Stratovarius, avant d’être l’un des (ex ?) maîtres incontestables du speed mélodique à tendance néo classique (ce que j’aime les étiquettes !), a débuté sa carrière à une époque où son genre musical était loin de représenter une majorité.
Alors en pleine vague grunge et death, les débuts des Finlandais ne furent pas des plus heureux, la faute à un talent encore que très partiellement exploité, un Timo
Kotipelto absent, une scène bien plus extrême ou technique (l’avènement de
Dream Theater pour ne citer que lui !) ont fait que les quatre premiers albums de
Stratovarius restent, encore aujourd’hui, dans les abîmes d’un anonymat dont ils ne parviennent ni ne veulent sortir.
Mais en cette année 1996, alors que la scène death commençait inéluctablement à s’effondrer sous le poids de sa propre décadence (un trop grande nombre de signatures sur major ont bridé un genre bien trop brutal pour plaire à un grand public !),
Stratovarius a, quant à lui, décidé de sortir de l’ombre, et de quelle manière l’a-t-il fait ? En nous sortant "
Episode" ! Rien que ça, rien que la preuve d’un talent enfoui explosant enfin au grand jour et à la face d’un monde métallique qui commençait à vouloir revenir à des valeurs simples véhiculées par les années 80, prendre du plaisir sur des rythmes rapides et grandioses mis en scène par des refrains entêtants que l’on reprend à pleins poumons lors des concerts.
Et sur ce point, "
Episode" fait très fort !
Démarrant sur un des meilleurs titres à avoir jamais vu le jour sous l’appellation
Stratovarius, "
Father Time" colle un uppercut dès le premier round. Sous un tempo effréné, le morceau est une leçon de speed à la finnoise.
Finnoise; symbolique de virtuosité, de finesse mais néanmoins de poigne, d’une incision très propre mais pourtant tellement précise. Le chant de Timo est d’une justesse incroyable, d’une puissance phénoménale dans les aigus, le refrain est un petit modèle du genre et surtout ce
Timo Tolkki, encore en pleine possession de ses moyens, nous dévoile une palette de riffs aussi subtiles que dévastateurs ! Quant Ã
Jens Johansson, fraîchement arrivé, il nous laisse comprendre qu’il ne deviendra pas un des meilleurs claviéristes du monde pour rien.
Car s’il y a un point sur lequel
Stratovarius fait bien toute la différence, c’est dans l’utilisation judicieuse des claviers. Là où cet instrument devient pour certains (Sonata Artica,
Rhapsody à leurs débuts,
Power Quest…) synonyme de niaiserie et d’une volée de sonorités suraiguës, il est avec
Stratovarius une facette progressive sans jamais tomber dans la démonstration facile ni dans la facilité.
A l’écoute de monuments tels "
Eternity", "
Night Time
Eclipse" ou "
Babylon", aux atmosphères travaillées, mystérieuses et parfois ésotériques, le clavier devient la matérialisation d’une grandeur musicale et d’un souffle épique salvateur et inspiré. Dès l’introduction de "
Babylon", les Finlandais nous emmènent en Orient, dans un désert aride de sonorités plus légères mais, paradoxalement, dans une atmosphère plus lourde et pesante.
La performance de
Kotipelto se fait alors artistique, d’une qualité irréprochable, d’une grande émotion palpable et pleine de beauté et de grâce. Son chant nous transporte littéralement, sa voix, semblant être un don du ciel dont il jouit comme bon lui semble, est d’une perfection rarement atteinte dans le style, et relativement loin de la surenchère technique qui handicaperont les plus récents "
Elements".
Mais à l’inverse de ces longs morceaux épiques,
Stratovarius sait aussi mieux que quiconque enchanter sur un temps très court, se muer en une expression musicale très condensée comme le démontre "Speed of Light" qui, en moins de trois minutes, passe par toutes les étapes imaginables. Un riff supersonique parfaitement mis en valeur par une production n’ayant pas pris la moindre ride en treize ans, un chant très rapide, aussi grandiose qu’incisif et surtout des solos inspirés, des gammes néo-classiques comme s’il en pleuvait. Impressionnant !
Et ce son qui, comme je le soulignais, déploie une puissance qu’est très loin de posséder le dernier album éponyme du groupe, qui laisse exploser toutes les subtilités d’un album aux multiples facettes et arrangements. De nombreuses pistes de guitare acoustique sont par exemple ajoutées ici et là afin d’ajouter encore un peu plus de richesse musicale. Il faut également noter le son impressionnant de batterie que possédera, à partir de cet album,
Stratovarius, étonnamment profond et puissant, laissant entrevoir le moindre coup de pédale réalisé par ce batteur d’exception qu’est Jorg Michael (lui aussi nouveau venu sur cet opus !).
"
Episode" est une merveille de variété, un voyage dont les sons et les couleurs diffèrent radicalement d’un titre à un autre, sans pour autant avoir à faire à un patchwork musical indigeste ou sans but. Une forte homogénéité transpire à travers un album marqué par un certain esprit de revanche et d’une envie intrinsèque de montrer les dents à la face du monde.
Les plus lents et mélancoliques "Uncertainty" et "Seasons Of Change" (étrangement l’une après l’autre) exhibe cette volonté de diversifier une musique progressive alors en pleine gloire. Le premier des titres susnommés est à lui-seul une page magistrale de spleen, aux chœurs discrets mais splendides, aux arpèges de guitares acoustiques somptueux mais toujours du domaine de l’arrangement, tandis que le solo très heavy, dont l’amorce n’est pas sans évoquer
Gamma Ray, alourdit une ambiance où la basse se fait reine le temps de ressentir une tristesse prenant aux tripes.
"Stratosphere", quant à lui, habité par une schizophrénie entre technique démonstrative (non dénuée de stérilité et de prétention) et douceur acoustique, semble être le seul faux pas d’un album qui frisait alors de très près une perfection non pas d’originalité mais de maîtrise et de brio.
Car "
Episode" n’est en rien révolutionnaire, non, il ne fait que rendre plus riche un style qui commençait malheureusement à se couvrir de poussière. Il est ce genre d’album qui pousse l’exigence du genre un peu plus loin, qui place un groupe en position de leader et qui fait figure d’incontournable dans un metal mélodique souffrant de clichés en tous genres.
Aussi sensible que puissant, "
Episode" fut un premier pas décisif dans la carrière des Finlandais. Un line-up encore stable qui allait parcourir le monde entier, entrer dans une période faste de composition et de succès tous plus importants à mesure que le temps avance, jusqu’à cet inévitable blackout plongeant le monde du speed mélodique dans une situation des plus inconfortables, celle de se retrouver orphelin de l’aîné de ses fils.
Un énorme merci à toi, autant pour les remerciements que ce que tu évoques dans le pour et le contre de la chronique. Un immense merci, sincèrement...
Pour Destiny, c'est aussi simple que ça, je ne le possède pas en cd. Je le connais mais je tiens à l'avoir pour réellement l'appréhender...:)
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