Où en est le power metal aujourd'hui ?
On peut légitimement se poser la question tant les nouveaux groupes se font rares, les albums marquant encore plus et les nouveaux classiques faméliques. Parler de Tobias Sammet, c'est se remémorer ce fabuleux revival de la fin des années 90, cette période pleine d'excentricité, de jeunes artistes aux dents longues et cette envie de dévorer le monde avec fougue et passion.
Vingt cinq ans plus tard, Tobias n'est plus aussi jeune mais s'il a conservé un trait de personnalité de ses débuts avec
Edguy ou de son fabuleux pari que fut "
The Metal Opera", c'est bien cette impertinence qui le guide. Cette volonté dans un premier temps de se faire plaisir mais aussi et surtout d'être toujours dans le droit chemin, sûr de lui et en pleine possession de ses moyens. S'il parait peu probable de revoir
Edguy sortir de sa cryogénie dans un futur proche,
Avantasia ne perd en revanche pas le rythme et "
Here Be Dragons" entame un nouveau cycle après le dyptique composé de "
Moonglow" et "
A Paranormal Evening with the Moonflower Society". Annoncé comme plus ouvert, moins introverti et bien plus centré sur les compositions que le concept lyrique, il est, comme à chaque fois avec le facétieux allemand, l'occasion de partir dans une tirade dithyrambique, à coup sûr, pleinement sincère venant de lui.
Ce qui apparait avant même de s'attaquer à la musique, ce sont les lieux communs dont
Avantasia nous abreuve désormais. Écrit en intégralité par Sammet "himself", produit par son fidèle lieutenant Sascha Paeth, masterisé par Miro Rodenberg et accompagné de guests de longue date (
Michael Kiske toujours au poste,
Geoff Tate, l'inusable Ronnie Atkins, l'éternel
Bob Catley ou le revenant Roy Khan).
Seul Tommy Karevik (
Kamelot) et Kenny Leckremo (
HEAT) font figure de nouveaux dans l'aventure. Heureusement, l'artwork de Rodney Matthews (
The Mystery of Time,
Magnum) nous ramène en terrain connu.
Pas trop de nouveautés à la fois s'il vous plait !
A vrai dire, les premières écoutes ont fait office de douche froide pour l'inconditionnel de Sammet que je suis. Parce que justement, tout y est. Tout est attendu. Le choix des chanteurs vis à vis des morceaux. L'absence de musiciens apportant du sang neuf comme les premiers albums. Un manque de rythme général. Bref ... Tobias fait du Tobias réchauffé, sans surprise, et on se dit que décidément, dès que
Napalm signe un groupe, ce n'est pas pour le bon album. Néanmoins, comme il faut s'acharner pour ne pas se faire d'idées trop vite, j'ai pris le temps. Les morceaux ont pris de l'épaisseur. De la subtilité est apparue ici et là. Finalement, une conclusion s'impose. Tobias est quand même dans une autre dimension dans sa zone de confort et parvient à magnifier des détails et des compositions qui pourtant n'apportent plus aucune eau au moulin. J'en veux pour preuve "The Moorlands at
Twilight" et son speed "Helloweenesque" que l'on sent venir à des kilomètres mais qui finalement tire son épingle du jeu par sa dimension lyrique, par la prestation toujours aussi solaire d'un Kiske en état de grâce (son pré-refrain est fantastique) tout autant qu'un solo véloce dont on se délectera certainement en live. "
Against the Wind" est l'autre déflagration speed mélodique aux accents de
Sonata Arctica / Old
Edguy (période "
Mandrake") avec son riff en acier trempé et sa rythmique tranchante (le son de caisse claire bien claquant, véritable marque de fabrique de Felix Bonhke désormais). Classique mais terriblement efficace en fin d'album avec le timbre rocailleux de Kenny.
Alors quoi ?
Avantasia est redevenu du pur speed mélodique comme nous le voulons tous ?
Les fantasmes sont faits pour être vécu et "Unleash the
Kraken" pourrait être un élément de réponse. Missile power metal coincé entre "
Mysteria" et "Sobre &
Torch" (Tobias y chantant seul), on se prend à rêver que lorsqu'il y met la volonté, sa faculté à hurler dans les aiguës et à poser de gros riffs heavy fait toujours de lui l'un des compositeurs les plus émérites du genre. Les couplets montent en puissance pour exploser sur un refrain simple mais taillé pour être hurler par la foule. La seconde partie gagne encore en intensité, avec chœurs et solo en superposition pour cocher toutes les cases de la tuerie absolue.
En parallèle,
Avantasia va revenir également à des instants plus épiques comme le title track de 9 minutes, réminiscence d'un "
The Eternal Wayfarer" au rythme ambiancé, en duo avec un
Geoff Tate pas toujours dans sa plus grande forme. La composition offre néanmoins un beau moment d'émotion, à l'instar du sublime "Everybody's Here until the
End" avec Roy Khan dans le style de ballade épique que le compositeur affectionne tant (entre
Meat Loaf et
Magnum). "
The Witch", transfuge actuel de
Kamelot, balance un mid tempo ténébreux et sensuel collant comme un gant à Tommy Karevik qui signe probablement la plus belle interprétation de l'album tant il s'approprie la chanson et offre un splendide duo avec Sammet (probablement le meilleur refrain de l'album). On sera malheureusement plus mitigé sur un "
Phantasmagoria" sonnant comme un "Starlight" bis ou encore "Bring on the
Night" avec un
Bob Catley en pilote automatique. Quant à "
Creepshow" qui ouvre l'album, s'il semblait bien fade comme premier extrait, il s'avère finalement attachant et entêtant et devrait parfaitement tenir son rôle d'opener pour les futurs concerts (c'est peu dire que ce refrain ultra pop et dansant reste en tête !).
Voilà où nous en sommes. Encore et toujours des premières écoutes à expérer un retour aux sources ("
Return to the Opera", en bonus track, est d'ailleurs une belle preuve que le speed mélodique d'antan est toujours dans ses gènes), à être déçu pour finalement déceler de multiples qualités dans la grande pluralité de styles que nous réserve les opus récents d'
Avantasia. "
Here Be Dragons" est un pur produit Sammet, dans son âme et dans sa sueur, dans sa passion et dans sa volonté farouche de rester fidèle à ses valeurs sans rien trahir à la modernité, à l'ajout de voix extrêmes ou d'une surproduction moderne et aseptisée. Non,
Here Be Dragons est un voyage dans la tête d'un compositeur ayant façonné son monde depuis désormais plus de trente ans, alors qu'il n'en a toujours pas cinquante. Un esprit fertile et insatiable. Attachant également. Diablement attachant.
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