Deus Salutis Meæ

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16/20
Nom du groupe Blut Aus Nord
Nom de l'album Deus Salutis Meæ
Type Album
Date de parution 28 Octobre 2017
Style MusicalBlack Avantgardiste
Membres possèdant cet album50

Tracklist

1.
 δημιουργός
Ecouter01:20
2.
 Chorea Macchabeorum
Ecouter04:12
3.
 Impius
Ecouter04:07
4.
 γνῶσις
Ecouter01:27
5.
 Apostasis
Ecouter05:28
6.
 Abisme
Ecouter02:44
7.
 Revelatio
Ecouter04:19
8.
 ἡσυχασμός
Ecouter01:05
9.
 Ex Tenebrae Lucis
Ecouter05:09
10.
 Métanoïa
Ecouter03:52

Durée totale : 33:43

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Blut Aus Nord



Chronique @ Icare

21 Octobre 2017

Une pièce unique et incontournable de black metal expérimental extrêmement malsain et dérangeant

Blut aus Nord est une entité insaisissable. Sévissant dans l’underground français depuis 1993, la formation emmenée par Vindsval n’a de cesse de repousser les limites de son art, triturant les sons à la recherche des formes les plus pures ou les plus abjectes du black metal. La Bête est en perpétuel mouvement, et chacune de ses nouvelles réalisations fige un élan créatif spontané, pouvant aussi bien nous emmener dans un univers onirique et épique que nous perdre dans les dissonances affreuses et claustrophobes qui sont l’une des marques de fabrique du groupe. Ce douzième album arrive après le dernier volet de la fameuse trilogie Memoria Vetusta initiée en 1996, et à l’écoute de l’opus précédent, plus aérien et mélodique, on aurait pu croire que Vindsval était un peu apaisé. Mauvaise pioche, Blut aus Nord nous prend une fois de plus à contre-pied, et Deus Salutis Meæ est sans doute l’une des réalisations les plus opaques, claustrophobes et dérangeantes du combo.

Passée l’intro ambiant de rigueur, Morea Macchabeorum marque le début de la descente dans les profondeurs, entonnant une litanie hypnotique, au rythme lent et mécanique, et empreint d’une certaine beauté. L’opacité du riffing est contrebalancée par ces plages de clavier éthérées qui flottent, très loin des abysses dans lesquelles les Caenais cherchent insidieusement à nous entraîner. On ressent une certaine sérénité, une aura presque spirituelle, que l’on retrouvera d’ailleurs largement sur Abisme avec ce chant liturgique possédé, et ce rythme lent et régulier, donnant un semblant de structure à ce chaos bruitiste et nous servant de guide dans ces ténèbres opaques.
Mais dès Impius, le cauchemar commence: les guitares décharnées jaillissent de l’ampli comme un jet d’acide qui ronge la peau, formant des nuages de vapeurs toxiques qui prennent à la gorge. On retrouve le son si caractéristique du trio, atrocement distordu et vibrant de malaise, ce brasier de dissonances infernales où les grattes sifflent, crachent et dégueulent leur pus noirâtre selon une logique de destruction lente et inéluctable. Le sol se dérobe sous nos pieds, on lâche prise et c’est la chute, avec ce riffing extrêmement dissonant et ces hurlements terribles qui nous assaillent de toutes parts, ces guitares en fusion qui coulent leurs mille feux diaboliques dans notre cervelle, nous abrutissant et nous engourdissant les sens. Le rythme reste plutôt lent, parfaitement sournois et menaçant, enflé par ces guitares sifflant comme un nid de serpents prêts à mordre, et même les interludes ambiant ne sont qu’une fausse respiration dans l’air vicié des profondeurs, calme pernicieux qui n’est là que pour nous permettre de reprendre nos esprits afin de mieux nous replonger dans l’angoisse et la désolation l’instant d’après (à ce titre, la reprise d’Apostasis est hideuse, éclatement d’une violence malade et vomitive via ce son bourdonnant trituré à l’extrême pour atteindre le summum du malaise).

C’est un fait, le split avec Aevangelist a laissé des traces, car Blut aus Nord n’a jamais sonné aussi proche de l’aliénation mentale et de l’annihilation de toute vie: en écoutant Deus Salutis Meæ, on a l’impression d’entendre la mort étendre sa cape noire, imposer la lente putréfaction des chairs et la décomposition de l'esprit.
Ceci dit, il serait injuste de dire que ce douzième album de Blut aus Nord est totalement inaudible, et contrairement à des groupes tels Imperial Triumphant ou Aevangelist justement, dont le but semble être l’annihilation totale de l’art et de la lumière, le trio parvient à rester écoutable de bout en bout, même s’il nous pousse évidemment dans nos derniers retranchements et flirte intelligemment avec les limites du supportable. En effet, des semblants de mélodies calcinées surnagent ça et là, via des soli moribonds qui redonnent un peu d’air dans ce charnier musical, des claviers discrets et aériens, des chœurs clairs en retrait et quelques mid tempi désespérément beaux. Certes, Deus Salutis Meæ est entièrement animé par un souffle putride, mais malgré la désolation qui règne le long de ces trente-quatre minutes, il y a encore de la vie, un mouvement lent mais permanent, rythmé par cette batterie qui pulse comme un cœur morbide et animé par la voix décomposée de Visdal, qui n’appartient depuis longtemps déjà plus à ce monde. On se retrouve ainsi avec des notes de guitare qui sifflent, se heurtent, s’égarent et s’affolent, se répercutant et expirant toutes en même temps comme mille voix à l’agonie (putain, Ex Tenebrae Lucis semble être le testament de la musique), avec une alternance de lenteurs obscènes et de spasmes de folie débridées, sauf que la violence est transcendée ici par cette impression de malaise sublime, plus forte que tout, qui nous précipite tête la première dans un gouffre noir sans fond (Apostasis, Revelatio), mais qui vient parfois nous apaiser au plus profond de notre douleur. La chute est aussi terrifiante que fascinante, on tâtonne du début à la fin de ces dix titres, affolé, seul avec soi-même, sans autre repère que les ténèbres et ces mélopées funestes qui nous enveloppent, et pour peu que l’on soit assez fort et que l’on parvienne à trouver son chemin dans l’opacité des ténèbres, cette épreuve nous aide à grandir.

En conclusion, le voyage offert par Blut aus Nord est une fois de plus une expérience unique qui se décrit difficilement avec des mots, mais qui se vit, ou plutôt se subit. Plus sombre et déglingué que Codex Obscura Nomina, sorte de mélange cauchemardesque entre la violence repoussante et hideuse de The Work Which Transforms God et la lourdeur et les ambiances tordues de MoRT, Deus Salutis Meæ est une fois de plus une pièce unique et incontournable de black metal expérimental extrêmement malsain et dérangeant, un voyage initiatique très éprouvant mais essentiel.

«Les origines sont multiples, elles prolifèrent et sèment les secondes d'effroi et de doute qui accompagneront ces morts jusqu'aux portes du néant».

1 Commentaire

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oyo_doom_occulta - 12 Novembre 2017:

Comme d'habitude, BAN ne déçoit jamais!

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