« L’évolution est le propre de l’homme »
Charles Darwin
Au bord du gouffre, le néant menace, tel un gosier féroce et destructeur. Métaphoriquement, il ne va pas sans dire que la situation artistique des finlandais de Sonata Artica se résumait à cette phrase.
Après avoir été portés en triomphe, en partie grâce au renouveau du speed mélodique mené par
Stratovarius ou
Edguy, Sonata s’engouffra dans cette mouvance et sortit, à l’approche du troisième millénaire, un premier opus qui résonna comme un coup de génie en son époque.
Ecliptica : frais, spontané, plein de jeunesse et de vigueur, non sans une certaine niaiserie mais tellement attendrissante. Débordant de tubes et d’hymnes, la route vers la gloire paraissait toute tracée.
Mais si le succès fut évidemment présent, la musicalité ne suivit pas toujours la bande à Tony Kakko et Jani Liimatainen. Winterheart’s Guild et
Reckoning Night soufrèrent ainsi d’un manque cruel d’aspérité, de personnalité et d’âme.
Dans une telle situation, qu’espérez d’un énième album ? Une nouvelle déception, confirmatrice cette fois ?
Et c’est ainsi que jaillit
Unia, sans prévenir. Préférant se défaire d’un passé accompli jouant dangereusement avec le néant artistique, Sonata Artica transforma en cendres sa discographie antérieure, n’en gardant que les fondements les plus primordiaux (notamment le chant si particulier de Tony) et cristallisa une nouvelle ébauche de son talent.
Délaissant le speed initial pour visiter des contrées plus mid tempo et orchestrales, le groupe réalisa l’impensable en devenant un alchimiste de talent, mélangeant ce qu’il n’avait encore presque jamais réussi : émotion et musicalité.
Sonata se concentra sur un visage plus mature, et défia le grand problème de la composition. Créer un mid tempo n’a absolument plus rien à voir avec un titre speed, il faut employer l’espace, couvrir les temps et la débauche excessive de technique n’y peut alors rien (comme on le remarqua sur le
Stratovarius éponyme). Mais, de cette aventure, Sonata créer son monstre, son meilleur album actuel,
Unia.
Le constat est flagrant dès la première écoute. L’atmosphère enchanteresse d’"In Black and White", dans les chœurs grandiloquents et les notes cristallines de claviers, dans ce riff épais se disloquant dans le temps et surtout dans cette ligne de chant riche et furieuse. Tony Kakko y dévoile un talent incroyable, sans abuser d’hurlements suraigus qu’il ne maitrise que partiellement, et se concentrant sur une émotion viscérale et naturelle. Le refrain, complexe dut aux nombreuses pistes entrecroisées, laisse éclater ce que l’on osait à peine rêver.
Les soli emplissent l’espace sonore, matures, utiles, Henrik n’en faisant pas trop.
Puis le pont, ambitieux, symphonique, simplement magnifique et…personnel. Sonata Artica devient, l’espace de ce premier morceau, lui-même et personne d’autre.
Mettant d’entrée de jeu le niveau très haut,
Unia tient ses promesses et la qualité de la première composition ne sera en rien de la poudre aux yeux.
La production, largement plus colossale que sur celle très décevante et plate de l’opus précédent, décuple des perles de richesse et de subtilités telle que "It
Won’t Fade", "Caleb" ou "The
Vice".
Ce sont surtout les lignes de chant qui surprennent, originales, imprévisibles et souvent décuplées, elles offrent à l’auditeur un bonheur d’écoute inimaginable, en lui offrant tant de possibilités que la compréhension ne pourra être faite qu’après plusieurs écoutes.
Evidemment, l’aspect léger lié à Sonata est toujours présent, mais les finlandais ont pris le risque d’accentuer leurs riffs quelques fois, et à bonne escient. "Fly With
The Black Swan" surprend par la superposition d’un riff très épais, à celle de samples presque électroniques et spatiaux, créant une dualité d’atmosphères très intrigante.
Volontairement moins accessible, Sonata Artica semble avoir compris que risque et art étaient intimement liés, même si l’on trouve quelques vestiges du passé pas forcément glorieuses, notamment la niaise "Under Your
Tree", débutant sur une splendide ligne de piano, annihilé par des claviers insupportables de pleurnicheries et un refrain des plus clichés.
Mais l’écoute du simple et gracieux "
Paid in Full" est à lui seul un véritable bain de jouvence, frais et beau, à la ligne de basse harmonieuse, transpirant une nature finlandaise magnifique et nous plongeant l’instant de quelques secondes dans un autre univers, emplie de douceur.
Unia se veut donc clairement risqué, différent, même s’il reste relativement propre et encore empreint d’un son typiquement finlandais et virtuose. Tony réalise une très grande performance, ne se cherchant plus comme jadis.
Si les moins ouverts d’esprits auront crachés ouvertement dessus, le groupe a composé ce qu’il voulait, sans lois ni barrières de conformisme, et uniquement pour cela, il mérite le respect. Car enfin nous pouvons le dire, Sonata Artica est devenu grand.
« Il faut savoir mourir une fois pour renaitre »
Kiko Loureiro
Personnellement, cet album ne m'a pas marqué, mais je n'apprécie pas moins le groupe pour autant. Apres tout, c'est normal qu'il y en ais qui n'aiment pas puisque les rythmes sont completement different... Mais pour moi ça reste du Sonata.
Je suppose que c'est un album a ecouter plusieurs fois pour s'en impregnier vraiment (comme le dit gijoe).
Bonne chronique, je suis d'accord avec le fait que le prochain sera surement mieux pour ceux qui attendent le bon boost du groupe.
Un bon album qui s'écoute sans prises de tete.
16/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire