Peut-il exister un endroit beaucoup plus froid et sombre que les enfers ? Un endroit imprégné d’une peur abandonnique ou vous serez livré aux interrogations sur les faits ou les images qui vous paraissent alors si futiles dans votre vie « normale » et dans son cadre si sécurisant ?
Quelle étrange sensation de participer à ce voyage, que vous avez pourtant initié de manière totalement innocente jusqu’à présent, sans vous douter de rien. Vous allez bientôt jeter un œil beaucoup plus critique sur l’autre réalité de votre quotidien et sur toutes ces choses qui paraissent si anodines que nous ne les remarquons même plus...Elles auront pour vous désormais une nouvelle signification.
Cette salle de torture existe bel et bien, tout droit issue de l’esprit fécond du fondateur d’
Ulver, kristoffer Rygg. L’homme a progressivement délaissé son black metal originel pour se tourner vers une musique pour le moins avant-gardiste, mélange de plusieurs styles n’ayant pas toujours de lien avec le
Metal, mais peu importe tant que le règne de l’obscurité prime…
Comme son nom l’indique, le "
Live In Norwegian National Opera" (faisant suite au "
War Of Roses") est un nouveau témoignage immortalisant la musique sombre de laquelle le bonheur semble définitivement banni, mais cette fois-ci avec l’apport de l’image. Les 17 œuvres qui composent ce live sont pour la plupart issues des oeuvres inaugurées par le saisissant "Themes From William
Blake’s..." dont le style dark ambiant se détachait clairement de la discographie antérieure.
Pouvoir créer une trame visuelle représentant les concepts de compositions si différentes les unes des autres n’a pas dû être chose aisée, car Garm évolue dans un univers qui lui est propre. Une fenêtre, si petite soit-elle, est déjà un accès à sa vision si particulière de la vie, image que chacun peut d’ailleurs interpréter...
La pochette ressemble à un faire part qui vous entraînera dans un pèlerinage dans lequel se mêle souffrance et désespoir. Il est sûr que ce voyage ne vous laissera pas indemne, surtout si vous avez été touché par l’atmosphère si particulière et sombre des précédentes réalisations du groupe. L’essentiel est d’apporter une émotion supplémentaire par l’image, intriquée dans la complexité musicale et conceptuelle.
Le début du voyage vers cette souffrance se fait avec ce pendu immobile, offert au regard de l’auditoire. Cette fin de vie prématurée et choisie a donc la lourde tâche d’introduire ce live, accompagnée en mode mineure par l’insaisissable sonate "The
Moon Piece". De nombreuses interludes musicales viennent ponctuer ce live, "Little Blue Bird" ou encore "Excerpts Of
Silence" s'avèrent nécessaires pour plonger l'auditeur dans l’atmosphère parfois si malsaine des albums studio.
"Eos" et "Let The
Children Go" issus de l’excellent "
Shadows of the Sun" se succèdent, renforçant cette atmosphère solennelle proche du deuil...celui qui est parti ne souffrira plus...A l'inverse de ceux qui restent. Les titres s’enchaînent, extravagants, capables de passer du sexe à la religion, du tangible à l’aliénation, de la vie au trépas, du Trip-Hop à l’Ambient dans la souffrance la plus inconcevable, mais finalement si logique .
Jamais un live n’aura été aussi fidèle aux compositions d’origine, et n’aura eu un tel impact par sa portée et son homogénéité. On ne tombe pas un seul instant dans l’ennui, obnubilé par l’image et par le débordement émotionnel qui nous envahit.
Comme nous naissons seuls et mourrons seuls, les oppressant "In the
Red" et "Operator" font place aux magnifiques "
Funebre" et "A
Cold Kiss" . L’apaisant "The Leg Cutting
Piece" vous laissera devant une terrible interrogation complexe et cathartique, renvoyant à la culpabilité humaine.
La qualité du son et le talent des artistes présents sur ce live subliment les compositions de Garm pour un album
Live sans défaut. La qualité de l’image se devait d’être parfaite pour rendre limpide cette atmosphère pourtant si sombre. Les films projetés sur l'écran se suivent et illustrent cette musique particulière, offrant une prise de vue totale au moment opportun. On aurait aimé avoir à certains moments une vue plus générale de la scène, parfois pudiquement omise, afin de mettre en valeur les prouesses des musiciens lors des instrumentaux. Le public se fait discret durant cette expérience unique et hypnotique, admiratif devant cette véritable performance qui lui est offerte et qu'il reconnaîtra à sa juste valeur par une standing-ovation finale.
A éviter pour les âmes trop sensibles ou trop peu ouvertes à l’exploration musicale. Recommandés à ceux qui possèdent les albums antérieurs et qui souhaitent aller plus loin dans cet univers sombre. Indispensable pour les autres qui ne connaîtraient pas le génie de Garm et douteraient que l’éclectisme musical puisse servir la cause la plus sombre.
Et vous, quel sorte d’animal êtes-vous ?
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