Il existe depuis toujours un lien très fort entre
Trust et son public. Une sorte de filiation où les sentiments de l’autre par rapport à l’un ont été souvent exagérément mis en exergue. Aussi grande que fut la déception, à l’écoute de l’atypique cinquième album éponyme du groupe sortis en 1983 et sobrement intitulé
Trust IV et aussi grande qu'elle fut à la découverte de ce changement de style revendiquant clairement cette volonté résolument Rock, avec la sortie, en 1984, de l’album très justement intitulé Rock’n Roll, elle ne méritait sans doute pas ce déchainement de vive passion autour de Bernie et de ses acolytes. Les attentes de certains autour de ce groupe ont toujours été injustement démesurés. Et leurs rancœurs forcement à la hauteur de ces attentes.
Lorsque
Trust nous abandonne avec les neufs derniers morceaux de Rock’n Roll, d'aucuns imaginent aisément à quel point ils sont en train d’agoniser doucement, exhalant leur dernier souffle dans un suprême sursaut d’orgueil. Une ultime expiration sans grande inspiration qui aura, aussi, le désagréable désavantage de donner naissance à des dissensions concernant l’orientation musical du groupe.
Grain de sable au cœur des rouages de la mécanique, le bulldozer tombe en panne, incapable de surmonter ses difficultés. La machine s'arrête.
Dire que nous n’avions plus aucun espoir de revoir un jour l’engin redémarrer et emboutir tout sur son passage est un doux euphémisme. Pourtant après quatre longues années, après, sans aucun doute, quelques mises au point, après une collaboration entre les deux têtes pensante Nono et Bernie sur l’album solo de ce dernier, "En Avoir ou
Pas", après un bœuf entre Nono et
Anthrax au fameux Hammersmith Odeon de Londres, après quelques concerts d’échauffements à Monaco, Nice et
Marseille et après douze jours de répétitions,
Trust est fin prêt à relancer le moteur et à reprendre les travaux. Le chantier prend place deux soirs de septembre, à
Paris Bercy, pendant un mémorable
Monsters Of Rock à l’affiche somptueuse puisque
Helloween,
Anthrax et Iron Maiden la partage avec les Français.
Paris by Night est donc le premier véritable album
Live du groupe. Il compile les shows du 25 et du 26 en un seul enregistrement. Quelques changements de Line-up sont à noter. Yves "Vivi" Brusco abandonne la basse, pour prendre le poste de deuxième guitariste, ce qui engendre la présence d’un nouveau venu Fred "Fredo" Guillemet. Pour le reste on retrouve la formation classique. Celle qui joua sur le dernier méfait du groupe.
Pour donner tout le poids qu’elle mérite à cette nouvelle naissance,
Trust démarre cet album, par
Paris by Night, adaptation francisée du morceau Love at First Feel d’ACDC. Celui-là même qui le propulsa en 1977 au-devant de la scène. Le symbole fort semble signifier que le groupe repart du début. Et quel morceau peut mieux démarrer les hostilités en ces lieux ? Parler d’hostilités est bien évidemment exagérée tant règne ici une union indicible et indéfectible entre le groupe et son public. Bernie en a pleine conscience et il harangue la foule, sa foule, la poussant jusqu'à ces derniers retranchements. Ainsi la communion entre un artiste et ses fans n’aura jamais été aussi forte, et c’est essentiellement en cela que cet album est exemplaire et unique. Cet amour, car c’est bien de cela dont il s’agit, s’exprimant de manière spontanée et colossale, lorsque par exemple le public chante comme un seul homme les paroles de Saumur, morceau lent et décadent aux légères touches bluesy. Ce n’est cependant pas suffisant pour le chanteur de
Trust. Il en veut davantage encore, et lorsque résonnent les première notes d’
Antisocial, morceau intemporel s’il en est, on sent d’emblée qu’on se prépare à vivre un moment historique. Le flot des hommes déchaînés hurle et alors même que la tension est à son comble Bernie lui arrache ce qu’il a de meilleur, donnant naissance à de l’émotion pure. Emotion qu’on retrouve de manière éclatante, éblouissante, tout simplement sublime sur
Ton Dernier Acte, où dans un premier couplet enveloppé dans une délicate sensualité suave, contrasté par la force d’un riff emprunté à Whole Lotta Rosie d’
AC-DC, le vocaliste est à son meilleur, teintant son interprétation de nuances ahurissantes. Un mélange subtil rendant un hommage parfait, à Bon Scott, où les couleurs de la voix de Bernie jouent véritablement avec nos sentiments. Et lorsque la foule s’unie, hurlant pour communier, laissant résonner les murs de
Paris Bercy au son d’un "
AC-DC", les frissons nous parcourent. Sur un dernier
Riff de L’élite, sans doute l’un des morceaux les plus efficaces du groupe, écrit il y a plus de 20 ans,
Trust nous emporte définitivement dans un tourbillon de plaisirs intenses et d’une plénitude rarement atteinte. Ces trois morceaux (
Antisocial,
Ton Dernier Acte, L’élite) suffiraient à eux seuls à faire de ce
Paris by Night un moment de pure satisfaction. Le reste des titres de ce manifeste participent aussi à en faire un moment admirablement culte.
Bien sûr les uns regretteront l’impasse faite sur certains hymnes essentiels du groupe tel que Préfabriqués, et les autres se lamenteront d’entendre la voix de Bernie moins rageuse qu’auparavant (ce qui à mon sens est une vraie hérésie, vu les nuances intenses que ses interprétations en retirent), et d’autres se plaindront encore que la production aurait nécessité un peu plus de soin au mixage, donnant au son cette puissance dont il manque un peu. Toutefois, au final, il convient pour chacun d'entre-nous de goûter pleinement à cet instant prodigieux de pur bonheur, à ce disque tout simplement mythique œuvre d’un groupe qui ne l’est pas moins.
Merci à vous pour vos commentaires tellement intéressants et tellement instructifs.
Quel plaisir de me repasser ce live hier. Pour l'anecdote inutile mais qui plait toujours aux passionnés (donc à nous tous en fait hé hé), j'ai constaté que la version 88 Melody Celuloid ne mentionne pas le titre Paris sur la jaquette du verso alors qu'il est évidemment présent sur le cd. Le titre est inscrit sur les autres versions cd et sur le lp. Je me demande combien de temps le label a mis pour s'en rendre compte et pour sortir de nouveaux pressages?
Bref j'a une édition rare. Merci Zaz
https://www.discogs.com/sell/release/24418604?ev=rb
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