Il est des groupes qui parviennent, à chaque nouvelle sortie, à se renouveler tout en conservant leur patte si particulière... ces formations, créatrices de leur propre genre doivent trouver le juste équilibre entre une identité conservée, et une variété entre les albums. Dur rôle à assumer que celui de précurseur, car en plus de l'atmosphère si particulière spécifique à la formation, tout nouvel effort doit exprimer cette identité sous une nouvelle forme.
Evergrey est de ces artistes, son singulier mélange
Power/
Dark/Progressif est assurément un drôle d'hybride et atteste d'emblée d'une personnalité démarquée.
En 2008, après un
Monday Morning Apocalypse agressif aux titres variés et accrocheurs bien que formatés pour un auditoire plus large,
Evergrey présente son
Torn. Dès la première écoute de ce nouvel effort, on constate d'emblée que les guitares ont pris une place prépondérante, tant dans la production que dans la composition. En effet, dans
Torn, ce sont les cordes qui démarquent les titres. On pourrait voir cela comme une force et une faiblesse... le fait que ces guitares changent leur propos sur quasiment tous les titres, passant de grasses et neutres (Broken
Wings), à chirurgicales et dynamiques (
Nothing is Erased), en passant par mordantes (Numb) ou expressives (Fail,
Torn), permet une assimilation de l'album relativement rapide, les différences entre les titres étant bien démarquées par leurs riffs et rythmiques spécifiques. Ainsi, on se retrouve avec un album varié à l'écoute captivante.
Là où l'album est faible, c'est au niveau de ses mélodies et de sa production. En effet, les cordes semblent occuper tout l'espace sonore, si bien que la batterie semble presque noyée sous cet amas lourd et gras. Même si celle-ci offre parfois de bons moments de bravoure (Numb,
Nothing is Erased), elle semble laissée en arrière plan, rendant la plupart de ses breaks discrets et maladroits, et usant de cymbales pour se faire entendre... le tout paraît alors quelques fois assez brouillon...
Les mélodies, quant à elle, manquent cruellement de mordant, en voulant amplifier l'aspect mélancolique de son chant, Tom l'a rendu extrêmement abstrait, n'amplifiant pas assez les airs dans leurs moments forts. Ainsi, de très bons refrains comme ceux de "Numb", "Fear", "Fail", "
Nothing is Erased" ou "In Confidence" manquent de punch et de puissance, un beau gâchis pourrait-on dire... Si on ajoute cela au fait que les guitares couvrent parfois les parties vocales, on se retrouve avec des chansons aux riffs démentiels, mais aux mélodies presque fades et sans couleurs...
Même parfois, dans l'expression des émotions, domaine de prédilection d'
Evergrey, l'album montre quelques faiblesses, car, là aussi, dans le registre lyrique dans lequel s'inscrivent "Fail", "When
Kingdom Fall", les mélodies manquent encore une fois d'épaisseur et d'intensité. Il n'y a que dans "These Scars" que Tom semble exprimer tout son potentiel, malsain et brutal sur les couplets, en détresse sur le pré-refrain puis désespéré sur le refrain, il insuffle des frissons à chaque mesure..."
Torn" atteste également du talent incroyable du vocaliste, dommage qu'encore une fois, même si le refrain laisse transparaître les sentiments voulus, il aurait pu atteindre une intensité supérieure par un meilleur partage de l'espace sonore.
Outre ces quelques déceptions, qui, finalement, n'empêcheront pas de profiter de l'album,
Torn reste un album qualité
Evergrey, plein de lyrisme et de variété.
Brutal, expressif, et sombre, il présente une nouvelle facette du groupe par ces guitares grasses mais polyvalentes. Il fait pleinement honneur à la talentueuse formation, présentant quelques titres exprimant une nouvelle facette de cet univers si particulier. Citons "
Nothing Is Erased" dynamique et ironique, avec quelques touches électroniques, "Fear", instrumentalement neutre mais portant un refrain étrangement coloré et plein d'émotions, ou "Numb" aux guitares délicieusement agressives...
Torn n'est rien d'autre qu'une expérimentation d'
Evergrey, très particulière à l'écoute, cette expérience trouvera assurément preneur car elle est porteuse d'un vent de fraîcheur plutôt bienvenu. On regrettera cependant le fait qu'
Evergrey ait voulu trop en faire, car cette focalisation sur les guitares laisse transparaître bien des défauts qui, s'ils avaient pu être évités, n'auraient pas fait passer ce
Torn d'"exceptionnel" à "sympathique"...
Déception
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