Aaaaah,
Amorphis… Inutile de présenter ce groupe cultissime de la scène finlandaise qui contribua à écrire l’une des plus essentielles et somptueuses pages du death mélodique scandinave avec son intemporel
Tales from the Thousand Lakes de 94 qui fait encore aujourd’hui référence dans le genre.
Le groupe connut pourtant une période de flottement et un sérieux coup d’arrêt avec le succès mitigé d’albums plus progressifs et ouvertement moins metal, ainsi que le départ de Pasi Koskinen qui suivit, en 2004. Ceci dit, il en fallait plus pour abattre les Finlandais, qui recrutèrent un nouveau chanteur en la personne de Tomi Joutsen, et revint sur le devant de la scène en 2006 avec un
Eclipse réussi qui marqua le début d’une nouvelle ère. Depuis son grand retour, il semblerait que le combo n’en finit plus de nous envoûter, proposant des albums à la fois accrocheurs, puissants, aériens et musicalement très travaillés.
Voici donc
Under the Red Cloud, sixième album déjà depuis l’arrivée du nouveau chanteur, qui amena incontestablement un regain d’énergie et de créativité à un groupe en perte de vitesse.
La nouvelle galette s’ouvre sur le titre éponyme, parfait condensé de la virtuosité mélodique d’
Amorphis, s’ouvrant sur une plage de piano cristalline et mélancolique à laquelle viennent bientôt se mêler quelques notes de guitare acoustique. La ligne de clavier devient plus complexe, le morceau évoluant pendant presque une minute sur ce pattern folk et sylvestre de toute beauté avant que la batterie ne vienne annoncer une suite plus lourde et que les guitares metal ne nous enveloppent de leurs accords sombres sans crier gare, puissantes, et d’une intensité poignante, doublées par une double pédale lourde et solennelle et cette lead lumineuse omniprésente aux notes oniriques.
Et lorsque le growl caverneux de Tomi résonne, contrastant avec ce refrain stratosphérique toujours aussi sublime, l’intensité monte d’un cran, les hurlements du chanteur se mêlant à ceux des guitares en un délicieux acme d’émotions qui nous chavire, alliage unique de puissance brute et de mélodies magiques et épiques qui semblent nous dévoiler des univers fantastiques. Histoire de rajouter une petite touche de virtuosité à l’ensemble, les Finlandais nous gratifient à 3,58 minutes d’un petit enchaînement de soli, le clavier et la guitare s’exprimant tour à tour en une effusion musicale de toute beauté, composant ainsi l'un des titres phare de l’album, totalement irrésistible.
The Four Wise Ones envoie, quant à lui, directement ce mur de guitares noires, appuyé par la double et un chant death très en retrait, le tout tissant une toile de fond sombre et captivante, histoire de nous envoûter dès le début. Le couplet, plus complexe, s’appuyant sur les secousses légères d’une basse assez discrète, des riffs saccadés et quelques notes de guitare lénifiantes, est plus paisible, même si toujours appuyé par le growl. Par contre, le refrain est une grande claque, aux teintes presque black avec ces harmoniques assez inhabituelles pour le groupe et un chant plus hurlé et arraché que de coutume (le temps du refrain, on pourrait presque se croire sur un album d’
Agathodaimon ou de
Graveworm). Les claviers jouent ici un rôle important, servant quelques passages vraiment épiques que l’on pourrait croire tirés d’une B.O. d’un film d’heroïc fantasy, notamment pendant le long break central du titre où on peut entendre se perdre dans une brume lointaine des chœurs diffus, des orgues et des flûtes évanescents ainsi qu’une mystérieuse voix susurrée.
Non,
Amorphis ne change pas sa recette, et propose toujours un alliage imparable de mélodies d’une pureté à couper le souffle et d’un metal noble, puissant, profond et intense. On retrouve dans cet opus tous les éléments qui ont fait le succès des albums précédents, des riffs qui tuent à la pelle, à l’accroche toujours aussi irrésistible, l’alternance entre voix enchanteresse et growl surpuissant, et quelques influences orientales bien senties (le riff qui débute
The Skull, les grattes d’Enemy at the
Gates qui reviennent comme un leitmotiv lourd et menaçant, le superbe
Death of a King avec ces arpèges et ces percussions arabisantes signées Martin Lopez himself, ainsi que ces flûtes hypnotiques qui viennent danser sur les riffs gras et saccadés et le growl de Joutsen. Encore une fois, le refrain est toujours aussi simple, mémorisable et imparable, et Esa Holopainen vient faire des miracles et nous enchanter d’un solo gorgé de feeling et d’émotions).
Bien sûr, le côté folklorique n’a pas non plus été mis de côté (les flûtes de the Four Wise Ones, le très bucolique
Tree of
Ages, léger et sautillant avec la flûte malicieuse de Chrigel Glanzmann, et ce, malgré le growl omniprésent), et on retrouve également avec plaisir quelques influences plus progressives (le solo de clavier du titre éponyme, le long passage mélodique de
The Skull, avec ce solo de guitare et cette courte plage de clavier portée par des percus fleurant bon les 70’s, le break musical de
Sacrifice avec cette lente montée en puissance mettant en avant la virtuosité des guitares), ainsi qu’une aura gothique palpable même si peut-être moins assumée que sur l’album précédent.
Les grincheux diront qu’
Amorphis ne change pas et se contente de faire du
Amorphis, mais force est de constater qu’il le fait de mieux en mieux. De plus, les auditeurs avisés remarqueront que le combo a un peu durci le ton, proposant volontiers des morceaux plus directs, avec des riffs volontiers agressifs (
The Skull, avec une batterie particulièrement lourde et puissante,
Dark Path, avec encore une fois un mur de guitares rapides et mélodiques aux touches blackisantes); ce sont décidément les six-cordes qui composent l’ossature de la musique, décuplant l’impact tant au niveau de la profondeur musicale qu’émotionnelle, car inutile de dire qu’une fois de plus, la paire Koivusaari/Holopainen a effectué un travail remarquable, tant sur les riffs que sur les soli.
Qui dit agressivité retrouvée dit attaque vocale renouvelée, et logiquement, le growl regagne ici une place centrale, la plupart des morceaux faisant la part belle aux grognements du frontman (The Four Wise Ones, l’excellent
Bad Blood à la cascade de riffs enchanteurs, dont seul le superbe refrain est chanté en voix claire,
Death of a King… Presque tous les morceaux en fait, il n’y a que le single
Sacrifice, aux parties de chant d’ailleurs un peu plates, qui soit exclusivement interprété en clair).
Le plus incroyable, c’est que ce regain d’énergie ne va pas au détriment de la richesse de composition, ces 50 minutes fourmillant de petits détails et d’arrangements subtils qui ajoutent une profondeur non négligeable à l’ensemble : l’apport de ces percussions orientales notamment, de ces claviers discrètement distillés ou de ces quelques soli superbes confèrent à ces hits une durée de vie bien plus conséquente, et on constate qu’alors même qu’il compose un album étonnamment sombre et violent,
Amorphis parvient à se faire toujours plus fouillé, complexe et exigeant dans son art musical.
Que dire de plus ? Cela fait maintenant longtemps que l’on sait que chaque livraison d’
Amorphis est une nouvelle merveille, et ce
Under the Red Cloud ne déroge pas à la règle : chacune des dix compositions qui composent ce chapitre est un joyau finement ciselé, qui se paye en plus le luxe d’être directement accrocheur. Encore une fois, les Finlandais se permettent d’accoucher d’un album à la fois agressif et complexe qui n’a pas fini de nous charmer et de nous révéler ses subtilités et ses refrains enchanteurs au fil de nombreuses écoutes béates. L’
Amorphis de Tales From A
Thousand Lakes est mort ? Vive
Amorphis !
Un très grand groupe!
On serait plutôt sur un 18/20 et +, bien au dessus des album depuis
Tales From A Thousand Lakes qui lui restera à part, imprégné de son époque.
, cela dit belle chronique !!
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire