Le passé. Vivre dans le passé, ne pas accepter qu’un possible meilleur présent puisse exister, laisser remonter la nostalgie d’une époque déchue simplement par que l’instant momentanée n’est pas à la hauteur d’un glorieux souvenir.
Si ce sentiment purement humain, souvent sentimental, est des plus ordinaires dans la vie courante, il est en revanche plus rare, et bien souvent malvenu, dans une carrière musicale. L’exemple d’artiste mort, complètement harassé par le poids du temps, n’existant plus que par un passé dorée et une toison à jamais étincelante, est typique et malheureusement extrêmement répandue. Le fait d’un réenregistrement d’anciens morceaux est bien souvent encore pire, preuve flagrante d’un manque d’inspiration évident et d’une projection vers l’avant impossible, voir juste refusée, par peur ou mépris, ou simplement car l’envie n’y est pas.
Pourtant, dans cet exercice hasardeux, on trouve quelques groupes ayant réussi à faire de joyaux passés des perles présentes.
Gamma Ray, s’il ne fallait en citer qu'un, en fait clairement parti, le changement de style étant si palpable que la retranscription se voulait des plus intéressantes.
Dès lors, que penser de cette tentative chez un groupe de la trempe d’
Arch Enemy, au présent radieux et au passé pourtant moins connu, d’offrir la lumière à des grimoires poussiéreux dont finalement peu se réclame ?
Avec "
The Root of All Evil", les suédois tentent, dans une forme quelque peu exagérée mais néanmoins bienveillante, de prouver que le groupe n’est pas né avec Angela Gossow au micro et qu’un avant a bien existé. Un avant d’où sont nés et ont germé trois albums, avec au micro le hurleur Johan Liiva et une base rythmique différente de celle connue aujourd’hui. C’est donc dans un soucis de rétablir un pan d’histoire que la formation, ne l’annonçant pas comme un réel nouvel album, décide de redonner vie à des chansons trop souvent oubliés, si ce n’est complètement méconnues de certains fans.
Malgré un fond sans surprise, la forme n’est pas négligé et outre un très joli livret, la production (made in Andy Sneap une nouvelle fois) est en béton armé et jouie d’une qualité exemplaire. D’une précision redoutable, tranchante et froide tout en gardant une énormité jouissive, "
The Root of All Evil" met d’entrée de jeu l’auditeur en terrain connu et dans les meilleures conditions possibles.
L’énorme différence, outre l’interprétation et les quelques différences que l’on trouve entre originaux et révisions, sera évidemment le chant d’Angela, considérablement noirci pour l’occasion. Si les effets chers au chef-d’œuvre "
Doomsday Machine" sont de retour dans sa voix, l’agression sonore, elle, se rapproche de la tessiture black parfois déjà employée dans "
Rise of the Tyrant". "
Beast of Man" ouvre superbement le disque sur un soli de Michael Amott avant de laisser apparaitre la miss, plus démoniaque et possédée que jamais. Le fait d’entendre un blast beat si rapidement dans le morceau, fait relativement rare chez le
Arch Enemy actuel, surprend dans le bon sens du terme, sans oublier que les riffs se veulent bien plus vicieux et brutaux que ce que l’on a entendu depuis plusieurs opus. Malgré un refrain très mélodique et une emphase mélodique très belle sur le refrain, l’album débute sur les chapeaux de roue.
Globalement, on ne pourra objectivement pas reproché grand-chose à ce disque sans faille, si ce n’est un logique et évident manque de cohésion et d’homogénéité entre les morceaux, laissant parfois l’auditeur perplexe. Même si tout se rejoint dans l’excellence, la confrontation entre le glauque "
Demonic Science" et le supersonique et sauvage "Bury Me an
Angel" n’est pas forcément réussie. Néanmoins, sur ce titre culte, on retient la précision extraordinaire de Daniel Erlandsson derrière les fûts et surtout la prestation énorme de la miss Gossow, bien plus agressive et naturel que le poussif Johan, modulant son chant comme elle le désire. Les frères Amott ne se gênent pas non plus pour complexifier quelques peu leurs interventions solistes, ajoutant plus de virtuosité dans leur jeu si typiquement suédois.
Le brutal et macabre "The
Immortal" marque toujours autant par son riff lancinant en intro puis rapidement supersonique avant de se brutaliser de plus en plus, notamment sur une partie de batterie jouissive et claquante au possible (mister Sneap !).
Arch Enemy dépoussière également l’énorme "
Dark Insanity" mais pas toujours de la bonne manière, passant d’une intro très prenante à un riff de couplet bien plus plat, laissant certes énormément d’espace au chant mais dans le même temps un certain vide dans le mix désagréable.
"
Demoniality", intermède d’un peu plus d’une minute, glauque et suffocant, au riff monolithique puant la noirceur et la décrépitude, se laisse déguster délicieusement dans un souffle malsain (ses râles cadavériques en toile de fond…) avant d’attaquer un "Transmigration
Macabre" épuré pour l’occasion et très direct, sans fioritures, rapide et technique.
Les racines du mal tirent leurs révérences sur un "Bridge of
Destiny" de presque huit minutes à couper le souffle, autant dans les harmonies des frères Amott que dans la construction plus progressive du morceau. Angela se fait d’une noirceur affolante, crue et terriblement prenante (démoniaque...) tandis que les riffs sont tous plus intéressants les uns que les autres, offrant un dédale rythmique incessant et tourbillonnant (ce solo final en forme de pure merveille).
Alors oui ces morceaux ne sont pas originaux, oui la démarche n’est pas proprement originale mais si finalement utile dans le cas présent et oui, l’album souffre, logiquement, d’un gros manque de cohésion et d’âme entre les morceaux (rien à voir avec l’unité artistique formée par "
Doomsday Machine"). Mais
Arch Enemy ne se moque pas des fans et, loin de ressortir une vulgaire compilation bon marché, a préféré bosser et retravailler entièrement ses anciens morceaux en leur donnant un nouvel enregistrement. Et si "
The Root of All Evil" n’a finalement rien d’indispensable, il est en tout cas une belle porte ouverte à ceux pensant encore
Wages of Sin furent les débuts d’un des plus gros groupes de death mélodique actuels.
quand on en à la capacité
Kiss, s'y est attaqué avec un résultat...mitigé
Arch Enemy, à relevé le gant et s'en sort magnifiquement
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