Les farfelus et les charlatans de toutes sortes avaient annoncé de concert que la fin du monde était imminente. Ils l’avaient programmé en fin d’année
2012. Et cela en se basant sur le calendrier maya. Biff Byford avait dû s’esclaffer devant une pareille annonce et trinquer à la santé de tous ces ridicules marchands de peur. C’est ainsi qu’il a repris en toute quiétude les chemins des studios pour l’enregistrement d’un vingtième album. Vingt dans la carrière d’un groupe, ça commence à faire beaucoup. La vie de «
Saxon » est traversée de hauts et de bas, tout comme sa discographie. Beaucoup salueront sa longévité et sa productivité comparable à leurs compatriotes et amis de « Motörhead ». Depuis quelques temps, on a été amené à s’interroger sur le potentiel qu’avait encore à offrir l’emblématique formation britannique. Il a été noté une certaine baisse de régime liée aux sorties de «
Into the Labyrinth », puis de «
Call to Arms ». «
Call to Arms » avait été très attendu, surtout avec les fuites d’un hypothétique retour aux sources. Il n’en fut rien. C’est ainsi qu’un nouvel album, bien moins attendu que son précédent, voit le jour en 2013. Et comme à chaque fois, «
Saxon » nous surprend lorsque l’on y prête plus vraiment attention. Inutile de spéculer sur les ressources de ces vieux explorateurs. Pour les simples voyageurs que nous sommes, elles sont aussi impénétrables que n’importe quel temple caché en pleine forêt tropicale. Contentez-vous de suivre le guide et tachez d’avancer, vous allez au-devant de découvertes enrichissantes.
«
Saxon » nous met immédiatement dans l’ambiance. Nous avançons très prudemment dans la jungle qui introduit l’album. «
Procession » se compose de sons emprunts à l’enfer vert de la Méso-Amérique, animaliers ou tribaux. Une mise en bouche enrobée de mystère, nous laissant envisager quelque chose d’ambitieux et de novateur. Nous aurions pu croire à un album conceptuel basé sur les rites mayas. En fait, en feuilletant le livret de l’album nous ne tarderons pas à découvrir l’existence de nombreux sites autour du monde : assyrien, celte, ect… Nous resterons, visuellement du moins, dans l’obscurité des vieux temples et des vieilles pierres. Un peu comme «
The Inner Sanctum » l’avait fait. Peut-on y voir un signe ? Point de heavy metal maya, mais un «
Saxon » en grande forme comme nous le constaterons dès la mise en route du titre éponyme «
Sacrifice ». Les riffs y sont particulièrement tranchants, les guitares tonnent, jouant à la fois sur la puissance et la distorsion. Impossible d’être indifférent à ce son brut, à ces violents orages. On y retrouve un Biff Byford exceptionnel, dont la voix est un pilier de soutien à l’édifice. La formation poursuit dans sa lancée et ces sonorités musclées avec « Made in Belfast ».Le son claquant, la sensation de nervosité que l’on y retrouve, sont parfois tempérés par le galop de la mandoline, nous renvoyant vers les contrées nord- irlandaises, bercées entre magie traditionnelle et violence contemporaine.
La lourdeur, l’impact physique seront de nouveau privilégiés chez un intimidant et insondable « Wheels of Terror ». Nous remarquerons le léger grésillement produit par les guitares, et plus encore par la guitare rythmique, impassible, tenue à une grande constance. Le morceau n’était pas loin d’être sujet à la redondance. C’est sans compter sur un redoutable et merveilleux solo heavy/speed tout juste avant le dernier tiers piste, qui fait relâcher d’un seul coup toute la tension cumulée sur ce sombre morceau. «
Saxon » montre les crocs, sans donner la patte. Une place privilégiée a été prévu aux guitares de Paul Quinn et de Doug Scarratt. Cette consécration fait le bonheur de l’intense «
Night of the
Wolf ». On est là balloté entre le chaud et le froid, entre le calme et l’excitation. Il y a en effet une alternance entre passages frénétiques et d’autres plus posés et soft. C’est une formule qui fera tout l’intérêt de ce titre à la remarquable qualité sonore. La mésaventure de «
Call to Arms » est oubliée. Nous retrouvons un son tout en relief et en profondeur. Le choix d’Andy Sneap au mixage (ayant déjà travaillé pour « Accept », «
Exodus », «
Testament » et «
Arch Enemy ») n’y est certainement pas pour rien.
Inversement à «
Night of the
Wolf », « Stand Up and
Fight » mettra plus en avant le chant inoxydable de Biff. Les guitares et la batterie se contenteront d’un cheminement mécanique, au contraire du chant, subtil et affirmant énormément de répondant. Même si le titre n’est pas emprunt à l’originalité (je veux, bien entendu, parler du nom), il n’en reste pas moins un des plus admirables de la galette, et un des plus attachants. En revanche «
Saxon of the Tomb » nous sert un «
Saxon » on ne peut plus basique avec des riffs étriqués. L’entame aurait même pu nous induire en erreur avec ses airs raffinés japonisants. La formation britannique continue à nous perturber et à puiser partiellement dans d’anciennes recettes. On retrouve le son très américain à la «
Killing Ground » à travers « Walking the Steel », se singularisant par un rythme lent et lourd, légèrement groovy. Si on avait encore à douter des influences, le break est une invitation étasunienne dans son mode slow et bluesy. «
Warriors of the
Road » prend littéralement son contre-pied, sans pour autant changer de continent, avec un rythme survitaminé à l’énergie rock n’ roll. Les machines de course sont lancées. C’est la vitesse qui prévaut, et le Père Byford ne perd pas la pole position. On ne pourra non plus, contester les sonorités rock n’ roll du très groovy « Standing in a Queue ». «
ZZ Top » sort de ce corps ! On sent bien ici le rock motorisé qui fait le transit le long de la route 66. «
Saxon » avec son «
Sacrifice » nous fait humer un parfum fait de multiples horizons.
Les plus fans d’entre vous auront certainement l’envie de s’accaparer de la version limitée de l’ouvrage «
Sacrifice », incorporant un second disque audio. Là, nos britanniques reprendront et réaménageront certains de leurs tubes. Je vous le dit de suite ; faites y impasse. Vous aurez sans doute entendu parler d’une version orchestrale de «
Crusader ». Celle-ci est potable et j’ajouterai que c’est presque le moins pitoyable que ce second disque a à nous offrir. Cette adaptation symphonique apporte à ce titre de légende un fort côté générique de « Rocky ». Il n’y a plus véritablement de majesté, juste du épique et du kitch entremêlés. Pour le restant prévoyez un oreiller et des mouchoirs. Les réenregistrements de «
Just Let Me Rock » et de «
Forever Free » sont purement lamentables et piégés dans une étrange décadence. Ramassés, peu consistants et incroyablement plats. «
Forever Free » semble booster en comparaison de l’endormant «
Just Let Me Rock », mais ce n’est que de l’empressement et énormément de maladresse. Une version à l’emporte-pièce d’un titre déjà pas forcément très représentatif de la carrière du groupe. Ils en surajoutent et poussent la farce très loin avec les versions acoustiques de «
Requiem » et «
Frozen Rainbow », mis à la suite en plus. C’est beau en toute apparence, mais terriblement long et fastidieux. Les titres ne sont vraisemblablement pas bâtis pour la transformation en mode acoustique. On aurait vite envie de zapper et de passer à autre chose.
Il était temps. Il était temps que «
Saxon » nous revienne avec de bonnes intentions et une bonne musique. On revient aux fameuses étapes «
Lionheart »/«
The Inner Sanctum », qui avaient ébloui les esprits par leur indéniable profondeur et leurs hits. Sans toutefois parvenir à égaler ces deux prestigieux albums, dans l’aventure récente de nos Indiana Jones britanniques, «
Sacrifice » nous révèle de bien meilleures perspectives que celles découvertes sur l’inégal «
Into the Labyrinth » et sur le peu appliqué «
Call to Arms ». Le monument se visite avec beaucoup d’enthousiasme. Nous avons de plus la joie de retrouver un Biff Byford au sommet, pétillant et totalement sûr de lui-même. Néanmoins, cette forme retrouvée ne doit pas faire baisser la vigilance. S’ils ont encore été capables d’être au top sur l’album principal, ils nous ont sorti le pire sur l’album bonus. Ce n’est pas la fin du monde, mais l’édition simple de «
Sacrifice » sera donc vivement conseillée.
« - Père, on est touchés ?
-
Plus ou moins oui... Fils, il faut que je te dise quelque-chose... Ils nous ont eu ! »
(Indiana Jones et la dernière croisade)
15/20
14/20 pour l’édition limitée
Même les soli que je dénigrais il y a 3 ans commencent à me faire leur petit effet. Un excellent cru en vérité!
Peut-être que ce bonus itunes n'est pas connu de tous et intéressera quelques personnes
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire