Endgame poutre, violente, brutalise nos conduits auditifs, martèle nos oreilles, brise nos cervicales, démolit notre gorge et remplit de jouissance notre esprit.
La phrase est directe, sans fioritures et totalement dénuée de poésie. Une définition au final relativement proche de la teneur de ce douzième album du roux thrasher Dave Mustaine, qui n’aurait sans doute jamais parié sortir un disque comme ça il y a encore quelques années.
Certes, le dictateur musical n’a jamais été avare de compliments sur ses productions, bien au contraire, mais la teneur d’
Endgame lui donnera cette fois entièrement raison. Les détracteurs vont avoir fort à faire pour y trouver un angle d’attaque convenable et crédible.
Quelques êtres en pleine crise de mauvaise foi pourront tenter de cracher sur cet éventuel plagiat du succès passé de
Megadeth, mais ce serait mal connaître l’intelligence d’écriture de Mustaine qui, contrairement à certaines idées reçues, n’a jamais cessé d’avancer, en tentant de rester intègre, même sous la pression des maisons de disques (responsables de la dérive de la fin des années 90).
Loin du soporifique
The World Needs a Hero,
The System Has Failed avait prouvé que
Megadeth avait encore des choses à dire, un morceau aussi génial et inspiré que "
Die Dead Enough" le démontrait complètement. Pourtant,
United Abominations, ainé de deux ans d’
Endgame, ne rassurait pas complètement, inégal et globalement mou, sans pour autant être totalement insipide.
Dans ce contexte pas forcément reluisant mais laissant tout de même
Megadeth parmi les dieux du métal, qui aurait pu penser se retrouver avec « ça » entre les oreilles.
La pochette, étrange et conceptuelle, semble conçue pour la polémique, comme Mustaine l’aime tant. Absence de Vic (néanmoins présent dans le superbe livret, nous changeant des précédents avec uniquement les textes), symbolique gouvernementale aliénante, aspect morbide,
Megadeth n’y va pas avec le dos de la cuillère, tout en restant dans une optique plus symbolique que directe, sans violence stérile.
Puis, il y a ce nouveau guitariste, Chris Broderick, cité par Dave lui-même comme le meilleur gratteux avec qui il avait collaboré depuis
Marty Friedman. Publicité gratuite ? Oh que non, Broderick démontre sur l’album qu’il est non seulement l’un des meilleurs six-cordistes de
Megadeth mais également que le groupe a enfin trouvé un musicien purement « metal ».
Soyons clair, Al Pitrelli (qui n’aura pas collaboré à la bonne époque dirons nous),
Chris Poland (ressorti des cartons sur "
The System Has Failed") ou même le virtuose Glen Drover avaient un niveau technique énorme, mais ils ne s’acclimataient pas avec le groupe. La retenue de Poland ou la démonstration de Drover ne convenait pas. Chris s’affiche donc en parfait lieutenant de Mustaine, tant il le suit tout au long de l’album et, chose rare, parvient à nous faire douter quand à la provenance des solos (ceux de Mustaine étant d’ordinaire parfaitement identifiable tant son jeu saccadé est unique), heureusement notée dans le livret. Hurlantes et déchirantes, les solos de Broderick sont des perles comme l’on n’osait plus en attendre.
Exemple simple mais tellement probant : "
Headcrusher", à se couper la tête de bonheur (haha). Incroyablement technique, rapide et démentiellement brutal pour le
Megadeth actuel, les rythmiques effrayantes se succèdent dans un bonheur total. Le refrain, syncopé et taillé pour le live, voit un Dave plus vicieux que jamais, au mieux de sa forme. Shawn Drover montre tout son talent, de breaks techniques, avant le pont aux deux minutes. Jouissif ! Alourdissant le tempo, la compo prend son envol avant la déferlante soliste à pleurer de bonheur.
Alors certes, nous pourrons parler de
Rust In Peace, tic facile du fan cherchant des références, mais
Endgame est bien plus qu’un retour en arrière.
La paire introductive "Dialectic Chaos" – "This Day We
Fight !", offre une vision neuve de la musique des américains. Ce riff central, écrasant au possible de "This Day We
Fight !", apparaît comme une symbiose de ce que fut
Megadeth et d’une étonnante modernité de production et de composition. Le son concocté par le prince Andy Sneap, métallique, rude et déchirant, est parfaitement adapté. Sur ce titre, il a une structure inédite, moins évidente, qui, comme à leurs débuts (notamment des compos comme "
Wake Up Dead" ou "
Devil's Island"), laisse loin derrière les schémas habituels en privilégiant la musique. Dave n’a pas chanté aussi bien depuis, au bas mot, quinze ans, maitrisant le morceau de bout en bout, baladant l’auditeur cherchant un point de repère. En vain. Jouissance extrême.
Si "1,320" évoquera l’atmosphère guerrière et pourrissante de So
Far So Good So What (quelle vitesse d’exécution mama mia !), un morceau comme "44 Minutes", à l’instar de "
Die Dead Enough", laissera place à une certaine forme d’expérimentation.
Megadeth poursuit sa mutation, plus mélodique, plus chantée (comme il l'avait testée sur
Youthanasia), à l’imposante introduction de batterie (magnifique). Les solos se font moins brutaux, mais la basse s’en retrouve mise en valeur, tandis que le refrain, ce refrain, verra un Dave Mustaine chanter comme il le fait si peu. Naturellement, sans rien saturé ni exagéré, une prestation belle, sincère qui nous collerait presque les larmes aux yeux.
Des larmes ? "The Hardest Part of Letting Go... Sealed With a
Kiss" pourra se targuer d’être une des rares chansons du groupe à proposer des claviers et, à des années-lumière de la reprise aseptisée de "
A Tout le Monde", provoquer un remue-ménage interne d’émotions. Acoustique mais légèrement grinçante (tout comme le contenu textuel de l'albul, traitant d’un projet de l’ère
Bush sur de nouveaux camps de travail envers les émigrés, que Mustaine n’a pas peur de comparer au IIIè Reich), la compo est probablement la plus réussie dans le genre depuis bien longtemps.
"
Endgame", quand à elle, renvoie légèrement au "
United Abominations" de l’album précédent, avec ce genre de mid-tempo qui rentre dans la tête pour ne plus en sortir.
Megadeth l’a donc fait et risque fort d’exploser les charts de bien des pays tant l’album le mérite. Loin de toute mode, de tout cliché et des voix dissidentes,
Endgame se place parmi les meilleurs albums metal de l’année.
"
Endgame" poutre, violente, brutalise nos conduits auditifs, martèle nos oreilles, brise nos cervicales, démolit notre gorge et remplit de jouissance notre esprit. Enfin, je crois que je l’ai déjà dit …
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