"
War never changes."
Fallout, 2077
La guerre ne change jamais, et
Kreator non plus. C'est du moins ce qu'on pensait jusqu'à un passé récent. Le chef de file du thrash à l'européenne, incontesté depuis plus de trente cinq ans, n'avait jamais laissé personne s'approcher trop près de son trône, se permettant même quelques errances discographiques avant de revenir à ce qu'il sait faire le mieux : bastonner en hurlant comme une harpie des enfers.
De plus, avec un
Slayer à la retraite, l'occasion de faire une razzia sur le thrash blitzkriek était trop belle, mais la bande de Mille Petrozza a semble-t-il ignoré ce chemin tout tracé sur lequel d'aucuns les auraient attendus. Ils ont entamé ces dernières années un retour nostalgique vers une des racines du thrash, le heavy, au détriment de la folie du punk.
Kreator a sensiblement peaufiné le côté mélodique de sa musique, d'abord par petites touches heavy sur les soli de "
Phantom Antichrist" en
2012, puis des passages New Wave Of British
Metal sur "Gods of Violence" en 2017.
Depuis 2019, Frédéric Leclercq (Sinsaseum, Dragonforce,...) a eu la lourde tâche de succéder à la basse à l'emblématique Christian Giesler, et il s'en est acquitté en s'investissant pleinement dans ce rôle. Il joue aussi de la guitare sur le morceau d'intro, et a composé "
Dying Planet", qui clôt l'album.
C'est le producteur Arthur Rizk (
Cavalera Conspiracy, Powertrip,…) qui a chapeauté l'enregistrement de l'album dans deux studios berlinois, repartant aux USA pour le mixer. L'artwork superbement malsain a été réalisé par Eliran Kantor (
Loudblast,
Helloween,
Soulfly ...). "
Hate Über Alles" est sorti chez
Nuclear Blast, le 10 juin 2022, juste avant le Hellfest où les plus chanceux d'entre nous ont pu les voir.
L'opus commence comme de coutume par un très beau mouvement introductif, cette fois à la sauce western spaghetti, dont la musique a été enregistrée aux Studios Ranza (Berlin), tout comme les quelques intros ou fins de morceaux qui ajoutent une belle ambiance avec des arrangements de film à grand budget.
Mais foin de suspense, après cette entrée en matière classieuse, les hostilités sont entamées sans pitié avec les très vindicatifs "
Hate Über Alles" et "
Killer of Jesus". Il n'y a pas à dire, sur ce terrain-là,
Kreator est toujours irrésistible, et n'a rien perdu de son efficacité. Riffing ultra rapide et précis, double grosse caisse assassine, chœurs poilus et testostéronnés, ravissent les esgourdes de l'homme de goût, avec en prime des soli nerveux et shreddeurs à la scie circulaire, très chiadés et bien construits par Sami Yli-Sirniö, avec quelques audaces (cette montée mélodique superbe dans le solo de "
Killer Of Jesus").
Cependant, cela ne dure pas et le quatuor lâche l'accélérateur dans le cœur du disque, pour des mid tempos lourds tel quel
Slayer les pratiquait sur "Seasons In the
Abyss". Des mélodies entrainantes se joignent aux refrains vengeurs, poussant même jusqu'à des harmonies luxuriantes à la
Kvelertak ("Strongest of the Strong", "Conquer
And Destroy"). Ce coté très mélodique peut donner une impression étrange chez nos teutons préférés, alors que les hurlements de Petrozza sont toujours aussi monocordes, et les titres de morceaux et l'imagerie du groupe toujours aussi guerriers et malsains.
Confirmation est faite que ce quinzième album suit l'évolution amorcée depuis
2012, assumant une coloration Heavy métal prononcée dans la tradition germanique d'un Accept. Il se fourvoie parfois un peu loin à mon goût dans le heavy mélo, et tombe un peu à plat, comme sur l'ampoulé "Become
Immortal" qui me rappelle, à mon corps défendant…
Running Wild.
Aussi, les choix de production participent à cette impression de cul entre deux chaises : les crètes ont été rabotées, rien ne dépasse, pas même la batterie de Ventor, dont la caisse claire est assez mate, pour ne pas dire plus. Le son des guitares habituellement très incisif chez eux, est plus contrôlé, voire presque synthétique sur cet album, les palm mutes sont secs, et clairs, et il me manque cette attaque si carnassière de
Kreator. Pourtant le récent single "
666 - World Divided" proposait un son très affûté et massif, qu'on aurait pu imaginer comme galop d'essai avant l'album.
Le chant de Mille s'est aussi un poil calmé, un peu moins virulent et abrasif dans les aigus ; Il faut dire qu'il fût un temps où les vociférations du Seigneur Petrozza provoquaient chez moi un mouvement de recul instinctif, semblable à celui du péon devant l'arrivée d'une horde de Wisigoths. On peut dire que la maîtrise a pris le pas sur la rage, bien que son débit soit toujours aussi impressionnant. Mille Petrozza reste fidèle à ses principes, dans les paroles et le contenu thématique, à cheval entre diatribes contre des tares sociétales actuelles et provoc' iconoclaste sur les titres de morceaux ("
Killer Of Jesus", on l'avait pas eu celui-là).
La double grosse caisse n'a pas été mise au placard, en témoignent les bombardements façon Trommelfeuer sur "Pride Comes Before the
Fall" ou "
Hate Über Alles" ; l'inusable Ventor défie les années et malmène impitoyablement sa batterie comme s'il avait vingt ans. Une efficacité qui force le respect.
L'apport de Frédéric Leclercq se traduit par une basse assez technique et joueuse. Celle-ci a un son plutôt rond et bien compréhensible, et a une présence certaine dans le mix. Elle participe activement aux compos, et apporte un plus appréciable comme lorsqu'elle décroche des guitares aériennes pour pilonner au sol, un peu à la
Manowar ou Accept ("Crush the
Tyrants"). Pour une fois qu'il y a une vraie bonne basse a sa juste place dans un album de metal, ailleurs que chez
Gojira, je ne vais pas bouder mon plaisir.
D'autres titres font dans l'alternance, avec moitié de gros thrash, moitié de heavy mélodique, comme "Conquer and
Destroy", avec au passage quelques surprises, comme ce double break à la
Pantera qui aurait pu figurer sur "Cowboys From
Hell", ou des chœurs féminins lyriques en unisson avec Petrozza. On retrouve enfin leur frite légendaire en allers retours, avec le riff ultra saccadé de "
Midnight Sun" après lequel Mille pousse un refrain chanté, secondé par le timbre cristallin de Sofia Portanet, qui crée un contraste désincarné à la
Fear Factory (Burtonne C.Belle ? pardon, c'était facile). Il y a aussi du
Kreator plus classiquement furibard sur "
Demonic Future" qui contrebalance son refrain superbe avec quelques tritons typiquement Slayeriens, comme doses d'antidote à autant de bons sentiments. Le dernier morceau "
Dying Planet", lourd et bien développé, avec une légère coloration black, termine ce disque sur un beau final angoissant et ténébreux.
On ne pourra pas reprocher à
Kreator d'avoir choisi la facilité, en explorant des horizons plus mélodiques et un style susceptible de trop attendrir la dureté de son metal. Après tout,
Flotsam And Jetsam avait réussi une belle alchimie de thrash et heavy sur son dernier album, mais avec, il est vrai, un chanteur totalement raccord en la personne de Eric AK Knutson. S'il rameutera sûrement de nouveaux fans, le combo d'Essen risque de décontenancer quelque peu ses aficionados, élevés à coups de dégelées impitoyables. Pourtant, à l'idée d'un heavy metal boosté à la Kréatorine pure, avec les contrastes poussés à fond et une prod flattant l'agressivité du groupe, je ne perds pas l'espoir. Cela ferait même franchement envie.
Hé bien je n'ai pas encore acheté le cd mais cette chro m'en donne envie ...
Pourquoi? Car appréciant l'ancien Kreator (je me suis repassé Extreme agression cette semaine et les parois de ma pauvre douche s'en souviennent!); mais Phantom et Gods of violence sont également très bien passés pour moi. Moins virulent, plus mélodique avec des refrains taillés pour le live (cf la remarque de méchant bien vue), la qualité d'écriture reste évidente et le résultat toujours agréable. Une évolution logique, mais attention car le suivant sera peut-être du même tonneau que Hordes of chaos, histoire de bien dérouter son monde ...
J'ai eu du mal à la première écoute, j'étais parti pour le saquer, mais en dépit de ses défauts, il y a des bonnes choses. L'écoute est fluide, je trouve. Le morceau titre est une tuerie par contre, pas original pour un sou, mais je l'ai vissé dans le crâne.
Grogwy: Kveltaktak, j'arrive pas à l'écrire, je confirme, rires !
Écouté ce matin, j'avais une grosse appréhension et elle est passée très vite. Kreator remonte la pente et dans mon estime. Ok ya de la mélodie à la arch enemy mais ce n'est que sur de rares passages comme dans les refrains mais ça ne dure pas trop donc ça passe. Cet album aura le droit à une place dans mon top 10 cette année je penses.
Un bon 15/16 pour moi beau travail tout de même pour ce grand groupe de thrash.
Je redécouvre Kreator (que j'avais délaissé en 1990 après Coma of souls) grace à cet album que je trouve vraiment super .... speed puissant agressif varie ... on ne s'ennuie pas une seconde ! Excellent ????
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire