Seulement un an et demi après le somptueux "
Hatebreeder" de 1999, nos fidèles amis originaires d’Espoo étaient déjà de retour avec une nouvelle sortie, "
Follow the Reaper", à but hautement distrayant. Mais un an et demi pour composer cet opus, n’était-ce pas là précipiter les choses ? On sait pertinemment que façonner de toute pièce un album en un laps de temps aussi court est une manœuvre dont l’impact est à double tranchant. Soit le résultat s’avère pitoyable, ce qui est souvent le cas quand une maison de disque tend à mettre la pression à ses poulains dans une logique mercantile court-termiste ; soit le jeu en vaut la chandelle, et là on ne peut que s’incliner devant le talent des compositeurs, capables de travailler correctement dans l’urgence. Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, "
Follow the Reaper" nous renvoie au deuxième cas de figure, tant le contenu est raffiné malgré le peu de temps à la disposition d’Alexi Laiho et sa bande.
"
Follow the Reaper", c’est la suite logique de "
Hatebreeder". Peut-être plus accessible à l’écoute que son aîné, ce nouvel album ravira certainement les fans de
Metal "soft" et les plus éclectiques tandis qu’il horripilera profondément les admirateurs de
Metal "extrême" monomaniaques. Eh oui, c’est un fait, "
Follow the Reaper" va encore plus loin que "
Hatebreeder" dans la démarche consistant à faire pencher la balance en faveur du
Power Metal Européen, alors que le partage entre influences "édulcorées" et influences "extrêmes" était plus ou moins équitable dans "
Something Wild". En cela, le Thrash, le Death, et le Black qui étaient des traits caractéristiques - parmi tant d’autres - de la musique de
Children of Bodom se retrouvent quasiment sur le banc de touche à présent, au profit d’un style très aérien où le clavier est omniprésent et où les guitares s’engagent dans des soli à n’en plus finir. Mais en tant que suite de "
Hatebreeder" qui se respecte, "
Follow the Reaper" est très loin d’avoir amorcé un virage à 180 degrés d’un point de vue musical. C’est toujours du
Children of Bodom, il n’y a pas de doute là-dessus. D’ailleurs le line-up n’a pas changé d’un iota, et cela s’entend car le style des musiciens a une identité propre que l’on identifie sans le moindre mal.
Permettez-moi maintenant d’entrer dans les détails…
Sachez que malgré ce que j’ai pu vous dire ci-dessus, les influences "extrêmes" ne sont en réalité pas totalement évincées ici (quand bien même, en effet, elles ne sont pas légion…). Le Black, par exemple, répond encore présent.
Pas dans les compositions, certes. Mais dans le chant d’Alexi Laiho qui est exactement le même que dans "
Hatebreeder", à savoir incisif. Même chose pour le Thrash dans la mesure où l’on peut repérer un riff assez typique de ce style dans "
Taste Of My
Scythe" (cf. 01:55 et 03:33) ainsi que dans "Northern Comfort" (cf. 02:41). Le Death, en revanche, est aux abonnés absents. Alors, évidemment, retrouver de tels éléments "extrêmes" dans le Heavy ne nous étonne plus vraiment chez
Children of Bodom, surtout avec un frontman qui jouait de la guitare à la fois dans
Sinergy et
Impaled Nazarene ; si vous voyez ce que je veux dire…
Vous l’aurez néanmoins compris, c’est clairement le
Power Européen, et par extension le Heavy, qui mène la danse du début à la fin. Mais j’attire votre attention sur le fait qu’on est assez loin d’un Heavy "de base", propre à la NWOBHM par exemple. En effet, comme à l’accoutumée,
Children of Bodom n’a pas résisté à l’appel du
Metal Néo-Classique, du
Metal Symphonique, du
Metal Atmosphérique, du
Metal Progressif, et du
Metal Épique ; ce qui fait encore un joyeux mélange, j’en conviens.
"
Follow the Reaper" donne le ton. Entretenant une rythmique Heavy traditionnel dès le départ, cette chanson n’hésite pas à verser dans un
Power Européen quasi authentique (cf. 01:00 et 02:32), et à recourir au shred (cf. 01:12 et 02:47). Ces caractéristiques sont encore plus probantes dans "
Mask Of Sanity", comme le montre en particulier le riff principal (cf. 00:40, 00:50, 01:50, et 02:00) et le solo (cf. 02:45 – 03:22).
Le morceau suivant, "Bodom After Midnight", incarne certainement l’aspect néo-classique de l’album avec son riff principal (cf. 00:43, 01:27 et 03:01) et le début de son solo (cf. 02:00 - 02:30) que la Musique Classique a certainement inspirés. Sans compter ce shred à partir de 02:51 qu’
Yngwie Malmsteen, digne géniteur du
Metal Néo-Classique, aurait pu composer. Bien entendu, retrouver ici les traces du
Metal Néo-Classique n’est absolument pas surprenant quand on sait à quel point le "Wildchild" est un fervent admirateur de grands compositeurs classiques tels que Wolfgang
Amadeus Mozart et Jean-Sébastien Bach, auxquels s’ajoute le guitariste virtuose
Yngwie Malmsteen lui-même. N’oublions pas non plus ce cher "Warman", portant ce surnom en référence au groupe de
Power Européen Néo-Classique qu’il a fondé –
Warmen - et avec lequel il a sorti un album dès 2000 (avant même "
Follow the Reaper") intitulé "Unknown
Soldier". D’ailleurs, si je vous dis que Janne Wirman prend pour modèle
Jens Johansson - ancien claviériste d’
Yngwie Malmsteen et claviériste actuel de
Stratovarius - vous comprendrez aisément qu’il y a une relation de cause à effet…
En outre, les arrangements symphoniques semblent revenir en force avec "
Follow the Reaper" car le clavier parvient à s’imposer davantage que sur "
Hatebreeder". Là, c’est "
Children Of
Decadence" et "
Hate me!" qui en témoignent le mieux. Car, même si le style pratiqué relève plutôt du
Metal Mélodique, on ne peut nier que les arrangements symphoniques parsemés dans ces morceaux jouent un rôle important. La grandiloquence des deux introductions au clavier est à cet égard particulièrement illustrative.
Le
Metal Atmosphérique est aussi une source d’influence non négligeable dans cet opus des Finlandais. "Everytime I
Die" en est une preuve irréfutable. Dans ce morceau, la technique est loin d’être au centre des préoccupations. Le tempo est assez lent, et le clavier s’affranchit du joug des guitares pour créer une réelle ambiance, si bien qu’une pointe de mélancolie en ressort. Ah, délicieuse mélodie ! "Northern Comfort" n’est pas en reste car une vraie atmosphère inquiétante s’en dégage, surtout au début où tous les instruments participent réellement à la création de cette ambiance.
Des structures progressives sont également à dénoter en dépit de la longueur relativement limitée des chansons. Et quoi de plus représentatif que "
Taste Of My
Scythe" dans le cas présent ? C’est un fait, ce morceau est plein de rebondissements. Ainsi, on alterne sans cesse entre riffs typiquement Heavy Mélodique, interludes néo-classiques, et rythmiques Thrash en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Les coups de frein et d’accélérateur sont nombreux. Mais on retiendra ici l’accélération jouissive se manifestant dès qu’arrive 03:33 ; accélération qui aurait été assurément une bonne transition pour basculer vers au moins un riff Death avant de clôturer. Dommage de ne pas y avoir pensé…
Enfin, le léger souffle épique de l’album se retrouve bien représenté par "Kissing The Shadows" dans sa globalité, mais peut-être plus précisément par le riff principal (cf. 00:44 et 02:07).
Bien sûr, il nous incombe de saluer encore et toujours la performance technique des musiciens, perfectionnistes s’il en est.
Pas une fausse note, évidemment ; le tout est carré au possible. Alexi Laiho et Alexander Kuoppala d’une part, Janne Wirman d’autre part, nous livrent une prestation sans faille, époustouflante de dextérité, que le solo mémorable de "Kissing The Shadows" synthétise à merveille par le biais du duel guitares / clavier trépidant (cf. 02:44). La basse de Henkka Seppälä fait aussi des miracles. Dans "Everytime I
Die" par exemple, ses vrombissements donnent une vraie profondeur à la musique, ce qui ne fait que faciliter notre immersion dans l’esprit du morceau, assez noir dans l’idée. Le batteur, Jaska Raatikainen, fait preuve, quant à lui, d’une maîtrise certaine de son instrument. C’est ce qu’il nous prouve entre autres dans "
Mask Of Sanity" où il exécute des rythmiques pour le moins véloces sans trop de difficultés apparentes...
Place désormais aux anecdotes.
Avant tout, comme on pouvait s’y attendre, il convient de signaler que le groupe n’a absolument pas rompu avec la tradition consistant à avoir recours à des extraits de films. C’est dans cette optique que "
Follow the Reaper" - à la fois morceau et album – commence par une citation issue d’un film d’épouvante de William Peter Blatty : "L’Exorciste III". Voilà d’ailleurs une citation qui se prête bien au contexte. Jugez plutôt par vous-mêmes : "Death, be not proud. Though some have called thee mighty and dreadful, for thou art not so". Même chose au début de "
Taste Of My
Scythe" avec une autre citation de "L’Exorciste III" : "Rip and cut and mutilate the innocent, his friends, and again and again and on and on".
Plus surprenant néanmoins, le groupe s’est même inspiré de la bande originale du film "The Rock" de Michael Bay. Composée par le très célèbre – et excellent - Hans Zimmer, elle se retrouve en partie dans "Bodom After Midnight" entre 02:00 et 02:30 (ce qui confirme que ce passage est bien néo-classique) ainsi qu’à la fin.
Par ailleurs, comme pour la composition de "Towards
Dead End" de l’album "
Hatebreeder",
Children of Bodom s’est ici appuyé sur sa démo "
Shining" de 1996 pour la composition de "
Mask Of Sanity". L’écoute de "Talking Of The
Trees" ne laisse aucun doute : le quintette a bel et bien repris des riffs tels quels…
Un mot enfin sur la production. Initialement enregistré et mixé au
Abyss Studio suédois de Peter Tägtgren à la place du Astia Studio finlandais de Ansi Kippo devenu habituel, la production est tout de même d’excellente facture. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tous les instruments sont parfaitement valorisés dans un rendu sonore qui se veut d’une limpidité à toute épreuve. D’où des mélodies particulièrement épurées en long, en large, et en travers.
Conceptuellement, le groupe ne brise pas la sacro-sainte tradition et reste ainsi fidèle à ses origines, à ses racines.
Effectivement, visuellement, l’incontournable faucheuse est toujours là, occupant une fois de plus le centre de la pochette avec son outil terrifiant destiné à ôter la vie. Dans le cas présent, la faucheuse maléfique se situe dans un cimetière ; un cimetière un peu particulier toutefois puisque l’on voit que les tombes sont installées dans l’eau. Si vous voulez mon avis, ce n’est pas non plus n’importe qu’elle eau. Il doit certainement s’agir de l’eau du lac Bodom, ce fameux lac finlandais où les meurtres de trois adolescents avaient été commis jadis. Ainsi, peut-être la faucheuse veut-elle seulement nous montrer ce qu’il reste de ses multiples victimes et va nous épargner… Possible, parce que sa posture apparaît assez neutre et parce que le bleu tapisse l’intégralité de la pochette (la couleur bleue ayant traditionnellement une connotation plutôt positive…). Mais quelle peur bleue !
Pour ce qui est des paroles, pas de changement majeur non plus. Le lac Bodom et le triple crime sauvage qu’il a hébergé en 1960 inspire toujours autant les textes du quintette. Il n’y a qu’à jeter un œil ne serait-ce qu’aux titres des chansons pour s’en convaincre. En effet, des titres comme "
Follow the Reaper", "Bodom After Midnight", "
Children Of
Decadence", ou "
Taste Of My
Scythe" sont particulièrement explicites. D’autres comme "Everytime I
Die", "
Hate me!" et "Kissing The Shadows" sont plus implicites mais restent tout de même évocateurs en nous donnant respectivement la preuve que la mort, la haine, et la nuit sont encore à l’honneur.
Voilà, je crois humblement avoir fait le tour de la chose. La conclusion que je tire de tout ceci, c’est que "
Follow the Reaper" ne déshonore en rien ses deux grands frères, "
Something Wild" et "
Hatebreeder". Quoi que l’on puisse dire, l’inspiration et le talent sont encore là, indéfectibles, grâce à un frontman compositeur qui semble ne jamais être à court de bonnes idées et grâce à une fine équipe de musiciens dont chaque membre est au sommet de son art. Ce n’est finalement pas pour rien si, d'un point de vue affectif, "
Follow the Reaper" fait partie de mon panthéon musical personnel.
Plus qu’un simple album, voici un exemple à suivre pour les générations à venir, cet opus étant un pilier incontestable de ce que l’on pourrait appeler vulgairement le "
Power Metal Européen Extrême". Par conséquent, avis aux apprentis musiciens, amateurs du genre ! Suivez la faucheuse si vous voulez, mais suivez surtout le leader (les fans de
Korn devraient comprendre le jeu de mots…). En bref : chapeau bas, les artistes !
J'ai lâché en cours de route chronique trop trop longue,enfin pour moi je précise.
En tout cas je suis pas fan de children of bodom mais je voulais lire une chro de cet album car un pote à moi le kiff comme un taré donc je voulais en apprendre plus , Hélas impossible d'aller jusqu'au bout hé hé.
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