Les morts violentes font partie depuis la naissance du Rock de son folklore et de son Histoire.
Des premières overdoses d'Hendrix et de Morrison aux innombrables accidents de la route (Rick Allen,
Yngwie Malmsteen, et dans des registres encore plus tragiques Cliff Burton,
Vince Neil / Razzle Dingley, Carl Albert, David
Wayne, Roger Patterson, Criss
Oliva et Steve Lee), en passant par les crashs aériens (Ronnie
Van Zant, Steve et Cassie Gaines,
Randy Rhoads), les noyades (Brian Jones,
Randy California), les suicides, et les excès divers dont je vous épargnerai le détail, la liste de nos héros sacrifiés sur l'autel du succès est plus que conséquente.
Si intégrer un groupe de Rock semble à la lecture de cet article une activité particulièrement risquée, il est à noter que les meurtres sont plutôt rares dans ce milieu, contrairement au monde du Rap dans lequel les fusillades à la sortie des night-clubs de L.A. sont légion. Dans le
Metal, la tradition veut que l'on commence par se foutre sur la gueule avant de sortir les pétards. Cependant, certains musiciens, à commencer par John Lennon, firent la une des faits divers morbides. Øystein Aarseth. Dimebag Darrell...
Et
Rhett Forrester...
Rhett eut-il droit à quelques lignes dans le Atlanta Daily World le 23 janvier
1994, lendemain du jour où il s'effondra dans sa voiture, le dos criblé de balles, alors qu'il tentait d'échapper à un carjacking ? Quelqu'un se rappelait-il alors qu'il fut le chanteur de l'année 1982 pour la bible nipponne Burrn! Magazine ?
Il semble que le sort se soit acharné sur
Riot, groupe maudit, unique et inclassable, qui sortit pléthore d'albums plus excellents les uns que les autres sans jamais réussir à grimper dans les charts. Si les portes du succès s'entrouvrirent quelques années avant d'être claquées au nez du gang de Mark Reale, c'est bien grâce à la voix et au charisme de Rhett.
Retour en 1982. Guy Speranza, 26 ans, une boule Jackson Five sur la tête et le nez dans la coke jusqu'au pharynx, vient de quitter le groupe en piteux état pour reprendre son job de dératiseur, et ce malgré le formidable "
Fire Down Under", sorti l'année précédente. Un coup dur pour Steve Loeb, producteur attitré du combo depuis ses débuts, qui reçoit alors la cassette de Rhett, 26 printemps lui aussi. C'est un coup de cœur pour tous les membres du groupe, mais le petit nouveau sera-t-il à la hauteur ? Fort d'avoir roulé sa bosse dans plusieurs états du pays dans des dizaines de groupes foireux, mais cachant également des qualités sportives insoupçonnées [Maman Forrester était professeur de danse classique, et Rhett suivit longtemps ses cours avant de devenir champion de Tennis à l'Université de Sanford en Floride], le grand blond confirme son embauche lors de son premier concert, le 27 juin 1982, en première partie de
Scorpions, au Spectrum de Philadelphie, l'endroit même où Rocky mit deux branlées mémorable à Apollo
Creed. A l'instar du boxeur, il ne fallut que quelques rounds à Rhett pour mettre à genoux le public et ses bandmates, en leur dévoilant un charisme félin doublé d'une voix chaude et rauque évoquant Bon Scott. Une star était née.
La suite est logique : Mark Reale, Rick Ventura, Kip Leming, Sandy Slavin et leur nouveau frontman retournent dans leur
New York natal pour y enregistrer le quatrième album de
Riot, toujours sous la coupe du producteur Steve Loeb. La nouvelle galette est baptisée "
Restless Breed", et l'artwork est cette fois signé Kid Kane, Steven Weiss ayant été remercié pour son travail peut être un peu trop approximatif. La pochette reste toutefois dans l'esprit fun et second degré des précédentes mais en bien plus travaillé. Cette fois, les jeunes écoliers new-yorkais se transforment en phoques la nuit venue, très certainement pour faire le bordel, picoler et niquer à couilles rabattues. Ils ont bien raison ces phoques. Si certains soupirent en regardant ce dessin, je précise que c'est le plus réussi de la longue carrière de
Riot, qui collectionnera les illustrations ridicules jusqu'à en faire une trademark. Il y a des groupes comme ça... Qui a dit
Thunder ? ... Et même si ce concept arctique surréaliste vous rebute, je ne peux que vous conseiller d'aller au delà de votre appréhension,
Riot étant assurément l'un des groupes les plus sous-estimés des années 80.
Si l'excellent "
Fire Down Under" est souvent considéré comme leur chef d'œuvre, j'ai personnellement un faible pour ce "
Restless Breed", qui s'approche pour moi de la perfection. La production est tout d'abord magnifique; Steve Loeb et Billy Arnell ayant gardé le côté live du précédent album en y incorporant encore plus de chaleur et de peps. Il faut entendre la basse de Kip ronronner sur "
Restless Breed", les grosses caisses de Sandy sur "Loanshark", et la Les Paul de Mark sur "Showdown" : une tuerie. Un album que je n'écoute qu'en vinyle d'ailleurs, le charme et les craquements du microsillon étant absolument magiques sur le feeling '70s de ces dix morceaux sublimes.
Si "
Hard Lovin' Man" aurait entièrement pu être composée par
Glenn Tipton, "
CIA" démarre de la même façon avec un riff bien Heavy mais le pré-refrain et sa mélodie imparable ponctuée par une géniale ligne de basse, nous emmènent vers autre chose, un feeling inexplicable de plénitude que l'on retrouve dans tous les albums de ce groupe avec des morceaux comme "
Warrior" ou "You
Burn in Me". Tout est à sa place, cela coule de source, paraît si évident et si simple. Je pense souvent, lorsque j'écoute
Riot, à Emmanuel Carrère, écrivain qui peut parfois paraître minimaliste mais dont les écrits sont toujours profonds et puissants. Mark Reale est à mon avis, un homme de la même trempe. Au delà d'un excellent musicien, un compositeur génial et sous estimé.
J'ose à peine parler de "
Restless Breed", j'en ai les poils qui se hérissent en pensant à cette intro où les harmoniques de guitare me font un effet dingue. Rhett y est magistral, instinctif, oscillant entre la tension, la colère et la douceur. On ressent sur cette chanson ce que disait Loeb à son sujet : "c'était l'homme d'une prise ou deux, pas plus. Il se pointait en studio et "boum" c'était fait. S'il ne la sentait pas, il était inutile d'insister." Peut être le meilleur morceau de l'album avec "Showdown", mais c'est difficile à dire tant j'adore l'opus entier, y compris la reprise version cavalcade d'Eric Burdon and The Animals, "When I Was Young", originellement enregistrée en 1967, qui colle parfaitement à l'ambiance de ce disque majeur.
Oui, la route du Rock est parsemée de cadavres. Et certains soirs, en les enjambant à une heure tardive, on ne peut empêcher une larme de couler sur son vinyle. Rest in Peace guys.
Rhett Forester + 22/09/1956 - 22/01/
1994
Guy Speranza + 12/03/1956 - 08/11/2003
Quand on voit l'importance des illustrations et les logos dans le hard/heavy, quel choix incompréhensible de balancer des hartworks aussi pourris !!! Qui oserait se balader avec le t-shirt d'un album de Riot ? C'est un aspect secondaire mais je suis certain que ça a joué dans leur manque de reconnaissance.
Salut,
Je viens d'acheter restless breed en vinyle et, surprise, le face b ne correspond pas à l'artiste. Au lieu de riot, on a le droit à Ted nugent !!!!
Quelqu'un a t il entendu parler de cette erreur de pressage ?
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