Qu’un groupe invite d’autres musiciens à venir enrichir sa nouvelle galette est une pratique relativement répandue. Une pratique qui aura d’ailleurs donné naissance à des réunions de plus en plus grandes, jusqu’à en devenir le concept même de certains albums (je pense aussi aux pléiades d’invités que l’on peut retrouver sur les récents Mägo de Oz ou l’album «
Metal » d’
Annihilator). Pour aller plus loin, certains ont fait de ce concept un opéra entier, offrant aux divers musiciens conviés des rôles bien précis. C’est ainsi que naissait en 2001
Avantasia, projet audacieux de
Metal-Opera sorti de la tête de Tobias Sammet, déjà maître à bord du très apprécié navire
Edguy.
Le diptyque des «
Metal Opera » (en 2001 et 2002) aura permis à l’entreprise de prendre forme, délivrant un Heavy
Metal parfois assez Speed et mélodique dans la lignée de ce qui se faisait alors. Mais avec «
The Scarecrow » en 2008, c’est un visage tout neuf et nettement plus moderne que Sammet aura dessiné à son projet. Le verdict fut sans appel auprès du public : certains laissèrent l’aventure en plant, déçus de la variété de styles abordés (du Heavy plus lourd comme sur «
Twisted Mind » aux morceaux FM en passant par des ambiances proches du symphonique), d’autres hissèrent le disque en bonne place dans leur cd-thèque. Il est vrai que l’ensemble, peu homogène, avait de quoi dérouter. En vérité, le but semblait tout simplement être de chanter différents styles de Heavy mélodique moderne (excusez l’étiquette, je n’aime pas ça mais j’essaye de viser plus ou moins juste) en s’armant d’une palette de voix tout aussi variée. Dès lors, il semblait logique, à l’annonce d’un nouvel album pour 2010, de pousser l’idée dans des retranchements plus lointains… en rameutant encore plus de monde !
Le « starring » est donc vraiment impressionnant, tant au niveau des voix (Tobias Sammet bien entendu,
Jorn Lande, Klaus Meine, Russell Allen,
Bob Catley, autant vous dire que j’en passe…) que des instruments (Alex Holzwarth,
Bruce Kulick,
Jens Johansson…). Beaucoup d’envies, pas assez de place. Qu’à cela ne tienne : deux disques devraient régler le problème !
Ainsi «
The Scarecrow » fait-il désormais partie de la « Wicked
Trilogy », dont le second volet est ce «
The Wicked Symphony ». N’y allons pas par quatre chemins, on nous offre ici ce qu’on voulait. Dès le premier morceau, éponyme au titre de l’album, les chanteurs s’échangent le micro après une intro symphonique qui laisse un frisson pour le fan (« C’est reparti, on y est… »). Un break jouissif où Tobias Sammet s’amuse avec sa voix entre gémissements et cris,
Jorn Lande et Russell Allen qui font des merveilles, un refrain en chœur. La recette n’a pas changé, mais les lignes vocales sont, d’un point de vue mélodique, au top de ce qui se fait actuellement dans le genre. Ceux qui, en revanche, cherchent le feeling direct ou le côté brut du bon vieux Heavy risquent, bien entendu (et c’est compréhensible), de ne pas y trouver leur compte. Ce n’est pas la même chose, mais pour les amateurs du précédent disque, autant dire que c’est la fête.
L’exercice est réitéré sur l’autre hymne de ce «
The Wicked Symphony », j’ai nommé « Runaway Train ». Refrain proche de «
The Scarecrow », piano qui me rappelle un peu l’utilisation qui en était faite sur les longs pavés de « Use Your
Illusion 1 & 2 » des Guns n’ Roses, un break qui s’envole sur les paroles d’un
Bob Catley impérial (et toujours ce côté enjoué dans sa voix, quel mec…), des lignes de chant au sommet… Amateurs du genre, Sammet ne s’est pas moqué de vous.
Alors, bien sûr, l’originalité n’est pas de tous les instants. « Wastelands », par exemple, est la cousine directe de «
Shelter from the
Rain » sur l’album précédent, avec un rythme semblable et un
Michael Kiske égal à lui-même. Malgré cela, « Crestfallen » apparaîtra quelques pistes plus loin pour balayer un éventuel sentiment de « pas assez fou », les sonorités modernes (un peu Electro) et un refrain en chœurs graves s’y mélangeant pour un résultat inattendu.
Jorn Lande y excelle au second couplet (sans parler de Sammet qui part à nouveau dans des vocaux déjantés lors du refrain), et ne manque pas de s’insinuer sur de nombreuses autres pistes («
The Wicked Symphony », « Runaway Train », « Forever is a Long Time ») en assurant son rôle de démon à la perfection.
On aurait pu également attendre beaucoup de la collaboration de Klaus Meine mais, pour moi, il ne s’agit que du morceau destiné au clip, avec un chanteur plus populaire que les autres en dehors du monde du
Metal. Sympathique sans plus, contrairement au nerveux « Scales of
Justice », agressif en plein, afin qu’un certain Tim ‘
Ripper’ Owens (ex-
Iced Earth,
Beyond Fear…) se sente à la maison.
Les autres morceaux enchaînent les invités en bonne et due forme. «
Blizzard on a Broken Mirror », qui accueille un
Andre Matos empreint de fragilité, pallie le côté, pour moi, trop balourd de «
Black Wings » (avec Ralf Zdiarstek au chant, illustre inconnu en ce qui me concerne). La conclusion de cet épisode sera assurée par deux excellents morceaux, l’un présentant un duo sublime entre Russell Allen et Sammet (« States of Matter », quel refrain, à hurler en chœur !), l’autre étant une ballade de qualité (« The Edge », où le chant de Sammet est encore une fois à saluer).
Quelques compositions un peu plus faibles, mais le niveau général est franchement au-dessus de mes attentes, avec des lignes vocales terribles et l’enchaînement des chansons me semble bien pensé. Tobias Sammet a, une nouvelle fois, mis en place son œuvre comme il l’entendait, et on ressent sans problème le point auquel
Avantasia lui tient à cœur. Une réussite.
Mais, les périples du personnage principal, solitaire et tourmenté (interprété par Sammet), ne s’arrêtent pas là… le voyage continue, les démons et autres apparitions ne le lâcheront pas… Babylone n’est pas loin. Affaire à suivre sur «
Angel of Babylon ».
18/20
Du reste, j'aime tout particulièrement States of Matter pour ma part (mais que reproches-tu à ce refrain endiablé ?).
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