Avant de m'atteler à une sorte d'analyse de ce disque et sans m'y attarder, je souhaite faire un petit aparté pour insister sur la notion de réceptivité dans le monde du 4ème art. Vous pouvez ne pas être conquis du tout par la musique d'
Ulver, insensibles, hermétiques à leur style, parce que l'ambiant quoi qu'on en dise n'est pas mainstream. Est ce que pour autant ça rend leurs productions mauvaises? Non. Juste moins populaires ou médiatisées, mais cela n'enlève rien à la qualité de leurs travaux. Et cela , je ne vous apprends rien, s'applique à l'ensemble de l'univers musical quel qu'il soit. La musique est sensitive, vous touche ou non au fil des mélodies qui vous traversent, vous parle et vous affecte, car elle est vecteur d'émotions et propre à l'action, l’inhibition, l'introspection et à bien d'autres choses...
En ce sens et par avance, je ne saurais décrire les qualités objectives de ce disque d'ambiant, et ce n'est pas mon but parce que l’expérience que vous vivrez pendant l'écoute sera différente de la mienne car purement personnelle, et je crois que cela a toujours été le but des scandinaves lorsqu'ils ont composé ce chef d'oeuvre.
Absolument pas black (sans déconner) et assez loin de ce à quoi j'étais habitué avec
Perdition City, selon moi le meilleur d'ulver à ce jour,
The Assassination of Julius Caesar est d'avis personnel parfaitement équilibré, on est toujours sur un disque à dominante ambiant, mais ce coté rétro dans les utilisations du clavier et des rythmes lui donne incontestablement une note de groove qui me fait souvent penser à Killing joke ou Depeche Mode dans une certaine mesure.Lorsque vous écouterez les deux premiers titres, c'est à dire Les 15 premières minutes qui vous mettront directement dans le ton, vous comprendrez alors de quoi je parle.
C'est justement Nemoralia qui ouvre le bal. Basse sismique, très présente, presque lourde, pour appuyez un tempo lent, que vient sublimer la voix de Garm et quelques cœurs légers bien amenés. Une même idée m'est venue lors de l'écoute de Rolling
Stone, et surtout après une première étude des paroles. Ces deux premiers titres dégagent une forme de sensualité , voire d'érotisme. Sans doute est-ce l'utilisation presque old school des claviers, le travail excellent effectué sur les chœurs, et bien entendu les lyrics qui renforcent cette sensation. Certains passages donnent l'impression d'appartenir à la bande originale d'un vieux film des 80', et ça a son effet, croyez moi.
So
Fall The World est le joyau du disque, un très bon exemple de ce que j'essaie de décrire plus bas. Intro et Outro au piano. D'une mélancolie et d'une grandeur grave et désespérées à toute épreuve qui peuvent facilement vous tirer les larmes si vous êtes dans une période sombre ou délicate de votre vie. Est ce le but ? Qui sait...
Fous que nous sommes, en tant qu'amateurs d'ambiant, n'est ce pas implicitement ce que nous recherchons lorsque nous attelons à l'écoute d'un nouvel album ? Tempo lent au gout d’inévitable et paroles aux airs de fin du monde, faisant certainement un parallèle entre la chute de l'empire romain et les chutes répétées des empires suivants, ce morceau est un parfait représentant du concept qu'ont je pense voulu imprimer les Norvégiens dans leur disque. On le retrouve dans plusieurs titres.
Ici tout est affaire de choix, de contraste dans les ambiances, les breaks (appelons ça des breaks) et l’enchaînement des morceaux. Tantôt mélancoliques et grandioses, tantôt rythmés et catchy. Et tout le charme du disque est là.
Aucun morceau instrumental, et une moyenne un peu plus basse en ce qui concerne leur longueur. Chaque titre recèle son lot d'inattendu. Ils sont pour la plupart partagés en deux parties, que l'on distingue suite à une sorte de surprise à mi chemin, une cassure qui donne un effet tout particulier en laissant la suite exploser entre vos oreilles. C'est plus ou moins brutal mais maîtrisé, et vous êtes en alerte, momentanément plus réceptifs et concentrés. Puis doucement cette cassure donne lieu à un changement de rythme, presque un changement de titre. La mélodie n'est plus la même, mais ça n'en reste pas moins cohérent. Vous vous y habituez et vous retombez doucement, bercés et contemplatifs.
En ce sens la construction des compositions est assez similaires à ce quoi j'étais habitué à l'écoute des précédents albums. C'est à dire des ambiances plutôt longues à s'installer qui captent doucement l'oreille de l'auditeur pour qu'il se laisse porter sans être trop attentif, et soudain un break qui éveille les sens. C'est exactement l'effet qui est produit lors des nombreuses écoutes de ce disque.
Il agit comme un accompagnement à la réflexion et l'introspection.Le traduire de façon imagée m'est malheureusement impossible, la musique d'
Ulver agit par impulsions, par vagues, elle veut vous maintenir éveillé avec ses petites piqûres de rappel mentionnées plus haut, mais n'en reste pas moins une invitation à votre propre voyage. elle est de l'or auditif qui fait plonger plus profond dans l'abîme ou voler vers la lumière. Les tempos sont souvent lents, la batterie discrète et lancinante (1969, Coming
Home), la basse sismique et les voix rappellent par fragment
Katatonia. Le tout amplifie tout simplement l'état dans lequel vous êtes et vous accompagne dans votre voyage intérieur.
Pour vous guidez dans ce tourbillon de sensations, sachez juste que cet effet a été particulièrement marqué en ce qui me concerne sur Les titres So falls The World, 1969 et Coming
Home.
Seul Angelus Norvus reste en dessous du reste selon moi. Ce titre ne transmet pas la même émotion, et/ou est mal placé dans la tracklist , et m'a tout simplement cassé dans mon élan. D'avis personnel trop lent ou aseptisé, peut être aurait il été plus judicieux de le placer en fin de disque. Tout ça est très subjectif évidemment...
Prenez le temps de l'écoute, car
The Assassination of Julius Caesar est comme une suite de vagues sur lesquelles on flotte, sur lesquelles on monte petit à petit avant de redescendre de manière plus ou moins agressive, qui parfois cassent et nous emportent avec elles, puis nous laissent à nouveau flotter doucement jusqu'à la prochaine. Si vous aimez les titres plutôt longs ou l'essence se dévoile lentement, les mélodies et nappes propres à l'introspection voire à la méditation, vous serez séduits par ce disque.
The Assassination of Julius Caesar est un magnifique album de contraste par ses choix esthétiques et l'enchaînement de titres courts et intenses, maîtrisés, équilibrés et indéniablement rétros. Par certains aspects mélancoliques et poétiques à souhait, il est tout simplement grandiose. J'espère qu'il aura sur vous l'impact énorme qu'il a eu, et a encore sur moi. Ce sont 45 minutes de nectar dont je me délecte encore.
Il y a 11 ans , lorsque j'ai découvert
Ulver via la trilogie Black, je me serais sans doute formidablement ennuyé, oui, il y a 11 ans.
Mais aujourd'hui il va prendre un 18/20 Bien tassé, et mérité, point.
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