Century Media enchaîne les grosses sorties. Après les derniers «
Lacuna Coil », «
Aborted », «
Asphyx » et «
Naglfar », au tour de «
Borknagar ». Il est à rappeler de plus que la suite d’ «
Universal » a été particulièrement attendue. Le dernier né de 2010 avait obtenu un accueil sans réserve. Son black progressif éthéré aura comblé les fans de ce groupe discret mais assurément sérieux, reproduisant un condensé magique à chacune de ses apparitions. Si «
Universal » nous a fait mirer le monde de haut, baignant dans l’espace, « Urd » nous projetterait aux confins de celui-ci, à ses racines plus exactement. Là où les nornes fileuses du destin de chaque existence entretiennent l’
Yggdrasil, l’arbre-univers. Toujours emmené par Oystein Garnes Brun, «
Borknagar » réalise un véritable pied de nez en réintégrant son ancien chanteur (de 1997 à 2000)
ICS Vortex, aux côtés de ceux déjà présents, à savoir les illustres
Vintersorg («
Vintersorg ») et Lars A. Nedland («
Solefald »). Parti de «
Dimmu Borgir »,
ICS Vortex comptait rebondir en entamant une carrière solo, toutefois sans aboutir au succès escompté. Ce qui expliquerait sans doute ce retour en arrière et une confrontation vocale des plus enrichissantes aux côtés de ses deux autres compères. Un membre, étonnement, semblerait manquer à l’appel, pourtant il était inclus dans l’équipe qui a enregistré l’album « Urd ». Il s’agit en fait du batteur David Kinkade, qui après cet enregistrement a fait ses valises pour rejoindre la formation «
Soulfly ». Du mouvement donc, un changement qui se percevra sur un album aussi luxuriant qu’a été «
Universal », mais nous transportant dans un lieu différent à ce dernier.
Ce ressenti se percevrait d’entrée sur le tourbillonnant « Epochalypse ». Nous voila confrontés à une musique pernicieuse, agressive et insistante. Elle ne souhaite pas nous lâcher, reproduisant un martellement continu, incisif, sans répit. Le chant clair de
Vortex et le growl de
Vintersorg se relayent, s’interpellent au milieu de ce champ de bataille, ce déchainement de forces et de violence. Un long break clairvoyant, aux ondulations captivantes, situé à partir du milieu de piste fera redescendre la pression, avant que celle-ci se rappelle une dernière fois à nous en toute fin. On progresse dans l’ouvrage; « Roots » se comporterait pratiquement comme s’il représentait une continuation d’« Epochalypse », du moins pour la rythmique soutenue de batterie, qui se verrait cependant étouffée par les guitares et la musique symphonique, faisant officiellement son entrée dans le volume. On retient derechef cette alternance chant clair/growl, mais il n’y aurait plus vraiment l’animosité du titre précédent. Cela est du en partie à la sensibilité de ses mélodies. Accordant une légère part acoustique dans un pot-pourri de sensations, de schémas harmonieux nous menant droit au pays des songes.
Rêve ou cauchemar, difficile de trancher. Notre esprit doute, et s’interrogera tout le long de « The
Winter Eclipse », un titre à deux visages, capable de violence en puisant son riffing et son growl dans le black metal, mais aussi de mansuétude dans un metal progressif soyeux et décomplexé. Le jour et la nuit en somme, la brûlure d’un froid impitoyable associée à la candeur des rayons de la lune. Au début du dernier tiers piste nous nous abriterons du blizzard, admirant alors les contours d’une cavité élégante par ses formes minérales et cristallines. Au contact de la chaleur, la glace se change en eau. Une eau froide et limpide qui viendra s’écouler le long de l‘instrumental « The Plains of Memories ». S’étirant finement, en toute légèreté, alliant la timidité du violon et la douce compassion du piano. La batterie figure en élément intrusif par ses sonorités cassantes, nous empêchant pour le coup de tomber intégralement dans les bras de Morphée. Jamais la musique de «
Borknagar » n’aura apparu aussi délicate. C’est un constat évident si on prend en exemple le divin « The Beauty of
Dead Cities » écrite par Lars A. Nedland. Ils s’aideront ici de l’orgue hammond faisant ressortir une musique progressive éthérée, influencée par les 70s. Charmant, stylé, céleste si on ose le mot.
Il ne nous emmènerait cependant pas aussi haut dans les étoiles que « The Earthling ». Son entame nous rappellerait la même sensation troublante de voguer dans un espace infini et vide, qui nous avait parcouru sur le dernier ouvrage à ce jour de «
Sear Bliss ». Le refrain se dessinerait alors comme un îlot de vie perdue. Réjouissant, entrainant. On se plait à voyager dans cet environnement stellaire. Chaque fois, nous découvrirons de nouveaux paysages, de nouvelles sensations, des décors extrêmement variés qui allient des tons harmonieux avec un soupçon de mélancolie à l’instar d’un « Frostrite » volumineux et chaloupé, utilisant un riffing viking tempéré qui s’intègre à une touche progressive particulièrement évidente. Ce caractère progressif se révèlerait d’autant plus déterminant sur « In a Deeper World ». Il s’assimilerait dans sa solitude et sa tristesse à l’influence d’un «
Porcupine Tree ». Cependant «
Borknagar » prend peine de renforcer la piste par l’implication de différents chants et d’une musique cuivrée à tendance symphonique.
Plus que la mélancolie, on atteindra un envoutement féérique, surréaliste. Une rencontre avec des divinités souterraines. Celles rencontrées sur « Mount
Regency » seraient par contre situées dans les hauteurs, au sommet de leurs montagnes, les yeux rivés sur le monde des humains. Le morceau figure en temple de marbre, en merveille de construction. Un véritable rouleau compresseur se met en marche dès l’ouverture par une explosion symphonique. De ce torrent jaillissant de la roche par la force des coups de batterie surgit des mélodies, un entremêlement de chants fascinants. Le viking metal des guitares s’enrobe d’une étrange aura, nous inspirant à la fois respect et crainte. Son refrain nous met en contact direct avec le propriétaire de ces lieux oubliés, celui qui est le créateur de tout ce qui nous entoure, de ce qui vit et de ce qui est voué à mourir.
Si l’univers avait été façonné par «
Borknagar » il serait probablement proche au notre. Riche et foisonnant, n’inspirant ni au bien, ni au mal, complexe et insondable. « Urd » se rapproche indubitablement du metal progressif, moins sombre, moins profond qu’«
Universal », mais rendu remarquable par sa volupté, par l’enchevêtrement de ses trois chants, dont celui de
ICS Vortex, un revenant que l'on saluera. Le groupe remplit une fois encore ses promesses, se rapprochant de près de la perfection auquel aspirerait l’imaginatif Oystein G. Brun. « Urd » ne filera pas le destin de cette formation norvégienne, elle lui assure désormais une existence éternelle.
16/20
Ouvert à toutes suggestions.
Un album que j'ai pas mal écouté mais surtout apprécié !
Vraiment une oeuvre magnifique aux ambiances variées et travaillées.
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