Si les années 1990 voient le Death
Metal en plein essor, c'est plutôt vers la Suède qu'il faut se tourner, avec le quatuor incontournable qu'est
Dismember, Grave
Entombed et
Unleashed sortant tous ce qui deviendra à l'heure actuelle des albums cultes posant les bases du Death (
Carnage et son
Dark Recollections restant dans l'ombre de ces derniers). Originaires de Finlande,
Amorphis reste néanmoins un pilier de cette course effrénée à la naissance d'un nouveau genre qui, tout en gardant ses racines, a su évoluer vers des contrées de plus en plus techniques, ou mélodiques.
C'est dans ce dernier style qu'
Amorphis s'est ancré dès ses premières réalisations telles que
The Karelian Isthmus ou
Tales from the Thousand Lakes, amorçant avec
Paradise Lost,
In Flames ou
Dark Tranquillity le courant Death Mélodique qui deviendra un genre à part entière.
Du Death lourd et plombé des débuts (mais malgré tout fortement atmosphérique apporté par un clavier encore inédit pour l'époque),
Amorphis est petit à petit passé à des albums beaucoup plus mélodiques, n'hésitant par exemple pas à expérimenter sur
Far from the Sun en s'éloignant de sonorités métalliques. Perdant certains fans de la première heure, en ramenant d'autres, on ne pourra pas enlever tout le talent du groupe dont la discographie reste somme toute exemplaire, arrivant à garder cette atmosphère si particulière derrière toutes ses compositions, notamment par des textes ancrés dans la mythologie finlandaise.
Privilege of Evil est un MCD sorti un an après
The Karelian Isthmus en 1993 où l'on y retrouve la plupart des titres, mais qui aurait du en fait voir le jour...un an plus tôt que le premier full-lenght des Finlandais sous la forme d'un split avec les Américains d'
Incantation.
Et à l'écoute de Pivilege, on comprend tout de suite pourquoi. Oubliez tout ce que vous connaissiez d'
Amorphis, ses oeuvres fortement mélodiques, le mysticisme de Karelian, ses Comptes des Milles Lacs, le Death
Metal joué ici par le groupe est infiniment plus noir et puissant que tout le reste de sa discographie.
L'ambiance se fait sourde, les riffs au grain âpre sont écrasants, mais
Amorphis ne joue pas sur une brutalité excessive, préférant des structures mid-tempo qui apportent un surcroît de lourdeur impressionnante. Étonnamment, l'ensemble est d'une fluidité exemplaire et chaque note, chaque instrument se fait clairement ressentir. Tomi Koivusaari montre des capacités au chant impressionnantes, peu variés mais d'une profondeur sans égal, apportant encore un petit plus au Death monolithique de
Privilege of Evil.
L'ensemble est saisissant, et rassurez-vous vous en aurez pour votre compte au bout de six morceaux, tant l'intensité que dégage l'Ep est prenante. Privilege démontre une violence palpable non pas par sa vitesse d'exécution, mais par la proportion qu'a le groupe à placer de courtes accélérations au moment opportun comme sur Black Embrace et Excursing From
Existence, leurs passages éclairs à la double au milieu d'une chape de plomb écrasante rendant le tout délicieusement jouissif. Vulgar Necrolatry (une reprise du groupe d'
Abhorrence, dont le guitariste n'était autre que...Tomi Koivusaari) sera peut-être la pièce la plus rapide de
Privilege of Evil par son rythme changeant et bien efficace comme il faut, tout en gardant la même aura noire des autres morceaux. Le groupe arrivera même à créer une atmosphère mystérieuse et prenante en insufflant sous la couche de guitares des lignes épurées de claviers, précurseur des prochaines oeuvres à venir.
Privilege of Evil a depuis été réédité par Relapse Records avec
The Karelian Isthmus. Un bon moyen de se rendre compte de la différence entre les morceaux présents sur les deux versions,puisque pour le premier c'est aux TTT Studios vers qui il faut se tourner, ceux-ci arrivant à capter toute l'intensité profonde du MCD; les morceaux présents sur le premier album des Finlandais furent quand à eux enregistrés aux Sunlight Studios, proposant un son beaucoup moins lourd pour un résultat plus clair et atmosphérique collant au concept de l'album.
Il est intéressant et étrange de comparer
Privilege of Evil au reste de la discographie du groupe, tant les différences sont grandes. Si
Amorphis a choisi la voie progressive et mélodique, je n'ose imaginer ce que serait devenu le groupe s'il avait continué dans le style de cet EP. Même si le Death
Metal de celui-ci reste moins blasphématoire et absolu que ses confrères d'
Incantation, le combo aurait très bien pu se mettre au coude à coude avec eux, tant l'Ep reste (même à ce jour) un monolithe de puissance noire que tout amateur des Américains devrait apprécier. L'histoire est tout autre, et le résultat bien différent...
Me semble que c'est ce que Fabien à noté sur sa chro de Dark Recollections,très bonne au passage:)
Sinon,les débuts d'Amorphis sont assez percutant également,merci pour la chronique,je m'en vais me repasser The Karelian Isthmus héhé....
Merci pour cette chro! Venant seulement de m'intéresser à Amorphis, je me suis déjà farci les trois premiers albums, sans malheureusement trop accrocher à la musique, mis à part deux trois morceaux, et là je tombe sur ce MCD, et bam! Grosse claque d'entrée avec Pilgrimage from darkness. Tellement noir et incantateur avec un soupçon d'épique...j'accroche direct, et la suite ne va pas démentir ce premier ressenti! D'ailleurs je préfère la production de cet albums pour les morceaux présents sur le premier, le côté monolithique est bien plus mis en avant. On est loin d'imaginer qu'ils sont partis de là en écoutant ce qu'ils font aujourd'hui!
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