L’alcool est à consommer avec modération, on ne le répètera jamais assez… Pourquoi je vous parle de ça ? Vous n’êtes pas au courant ? Il est bien connu que le climat scandinave, glacial s’il en est, a toujours incité les gentils habitants de ces vastes contrées à se réchauffer les boyaux par le biais de cette substance liquide. Nos amis de
Children of Bodom n’échappent pas à la règle, et surtout pas ce cher Alexi Laiho qui ne refuse jamais une beuverie. Sauf qu’à force de se rincer allègrement le cornet, le "Wildchild" a fini par se retrouver inconscient à l’hôpital avec des fractures multiples, suite à une chute du toit d’une voiture. Aussi rocambolesque que cette histoire puisse paraître, c’est bien elle qui a inspiré la création d’un nouvel opus : "
Are You Dead Yet?" ; "Are You
Dead Yet ?" étant la question que le sieur Laiho s’est posée à lui-même devant le miroir lors de son réveil dans sa chambre d’hôpital. Et si le titre bonus de la version américaine n’est autre que la reprise de "Somebody Put Something In My Drink" des Ramones, ce n’est peut-être pas un hasard…
Nous voici en septembre 2005.
Children of Bodom nous présente son cinquième album studio, plus de deux ans après la sortie de "
Hate Crew Deathroll". En tant que fan assidu des productions précédentes, je trépigne naturellement d’impatience à l’idée d’écouter ce nouveau rejeton du quintette finlandais, avec l’espoir que cette musique me fasse autant vibrer qu’auparavant. Mais le premier contact avec l’album est quelque peu surprenant. Certes, revoilà Roy sur la pochette, la faucheuse qui sert de mascotte au groupe depuis le début ; en revanche, où est donc passée la couleur ? Je me le demande… Car adieu le rouge vif de "
Something Wild" et de "
Hate Crew Deathroll", adieu le vert pomme de "
Hatebreeder", adieu le bleu océan de "
Follow the Reaper", et bonjour le noir et blanc. Le changement est brutal, j’en conviens, d’autant que la pochette n’est pas sans évoquer celle de "Vulgar Display Of
Power" de
Pantera, toute de gris vêtue, où un homme réceptionne un coup de poing en pleine figure. Simple coïncidence ou indice révélateur ? C’est ce que nous allons savoir tout de suite…
"
Are You Dead Yet?", voilà un album qui porte bien son nom car telle est la question que l’on pourrait poser au groupe. N’y allons pas par quatre chemins, "
Are You Dead Yet?" signe définitivement le déclin de
Children of Bodom. Après un "
Hate Crew Deathroll" excellent mais moins ambitieux que ses aînés, "
Are You Dead Yet?" ne parvient pas à redresser la barre du navire qui a commencé à tanguer. Bien au contraire, il accentue ce chancèlement, et la dérive s’impose alors comme une réalité de plus en plus prégnante. Il faut dire que le départ d’Alexander Kuoppala n’a pas arrangé les choses… Ce guitariste de talent, membre de la "dream team" bodomienne, a contribué à l’élaboration de ces fameux chefs-d’œuvres que l’on connaît sous le nom de "
Something Wild", "
Hatebreeder" ou encore "
Follow the Reaper". Flairant sans doute la dérive future amorcée par "
Hate Crew Deathroll", Kuoppala a probablement préféré faire ses bagages, et qui mieux que moi pourrait le comprendre ? En tout état de cause, c’est Roope Latvala, un "ténor" de la scène
Metal finlandaise, et surtout une des influences majeures du sieur Laiho, qui prend la relève. Mais son "bagage guitaristique" (qu’il a acquis et partagé avec
Stone,
Sinergy ou encore
Waltari ; rien que ça…) s’avère étonnamment contre-productif, tant on est maintenant loin de la magie de "l’ère Kuoppala".
Avant d’entrer dans les détails, concentrons-nous sur le rendu global de ce "
Are You Dead Yet?".
Conformément au virage que le groupe avait pris avec "
Hate Crew Deathroll", "
Are You Dead Yet?" privilégie aussi le rentre-dedans à la subtilité. Ceci s’avère dérangeant pour l’auditeur que je suis dans la mesure où le groupe s’écarte désormais dangereusement de sa ligne de conduite initiale, de son terrain de jeu dont il est le terreau. Voyons le bon côté des choses : le groupe évolue, il ne fait pas dans l’inertie comme certains. Mais encore fallait-il évoluer dans la bonne direction, faire les choix adéquats en somme. "
Hate Crew Deathroll" le permettait, il aurait pu servir de tremplin à une reconversion réussie. Au lieu de ça, le groupe s’enfonce un peu plus et nous livre maintenant des compositions qui traduisent l’évaporation créative.
J’évoquais
Pantera tout à l’heure à propos de la pochette. Et je dois vous avouer que cette analogie n’était pas anodine de ma part. Comme vous le savez certainement, avec "
Hate Crew Deathroll", nos musiciens d’Espoo avaient décidé de glorifier le Thrash, ce dernier rythmant la quasi-intégralité des morceaux. Eh bien, "
Are You Dead Yet?" n’est pas en reste avec ses riffs plus lourds qu’à l’accoutumée, plus Groove
Metal en fait. On est loin ici des mélodies entêtantes des premiers instants, surtout que la voix d’Alexi a encore bien évolué et n’a désormais plus grand-chose de Black... Petite anecdote, au passage, concernant "
Hate Crew Deathroll" : il semblerait que
Children of Bodom se soit largement inspiré du morceau "A New
Level" de
Pantera issu de l’album évoqué précédemment ("Vulgar Display Of
Power") pour la composition d’un morceau comme "Sixpounder". La comparaison des deux titres éveille de réels soupçons tant il y a de riffs similaires. Je pense que cela vous donnera une petite idée de la nouvelle ligne directrice de nos Finlandais... Le moins que l’on puisse dire, c’est donc que ce n’est pas très glorieux pour un groupe qui a inventé un style à lui tout seul !
Ceci étant dit, je vous invite maintenant à explorer plus en profondeur cet opus.
"
Are You Dead Yet?" se compose de neuf morceaux, un chiffre qui ne devrait pas étonner les fans puisque tous les albums du quintette finlandais, à l’exception de "
Something Wild", comportent neuf pistes "officielles". Bref. Ce qu’il faut savoir, d’un point de vue musical, c’est que l’homogénéité est maintenant de mise, même si le mélange est toujours plus ou moins à l’ordre du jour. Oui, enfin, vous m’aurez compris : il est utilisé avec parcimonie… Dans chaque chanson – ou presque – on retrouve effectivement le même schéma compositionnel à quelques détails près ; à savoir une rythmique Heavy pour les soli (exemple concret : "We’re Not Gonna
Fall" à 02:11 où l’on a droit à un duel guitare/clavier traditionnel) et, pour tout ce qu’il y a autour, une rythmique Thrash (exemple concret : introduction du morceau "If You Want Peace… Prepare For
War") voire Death Mélodique (exemple concret : "
In Your Face" à partir de 00:58 où l’on retrouve carrément un riff typique de Göteborg). Le retrait encore plus prononcé du clavier de Janne Wirman cette fois-ci contribue certainement à ce résultat beaucoup plus simpliste qu’auparavant. Il faut dire que l’inimitable "Warman" est un claviériste hors pair, et l’entendre nous jouer des sonorités industrielles basiques à de quoi en énerver plus d’un quand on sait qu’il est capable d’insuffler une dimension symphonique unique dans la musique de
Children of Bodom, de créer des atmosphères à la fois sombres et pures, de rendre hommage aux grands compositeurs classiques avec dignité… Heureusement, en dépit de son rôle globalement dérisoire dans "
Are You Dead Yet?", notre ami a encore le loisir de se défouler sur les nombreux soli qui parsèment l’intégralité de l’album, soli qu’il mène avec toujours autant de vélocité, de dextérité et de précision.
Symphonique, atmosphérique, néo-classique, voilà trois adjectifs magiques qui ne collent malheureusement plus du tout à la musique de
Children of Bodom.
Comme dit plus haut, le clavier est bien trop en retrait pour donner un réel souffle symphonique aux compositions. Certes, cette touche sonore que le groupe affectionne n’a pas complètement disparu. Pour en avoir le cœur net, je vous renvoie à l’un des riffs principaux de "Living
Dead Beat" (cf. 01:58, 02:44 et 04:27), au minuscule sursaut symphonique de "If You Want Peace… Prepare For
War" (cf. 03:04), ou encore aux introductions de "
Next In Line" et "Trashed,
Lost & Strungout". Cependant, on en conviendra, cette dimension symphonique fait maintenant pâle figure au regard de ce qu’elle était avant et de la place qu’elle prenait.
Le bilan n’est guère plus encourageant pour ce qui est de l’aspect atmosphérique… Avec "
Are You Dead Yet?", il paraît évident que le groupe voulait évoluer vers plus de violence primaire. La musique comme le concept vont dans ce sens, en tout cas. Seulement, ce n’est pas complètement réussi... La production est nette et retranscrit bien cette lourdeur relative des riffs, inhabituelle chez
Children of Bodom ; mais les compositions ont été conçues d’une telle façon que le rendu sonore s’avère étrangement trop "mécanique", ce qui est impropre à véhiculer des émotions sincères. Les mélodies sont trop "épaisses" pour du
Children of Bodom, les guitares trop "grasses". Et le clavier, si discret, y est étrangement pour beaucoup, tant il diffuse ici et là des sonorités industrielles sans vie. Les exemples les plus probants sont certainement "Living
Dead Beat", "
In Your Face", et "
Bastards Of Bodom" avec leur introduction excessivement électronique et de mauvais goût. Ceci dit, heureusement, l’honneur est sauf grâce à "
Punch Me I
Bleed" où une réelle atmosphère est véhiculée. Ce morceau lent – puisqu’il en faut bien un dans chaque album d’Alexi et sa bande – transpire la sincérité. Ouf !
Enfin, et c’est assez triste, "
Are You Dead Yet?" ne contient pas le moindre riff néo-classique. Après "
Hate Crew Deathroll" qui avait déjà très bien entamé le travail de dégraissage musical, c’est donc définitivement la fin d’une ère pour le quintette finlandais. Remarquez, il n’y a rien de surprenant dans cette suppression pure et simple de l’élément néo-classique car ce dernier requiert traditionnellement une certaine légèreté, du moins une certaine subtilité dans le jeu des musiciens, ce que le groupe a décidé d’abandonner de son plein gré, conformément à son évolution vers un style plus direct.
Notez, malgré tout, que l’inconstance dans le temps de
Children of Bodom d’un point de vue musical cache une régularité conceptuelle à toute épreuve. Avec "
Are You Dead Yet?", le dépaysement n’est donc pas total. J’évoquais tout à l’heure l’incontournable faucheuse sur la pochette de l’album ; faucheuse qui nous ramène sans cesse à ce triple meurtre perpétré sur les jeunes campeurs du lac Bodom en juin 1960. Côté paroles, rien de nouveau non plus. Apparemment, le groupe est toujours aussi inspiré par les circonstances de cette scène macabre - sans doute la plus horrifiante de l’histoire finlandaise - et ce qui en découle ; à savoir haine, mort, obscurité. Le texte associé au morceau "
Bastards Of Bodom" en est le plus illustre exemple. Toutefois - et c’est suffisamment gros pour être noté -, il n’y a aucune citation de film dans "
Are You Dead Yet?", alors qu’il y en avait dans tous les albums précédents. Petite entorse, donc, à la stabilité du concept. Avouons que ce n’est pas une perte dramatique, mais ceci a le mérite de nous prouver une fois de plus que nos Finlandais veulent impérativement s’écarter de leurs créations d’antan.
Néanmoins, s’il y a bien un point avec lequel le quintette ne transige pas, c’est l’exigence technique. Donc, quand je parle d’inconstance musicale à propos de
Children of Bodom, sachez tout de même qu’il n’est aucunement question de la maîtrise technique des musiciens, mais plutôt de la recherche inhérente au travail d’écriture. La technique, elle, est toujours là, indéfectible, malgré des compositions plus simples.
La leçon que l’on peut tirer de tout ceci, c’est bien que, d’une certaine manière, l’Enfer est pavé de bonnes intentions. En effet, la conception de ce "
Are You Dead Yet?" semblait partir d’un bon sentiment, d’une idée saine. Le groupe voulait absolument proposer quelque chose de nouveau à son public, il voulait innover et par là même évoluer, comme à son habitude ; ce que le changement de line-up pour l’occasion justifiait d’autant plus. Malheureusement, même si l’on peut saluer cette dynamique créative qui anime le groupe depuis sa formation, il convient de reconnaître que, cette fois-ci, l’essai n’a pas été complètement transformé. Car, même si "
Are You Dead Yet?" reste un album très convenable qu’il fait bon d’écouter de temps en temps, il n’en demeure pas moins superficiel. Dommage, pour un groupe qui a repoussé les limites du connu avec brio au cours de son histoire. Oui, vraiment dommage…
Children of Bodom est (déjà) mort, vive
Children of Bodom !
Et sinon Schuldinounet, la marque de fabrique de Bada sont les jeux de mots ;)
C'est un avis respectable que je ne partage pas tout a fait.
A quoi cela sert de faire et de refaire encore et encore le même album, même si c'est pour satisfaire les fans de la première heure.
Cet album " Are you dead yet ? " pris dans son contexte de 2005 est un formidable disque de heavy death melodique ( pour aller vite ) avec une puissance et une énergie énorme.
Le petit coté "indus" ( vraiment très léger ) apporte un coté moderne et actuel à la musique du groupe.
Cet album "hors contexte historique" est un grande réussite et le plaisir de l'écouté semble inépuisable !
Avis partagé par une grande majorité de fans car ce disque est l'un des albums qui c'est le mieux vendu dans toute la ( riche ) carrière du groupe.
Bodom !
Pour te répondre, je dirais simplement qu'il y a une sacrée différence entre évoluer et changer carrément d'univers. C'est cool de voir les groupes proposer de nouvelles choses, mais là c'est peut-être allé un peu trop loin. La "magie" a vraiment disparu pour moi avec cet album. Je n'y ai pas retrouvé les ingrédients de base qui, à mon sens, donnaient tout son charme à la musique des Finlandais.
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