") qui leur sert à nous donner d'admirables histoires racontées par Hansi sous forme de ballades, mais aussi quelques répits au long de cet album au rythme fou. "A
Past and a Future Secret" nous fait croire faussement à une accalmie, avec sa guitare acoustique et sa flûte légers et entraînants, tout comme le chant qui sait aussi se faire doux et envoûtant tout en gardant force et conviction. Placée entre les deux brûlots "I'm A
Live" et "The Script for my
Requiem", aux ambiances lourdes et sombres, elle ne dénote pourtant pas et s'intègre très bien à la tracklist. Les autres chansons plus "calmes" (mais qui ne sont néanmoins pas des ballades), "
Mordred's Song" et "
Bright Eyes", trouvent, de même, très bien leur place. Le mot calme est entre guillemets, car comme le disait Albert Einstein en tirant la langue (rock'n'roll !), "tout est relatif". On est quand même en train d'écouter l'un des albums les plus percutants du groupe. Elles sont simplement dotées d'un tempo moins effréné que la piste qui les sépare, comme par exemple, "
Born in a Mourning Hall", un nouveau titre à rendre fou, composé de passages speed et puissants, au refrain simple mais efficace et jouant avec ces chœurs typiques du groupe et la voix caractéristique de Hansi.
En prenant du recul, on s'aperçoit que le tout est très cohérent, à l'échelle de l'album entier, comme d'une chanson seule. La construction est similaire, à savoir cette judicieuse alternance de passages bruts et directs avec d'autres plus posés et mélodieux, la musique comme le chant suivant ces schémas. Mais attention, aucune piste ne se ressemble. La richesse de composition fait que chacune est basée sur plusieurs rythmes et mélodies distincts. Les 50 minutes de cet album passent vraiment très vite, et ce, même après avoir écouté l'album plusieurs fois.
Comme pour nous redonner un peu de souffle, l'album, assez sombre et belliqueux, se termine sur "
And the Story Ends" (original comme titre pour la dernière piste, non?). Une chanson qui est portée par son tempo ralenti (sauf pour le solo de guitare, non mais vous avez cru quoi ?) et ses chœurs qui donnent une note d'espoir, sûrement la chanson la moins sombre de l'album. Mais attention avec les mots, encore une fois l'ombre de tonton Albert plane…
L'album "
Imaginations from the Other Side" fait donc partie des travaux les plus agressifs des bardes, avec les deux premiers albums. Mais, ces derniers sont desservis par un défaut de puissance dû au manque de moyens d'un groupe débutant, ce qui n'est plus le cas ici.
Blind Guardian étale son power metal qui, tout en étant typé allemand, possède des sons (voix et instruments) caractéristiques assez à part, qui en font un de ces groupes reconnaissables entre mille. Que ce soit avec leurs bombes speed ou bien leurs chansons plus tranquilles et leurs ballades, le tout tient debout et forme un album solide, compact, mais également très riche, si on prend la peine de fouiller un peu plus profondément. Sans réelle piste faible (sauf peut-être sur la fin qui ralentit le rythme déchaîné lancé avant), "
Imaginations from the Other Side" est et restera sans grand problème une des pièces indispensables du groupe.
Et il faut croire qu'ils aiment alterner du direct avec du plus subtil. L'album suivant "
Nightfall in Middle-Earth" en sera la preuve…
18/20.
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