Et
Stratovarius redevint grand…immense…en créant ce monument répondant au nom d’
Elysium. Planant de nouveau tel un maître sur une scène dont il fut l’investigateur puis le destructeur, les Finlandais parvenaient enfin à retrouver leur dû, quelques vingt années après leurs premières armes.
Les errances du passé, les problèmes humains et financiers, les soucis psychologiques, les egos surdimensionnés ainsi que les pensées personnelles furent annihilés pour un bien commun et créatif, afin de donner à ce grand disque en forme de chant de cygne pour certain.
Stratovarius pourrait-il dépasser le niveau exceptionnel qui avait été atteint sur l’ultime piste éponyme de son treizième album ?
Si "
Polaris" avait été accueilli avec enthousiasme, mais demeurait timide dans la prise de risques, ceci étant notamment lié à la nouvelle prise de fonction de Mathias Kupiainen derrière le poste de guitariste/compositeur, "
Elysium" permettait à l’homme de s’affirmer dans cette double casquette, tout en produisant le disque dans son propre studio sous la houlette des plus grands. Revenu à un style technique et flamboyant, épique et grandiose comme nous ne l’avions pas entendu depuis les grandes épopées de "
Visions" ou "
Infinite", le conte de ces champs élyséens noircis par le monde moderne était sans doute l’œuvre la plus imposante qu’ils avaient créée, et de loin la plus sombre et mélancolique de leur histoire.
Dans ce contexte, une grande tournée emmena les hommes aux quatre coins de la planète. Le groupe fut malheureusement dans l’obligation d’en annuler une partie en raison du cancer dont fut victime le frappeur de toujours Jörg Michael qui, malgré un retour en
2012, décida de quitter définitivement le groupe pour un mode de vie plus sain et proche des siens. C’est donc un nouveau « jeune » qui intègre les rangs finlandais avec Rolf Pive (vingt-quatre ans au compteur), pour apporter sa nouvelle vision d’une section rythmique qui s’était déjà bien complexifiée et densifiée avec l’arrivée du terrible Lauri Porra à la six-cordes (nous parlons évidemment d’une basse).
Aux premières écoutes, il est donc à peine surprenant que "
Nemesis", nouvel album aux couleurs bien plus agressives et apocalyptiques (j’évoque bien sûr le titre et l’artwork) se montre plus dominateur et direct, montrant régulièrement les crocs et lorgnant parfois vers un speed aux riffs presque thrash. C’est le cas, pour ne citer que lui, du single "Umbreakable" qui, en partant d’un mid tempo très traditionnel (même s’il montre en filigranes la voie que prendra le disque), avec un Timo
Kotipelto toujours autant en voix (bien qu’il n’abuse désormais à aucun moment de son immense technique) mais surtout un
Jens Johansson très présent et plus électronique dans ses sonorités qu’à l’accoutumée. Des chœurs montent en même temps que le refrain n’apparait, avant un break au riff monstrueusement brut de décoffrage pour du Strato qui débouche sur un soli simple mais très efficace.
Sans être véritablement innovant, "Umbreakable" donne le ton et entreprend d’introduire les morceaux de bravoure que seront "
Halcyon Days", "
Out of the Fog" ou le merveilleux "Castles in the Air". Autant de morceaux ambitieux et novateurs, sans être de longues pièces épiques comme le groupe nous avait habitués (aucun titre ne dépasse sept minutes). "
Halcyon Days" est en soi un petit ovni très technique et rapide sur lequel les sons électroniques et cyber prennent une place presque prépondérante, pendant qu’un riff vif et énergique se taille la part du lion sur un coulis de chœurs liturgiques des plus imposants. La première intervention du refrain en devient marquante, introduite par des effets presque techno, avant de livrer cette merveille de refrain qui ne vous quitte plus une seule seconde après être rentré en tête, à l’harmonique fabuleuse et à la mélodie vocale tellement simple qu’elle en devient géniale (comme à la grande époque). Le break va même plus loin, en se dépareillant même de quelconques soli pour uniquement plonger dans une ambiance cybernétique et glaciale, sur laquelle des chœurs angéliques viennent se poser avec une grâce formidable.
"Castles in the Air", plus conventionnel, se veut la suite logique de composition comme "
Lifetime in a Moment" ou "Soul of the
Vagabond", avec une ligne de chœurs magistrale et surtout une puissance de frappe collant un véritable uppercut, en se focalisant sur la lourdeur et non la vitesse (cette ligne de basse vrombissante, tout comme ce refrain…). On ressent d’ailleurs une très forte continuité dans le jeu de Rolf vis-à-vis de l’héritage laissé par Jörg. "
Out of the Fog" se veut dans une veine similaire, la voix de Timo étant suivie par ses compères sur le refrain afin de créer une grande densité vocale. La puissance de la musique ressort parfaitement par le riff tranchant au possible de Mathias, ayant lui-même réalisé un nouveau travail d’orfèvre du point de vue de la production.
Forcément,
Stratovarius sans ses compositions speed ne serait pas, et ces dernières sont évidemment présentes ici, avec une fraicheur toujours aussi impressionnante pour un groupe de cette envergure. "Dragons" dégage ainsi une chaleur et un positivisme incroyable pendant qu’"
Abandon" parvient parfaitement à faire entrer l’auditeur dans l’album. Le tempo de caisse claire donne d’entrée le ton, pendant que Timo nous accueille avec son timbre si caractéristique, avant un refrain simple à retenir introduit par une petite descente de toms très intéressante sur le plan technique. Les claviers, discrets, se cachent derrière des chœurs qui ne quitteront presque jamais l’album. Très rapides et emplis de vibratos, les « twin battle » entre Jens et Mathias sont délectables, tout comme ceux, toujours aussi écœurants, de "Stand my
Ground", dont la teinte néo-classique rappelle avec nostalgie les premières heures tout en incarnant un refrain très moderne et sombre. "
Nemesis" vient terminer l’album dans une veine similaire, peut-être un peu trop traditionnelle même, mais dans une extrême cohérence avec le reste du disque, se terminant sur un passage angélique bienvenu.
Extrêmement cohérent, c’est justement sa grande force, à défaut de parfois disposer du titre qui permettrait de complètement le faire passer dans la catégorie des très grands albums. Sans réussir à parvenir jusqu’à dépasser le génial opus précédent, "
Nemesis" est une excellente suite, de plus très différente, parvenant à renouveler le répertoire de
Stratovarius et prouver que les Finlandais sont encore bien loin d’avoir écrit tout ce qu’ils avaient à jouer. S’il est écrit que le groupe fut un précurseur, il n’est pas encore mentionné la date où l’inspiration se sera suffisamment tarie pour les faire disparaitre. Espérons que ce moment n’arrive simplement jamais.
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