Et dire qu'il ne fallut que deux concerts de quarante-cinq minutes chacun immortalisés sur un album pour rallumer la ferveur et les espoirs d'un peuple entier. Seulement quatorze petites chansons suffirent à redonner un souffle nouveau au cadavre de
Trust. Revigoré par cette miraculeuse résurrection, soutenue par une France à l'unisson, le groupe exulte et se lance avec enthousiasme dans une ère de renouveau.
À ce stade de la chronique, il n'est pas inutile de dire que
Trust à toujours, à l'évidence, tenu une place particulière dans la scène nationale. Icône emblématique d'une certaine jeunesse rebelle (même si
Bernie Bonvoisin, chanteur et tête pensante du groupe, a toujours refusé de se poser en porte-parole de quiconque), beaucoup se sont identifiés dans la rage de cette formation, beaucoup se sont reconnus dans ces paroles revendicatives.
Trust est donc une véritable institution. Bien plus qu'un phénomène artistique, il est quasiment un phénomène de société qui a indubitablement marqué les esprits. il est, par exemple, inouï de penser que même lorsque le groupe brille, au cours des années quatre-vingt-dix, par une quasi-absence seulement troublée par quelques sorties mal intentionnées de maisons de disques vénales si promptes à exhumer, ou compiler, des choses, souvent grand intérêt ; le public continue pourtant de le plébisciter régulièrement dans les référendums annuels de la presse spécialisée. Cet état de fait pouvant aussi s'expliquer, en partie, par le pauvre renouvellement de la scène française durant cette période.
Quoi qu'il en soit, si d'emblée, l'enthousiasme est certain, il pèse, aussi, sur le groupe un lourd sentiment de doute, car si sur scène l'alchimie est indéniablement présente, les vieux démons ressurgiront forcément lorsqu'il s'agira de composer à nouveau. Les fans de la première heure, ceux qui ne se délectent que de la face
Hard, à teinte contestataire, Punk, voir Heavy de
Trust, n'ont jamais accepté, ni pardonnés, ses digressions. Ils ont enragé en voyant la bande à Bernie et Nono, déraper doucement, mais sûrement, vers ce visage moins protestataire, vers cette musique plus clairement estampillé Rock. Et ce même si la formation a toujours refusé de se laisser enfermer dans des étiquettes bien trop restrictives pour lui. a l'instar des propos tenus par angus young depuis toujours, elle se définit musicalement comme étant plus directement inspirée par chuck berry, jerry lee lewis, et de manière plus actuelle par les rolling Stones ; que véritablement par la scène
Hard/
Metal contemporaine, ou non d'ailleurs. Difficile également d'ignorer, après la sortie des albums solo de Bernie, ce penchant certain que le groupe nourrit pour le Blues.
Alors que peut avoir encore à dire un groupe tel que
Trust au milieu de jeunes loups déjà fortement installés ?
Good Time démarre l'explication de texte sur un propos plutôt Boogie, plutôt entraînant et agréable, rendant hommage à Jerry Lee Lewis. Déjà le sentiment passéiste, souvenir des égarements musicaux du dernier opus, effluves douceâtres de cette perte d'intensité acerbe, de ce manque de rage, revient violement nous étreindre. Et Boom Boom reprise de John Lee Hooker, première véritable incursion affichée de manière ostentatoire, autre que simplement sur les faces B de singles dans le monde du Blues ne va certainement pas nous sortir de ce trouble. Une reprise à laquelle l'interprétation de la voix naturellement hargneuse de Bernie contrastant avec les riffs et les rythmes, donne à l'ensemble un arôme, encore une fois, très Rock'n Roll. Doit-on continuer à y voir un message qui a tendance à se préciser de plus en plus ? D'autant qu'Allez Monnaie Blues et son riff classique renforcent ce sentiment. Alors même si sur ce titre Bernie semble avoir retrouvé sa verve, et ses mots un certain tranchant frondeur, on n'en reste pas moins dans un contexte très éloigné musicalement des meilleurs heures de
Trust. Le message est d'autant plus clair avec une reprise plutôt réussie de
Paint It Black des Rolling Stones. On se surprend, ensuite, à sourire face à la version singulière et facétieuse de
Petit Papa Noël. Un sourire forcement crispé si l'on songe que pour l'instant, au niveau de l'intérêt, c'est le point culminant de cet opus. Surveille
Ton Look est, quant à lui, un morceau live. Une balade dépressive dont la musique accentue admirablement le côté désespéré du texte. Perdu au milieu de cette mosaïque bâclée, il aurait sans doute mieux trouvé sa place sur
Paris by Night plutôt que de s'échouer mollement ici. Initialement l'album se terminait ainsi, et ce n'est certainement pas les deux bonustracks, version Anglaise de Good Time et d'Allez Monnaie Blues sur la version CD, qui vont métamorphoser nos incertitudes en certitudes et nos déceptions en plaisirs. D'autant plus que la voix, si typique, de Bernie s'accommode toujours encore aussi mal de la langue de Shakespeare.
Du Rock, du Blues, de la ballade, des reprises de standard de Blues et de Rock, voilà donc ce que nous offre ce disque. Au-delà de son manque évident d'intensité, il n'est qu'un amoncellement incohérent de titres assemblés dans l'urgence. De ce fait l'interrogation qui nous bouscule est évidente : en attendant, soit, mais en attendant quoi ?
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire