Fête chrétienne commémorant depuis le IV° siècle la naissance de Jésus-Christ (les enfants le savent-ils seulement de nos jours?), Noël est aujourd'hui devenu avant tout le plus grand complot commercial jamais conçu par les Décideurs financiers de ce monde vomitif; complot auquel inéluctablement nous prendrons tous part une nouvelle fois ce soir sous peine de passer auprès de nos proches pour des marginaux dégénérés ou des parents indignes.
Qui aime encore cette "période des fêtes" au XXI° siècle ? Les quelques enfants innocents de cette Terre peut-être, qui attendent surexcités que Papa Noël vienne glisser dans leurs petits souliers des jeux vidéos ultra-violents qui les rendront enfin débiles comme leurs grands frères ? Les Édouard Leclerc en devenir, frappés de priapisme à l'idée de niquer une nouvelle fois leurs clients jusqu'à l'os via cette escroquerie parfaite, ce braquage invisible et non-violent qui oblige pourtant chaque être humain de plus de 13 ans à claquer sa paye de
Novembre ou son argent de poche dans des centres commerciaux franchisés et dupliqués à l'infini sur cinq de nos continents ? Les rares âmes pures qui réussissent miraculeusement à passer outre l'hypocrisie ambiante pour ne voir en ce jour que l'occasion de retrouver une famille parfois éloignée ?
Allez, avouez, qui n'a jamais rêvé de ne plus répondre au téléphone à partir de mi-novembre pour ne pas avoir à décliner les horripilantes invitations qui se succèdent ? Qui n'a jamais eu envie de faire un carton en entrant dans son supermarché envahi par une foule de crétins remplissant les caddies de foie gras premier prix et de chocolats-Réceptions-de-l'Ambassadeur ? Qui ne se sent pas écœuré jusqu'à la nausée par la mascarade caritative qu'on nous ressort annuellement pour faire passer la pilule de la surconsommation, et ce tout en nous vendant ni vu ni connu le dernier "artiste" à la mode qui viendra pour sauver les sans-abris reprendre un titre de Goldman en duo avec Obispo sur TF1 ? Qui ne s'est jamais juré un 26 Décembre de passer le prochain Noël seul au soleil sur une plage à 10 000 bornes de ce merdier ?
Mais puisque finalement chaque année, on se retrouve comme des cons à faire comme tout le monde car on n'a pas eu le cœur à briser ceux de sa Famille, on se console traditionnellement un peu en fouillant dans sa collection pour rechercher le précieux first-press du tout premier
King Diamond intitulé "
No Presents For Christmas", un Maxi 45 T sorti le 25 Décembre 1985 chez Roadrunner, quelques mois avant la mythique mandale "
Fatal Portrait".
Il est à ce stade peut-être utile de resituer le contexte de cette année 1985 : suite à l'odieuse trahison d'Hank Shermann qui osa proposer au
King d'évoluer vers un style plus mainstream,
Mercyful Fate explose en plein vol, au sommet de sa gloire et de son art (le référentiel "Don't Break
The Oath" date de
Septembre 1984). Le divorce est prononcé immédiatement et Hank part jouer du
Hard FM dans son nouveau groupe
Fate (hummm), alors que
King et ses fidèles disciples Michael Denner (guitare) et Timi "Grabber" Hansen (basse) rebaptisent
Mercyful Fate du nom de son charismatique leader. Pour palier au départ de Hank et de Kim Ruzz (qui abandonne la musique pour devenir facteur) sont recrutés deux musiciens absolument fantastiques qui joueront un rôle décisif dans la carrière de ce nouveau groupe : Mikkey Dee et Andy La Rocque.
Si Mikkey Dee tabasse aujourd'hui ses fûts dans Motörhead en pilotage automatique, il suffit d'écouter son chef d'œuvre personnel "
Them" pour se remémorer quel batteur il était à l'époque, à la fois ultra-technique, puissant et imprévisible. Quant au génie Andy La Rocque, qui rappelons-le, fut également le soliste de Chuck Schuldiner sur "Individual Thought Patterns", il donne tout simplement une nouvelle dimension au groupe du
King grâce à son jeu atypique qui s'inspire du néo-classique en ayant l'intelligence de ne pas en faire des tonnes.
Même si les albums de
King Diamond marquent une rupture avec l'univers des trois
Mercyful Fate (les lyrics évoluent d'un Satanisme basique vers la complexité de concept-albums développant des histoires horrifiques fictives), le single "
No Presents For Christmas" reste un OVNI dans la carrière du
King, son cinquante-troisième degré tranchant catégoriquement avec le reste de la sombre discographie
Mercyful Fate /
King Diamond... À tel point qu'on ne peut qu'imaginer notre Roi de Carreau dépouillé-sa-race lorsqu'il a écrit les lyrics de ce morceau improbable dans lequel Tom et Jerry picolent alors que Donald Duck paresse au plumard. On sent clairement la rime facile téléguidée par un tsunami de vodka dans les veines du danois grimé : It's getting very, very late - St. Peter's crossed the Golden
Gate -
And Donald Duck is still in bed - I wonder who he's gonna help...
Oui c'est bien de la merde en barre, mais heureusement la Musique reste d'un autre acabit, puisqu'après le traditionnel "Jingle Bells" en guise d'introduction, Denner nous envoie direct dans la face un des putains de riff dont il a le secret, soutenu par l'implacable rythmique du couple Mikkey Dee / Timi Hansen. Et là, on s'en bat l'œil (celui de
King pour ceux qui suivent) de Donald, Mickey et compagnie, on profite ! La prod est juste impeccable, old-school à souhait avec une grosse double-caisse qui écrase tout et nous rassure sur l'avenir musical du
King : il a peut-être sombré dans l'alcool mais pas dans le
Hard FM ! Le son de guitare est énorme, la ligne de chant envoutante, typique du
King, les soli de toute beauté : on a bien affaire à un petite bombe Heavy / Thrash malgré le ton humoristique du morceau, ce qui nous donne ni plus ni moins la seule Christmas Song digne d'être écoutée par un Hardos en colère à quelques heures du réveillon, loin des bouses pondues par
Trust,
Pretty Maids, Gillan,
Halford et j'en passe.
Cerise sur la bûche de Noël 1985,
King offrait en B-side à ses fans inquiets et impatients un aperçu de ce qu'allait donner l'immense "
Fatal Portrait" (orthographié "
Fatal Portret" sur ce pressage) avec le bijou "
Charon", morceau sur lequel
King personnifie le nocher du
Styx, chargé d'emmener sur sa barque les âmes des défunts vers les Enfers. Que dire sur cette merveille sans tomber dans la caricature ? Je suis toujours désarmé, sans voix et sans mots face à la perfection... Up-tempo conduit par la frappe magistrale, brutale et subtile à la fois, d'un Mikkey Dee étouffant, secondé par Timi qui appuie encore un peu sur ta gueule pourtant déjà bien écrasée, "
Charon" est construit autour d'un enchaînement riff-break hypnotique qui n'est rien d'autre qu'un cas d'école du Heavy
Metal, sur lequel chaque musicien peut donner le meilleur de lui-même, s'exprimer en laissant parler son instrument. Et les gars ne se privent pas... Ainsi
King nous fait par exemple le coup infaillible de la ligne de chant aigüe doublée dans les graves : I am faceless but don't fear now, I'll take you safe across the ri-iiiiiver Styyyyx, moment de grâce suivie d'une transition de Mikkey qui hérisse les poils, à écouter au casque d'urgence... On est déjà à genoux la larme à l'œil, prêt à être adoubé par le Roi, quand arrive le merveilleux et inoubliable solo final d'Andy, digne héritier de sa référence
Randy Rhoads, et Mikkey derrière lui, que j'imagine headbanguant touffe au vent sur la barque de
Charon, qui double le tempo pour mieux le casser juste après et finir sur un break jouissif. Putain de parfait !
Hélas c'est déjà la fin, et comme les fans du
King qui durent attendre quelques mois avant de pouvoir poser "
Fatal Portrait" sur leur platine, on n'a plus qu'à retourner le 45 T pour se faire plais' une seconde fois avant de descendre à la cave chercher le champagne et les huîtres.
Joyeux Noël à tous, bande de moutons !
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