Il y a des auteurs qui ont toujours une histoire à raconter. Ou à continuer. Des auteurs intarissables qui, à peine une œuvre est achevé qu’une suivante germe déjà dans leur esprit créatif et, il faut aussi le dire, parfois maladif.
Dans le cas de Tobias Sammet, leader émérite d’
Edguy et fondateur du projet
Avantasia, le compositeur en est désormais à son troisième concept pour sept albums. De son propre aveu, les personnages initiés avec "
The Mystery of Time" n’ont pas forcément tout dit lorsque ce nouveau "
Ghostlights" se termine mais l’allemand se plait également à expliquer qu’il ne raconte pas une histoire mais des pans d’existence. Ainsi, chacun peut y faire son interprétation personnelle et l’artiste pourra ensuite, s’il le souhaite ou non, et si l’inspiration lui permet, créer de nouvelles allégories et questions autour des grands thèmes dont le jeune scientifique agnostique est témoin et victime (en clair,
Avantasia n’est pas fini).
D’un point de vue musical, "
Ghostlights" se différencie de son prédécesseur par un retour à une musique plus vive et énergique et certains guests iront effectivement en ce sens. A l’instar d’un "Space Police" ayant surpris par sa puissance et sa fougue, ce nouvel opus d’
Avantasia démontre que Tobi n’est pas encore du genre à ronronner et se reposer sur ses lauriers. Le retour de
Jorn Lande en espèce de
Mephistopheles /
Faust représentant la face sombre de l’humanité (un peu son rôle du malin dans "
The Scarecrow" d’ailleurs) va en ce sens, tout comme celui de Sharon den Adel qui évoque évidemment la première époque du projet. Ronnie Atkins reprend son rôle,
Dee Snider et Robert
Mason sont désormais de la partie et que dire de
Michael Kiske qui fait de toute façon désormais partie des meubles au même titre que Sascha Paeth ?
En étant tout à fait honnête, il est difficile d’évoquer une réelle surprise tant Sammet a su forger sa notoriété sur des œuvres cohérentes et de qualité, tout en gardant une forte ligne conductrice depuis ses débuts. Et si le dernier
Edguy avait été surprenant, c’était surtout pour son extravagance et son rejet des conventions.
Avantasia se veut plus sérieux, mature et structuré et, en ceci, reste dans la droite lignée des opus signés par Tobias.
Des moments de bravoures, d’autres plus dispensables, quelques tueries speed, de beaux duos (voir trio et plus si affinités) et des ambiances et arrangements toujours aussi travaillés et peaufinés à l’extrême.
Le titre d’honneur se présentera sous la forme d’un ambitieux "Let the Storm
Descend upon You" de douze minutes, alchimie parfaite entre la mélancolie de "The Great
Mystery" et la tension d’un "
The Scarecrow" (le développement du titre étant assez similaire).
Jorn y est impressionnant de charisme, Ronnie Atkins de sa voix rocailleuse le complète à merveille, Robert
Mason apporte la touche old school et Tobias est fidèle à lui-même. Sans plus en révéler, il est probable qu’il s’agisse du prochain grand moment des concerts, notamment le pont orchestral.
En revanche, l’album s’ouvre étrangement sur "
Mystery of the
Blood Red Rose", un titre mid tempo très influencé par
Meat Loaf où l’allemand s’essaie à des envolées très « Wagnerienne », avouant que le célèbre chanteur étant dans un coin de sa tête pendant la composition du titre mais que la collaboration n’avait pu aboutir. Un titre sympathique et très travaillé sur les chœurs et le refrain mais qui manque de mordant pour débuter l’album sous les meilleurs auspices.
Le rythme de ce "
Ghostlights" est d’ailleurs inversé vis-à-vis de ce que l’on connait habituellement puisque l’ensemble des morceaux atmosphériques se retrouvent en début d’album (cinq des six premières pistes tout de même). Si cela pourrait nuire à l’immédiateté du disque, il lui confère surtout une aura particulière, une très grande variété de couleurs et d’ambiances et surtout cette sensation de vouloir surprendre, de ne pas juste offrir ce que le public souhaite entendre.
"The Haunting" permet ainsi magnifiquement d’offrir à
Dee Snider la suite thématique de Jon
Oliva sur "Death is Just a Feeling" dans un morceau sombre et délicieusement horrifique. Quelques notes de piano, des arrangements classieux et un duo vocal impérial qui placent sur orbite un album prenant des risques. Risques encore plus surprenant mais subtilement habiles sur le sublime "
Draconian Love", en duo avec Herbie Langhans (
Sinbreed) qui permet de créer le lien manquant entre
Tiamat,
Moonspell et les refrains typiques d’
Avantasia. La voix chaude et profonde d’Herbie apporte une dimension gothique inédite à la musique du groupe qui redevient d’une puissance lumineuse sur ce qui reste à mes yeux le meilleur refrain du disque, chanté alternativement par l’un ou par l’autre des vocalistes. Nous pourrons en revanche être plus circonspects sur "Seduction of
Decay" qui réussit certes le miracle de ressusciter
Geoff Tate (qui n’avait plus aussi bien chanté depuis des années) mais qui, pendant sept minutes, s’engouffre dans un faux rythme progressif qui n’évolue pas réellement. Surplombé d’un riff énorme et très puissant, les arrangements se font malheureusement pompeux et le titre tourne rapidement en rond, surtout que le temps commence à devenir sensiblement longuet après quatre titres sans aucun véritable hymne.
Hymne qui arrive juste après en la présence du titre-track, Kiske déboulant sur ce morceau speed à la mélodie lumineuse et d’une efficacité redoutable. Un tempo rapide où Felix Bohnke se régale, un duo de gala, un refrain facile à retenir attendu mais tellement plaisant qui, finalement, fait véritablement du bien au moment où il arrive dans l’album (l’intelligence de créer l’attente pour mieux accepter la tradition). "
Babylon Vampyres" se montre quant à lui un véritable monstre où Tobias et Robert s’échange sur un titre d’une puissance ravageuse où les trois guitaristes (Bruce Killick,
Oliver Hartmann et Sascha) redoublent de dextérité dans les riffs et les leads mélodiques qui s’enchainent sur un rythme endiablé. "
Master of
Pendulum", avec Marco Hietala en invité (une première !) se veut plus puissant et agressif dans les riffs et le hurlement d’intro (qui rappellerait presque celui de "
Nailed to the
Wheel" sur "
Mandrake") tandis que le refrain évoque plutôt le
Nightwish récent dans les harmonies vocales et le très léger côté celtique qui en résulte. "
Unchain the Light" se dresse dans la droite lignée des morceaux speed mélodique là où "
Lucifer" va jouer sur la fibre plus mélancolique du compositeur, s’ouvrant sur une superbe mélodie au piano où
Jorn et Tobias y sont empreints de mélancolie et de passion. Une lente montée en puissance pour une véritable explosion, une longue partie soliste et, il est finalement rare de le dire, mais une conclusion bien trop rapide tant on aurait aimé entendre le titre s’allonger et prendre encore plus d’ampleur. Il reste en tout cas l’un des meilleurs moments du disque et prouve une fois de plus combien
Jorn possède une voix inclassable et pleine de classe.
Vous l’aurez compris, "
Ghostlights" est un disque ambitieux, avec énormément d’ambiances et un travail fourni impressionnant qui ne se découvre pas en une seule écoute. On sent que Tobias fut une fois de plus en pleine confiance et qu’il a travaillé sereinement à composer les meilleurs titres avec les meilleurs invités possibles. Peut-être moins cohérent que "
The Mystery of Time" mais possédant certains titres très forts ("
Lucifer", "Let the Storm
Descend upon You", "
Draconian Love"), ce nouveau cru devrait de toute façon trouver son public et plaire aux nombreux fans de l’allemand. Il ne provoquera sans doute pas l’euphorie du dernier
Edguy mais le contrat est plus que remplie et l’impressionnant édifice que se construit Tobias année après année se rempli une fois de plus d’une fort belle œuvre. To be continued…
A titre personnel ce qui m'a frappé: Let The Storm Descend Upon You, avec un des meilleurs refrains jamais pondus par Tobi en ce qui me concerne; Master Of The Pendulum (quelle intro de dingue!); Lucifer que j'aurais en effet aimé voir durer plus; et la performance de Robert Mason, un chanteur que je connaissais assez mal mais que j'ai énormément apprécié.
Je saurais pas vraiment où placer cet album vis-à-vis des précédents méfaits de Sammet tant j'ai l'impression d'avoir affaire à quelque chose de fondamentalement différent. On dirait qu'une porte mentale s'est ouverte chez Sammet depuis Space Police...
Quelqu'un a la version 2 CD avec le live en deuxième CD ? Parce que bon... Y'a un ingé son ou quelqu'un qu'il faut virer parce que le son c'est juste pas ça... Encore le premier CD est compressé, mais dans la veine de ce qu'Avantasia a toujours sorti, mais le live, non seulement c'est très très compressé (au sens de la compression dynamique), ce qui donne quelque chose de très dense d'où rien ne ressort, mais il y a du clipping (écrétage du signal sonore) sur TOUS les morceaux. Et même de la bonne grosse saturation sur quelques "effets" d'explosions du titre « Spectres » (passe encore, c'est très momentanné).
Résultat, tout est assez brouillon, bien moins bon que les versions studio. Moi qui rage souvent contre ce genre de mastering / mixage, là c'est vraiment mauvais et mal fait. D'après mes premières écoutes, la palme du morceau le plus massacré revient à Twisted Mind, presque inécoutable dans les refrains.
Bref, désolé si j'ai l'air aigri, mais je voulais pousser mon coup de gueule, parce qu'autant je n'achète pas souvent d'albums, autant l'amateur de bon son qui est en moi a l'impression de s'être fait "arnaqué", pour avoir acheté un son qui fait aussi amateur (pour le live uniquement). Ça me plaît pas trop d'autant avec un si gros groupe. Je n'achèterai pas d'autre Avantasia de sitôt, dommage car j'aime beaucoup la bande à Tobias et sa musique.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire