Alors que tant de formations se raccrochent souvent sans espoir à la corde de la tendance et se cherchent sans jamais se trouver,
Ulver, ces norvégiens polymorphes fonctionnent comme un caméléon.
Régulièrement capables d'entièrement réévaluer leur formule, au point de faire apparaître un nouvel ovni dans leur discographie à presque à chaque tour. Folklore local réarrangé, black metal à la scandinave le plus lo-fi, expérimentations nocturnes d'électro et de psychédélisme aux atmsophères jazzy fumeuses, ... Jusqu'à
Perdition City, Garm, tête pensante et seul membre omniprésent, pond un quasi sans faute, en excluant ses rares et anecdotiques cafouillages lestés par le changement perpétuel.
Puis il y eut
Blood Inside. Et à partir de là,
Ulver a cessé de tourner les potards. Sans pour autant tomber dans la redite et non sans surprises, le vol restait stationnaire. Sortie suivante,
Shadow of the Sun, petite césure de label et de moyens, grande fracture d'ambiance. Un disque aussi posé, aussi solennel, contrastant avec un
Ulver que l'on n'aurait pu connaître sans ses fréquentes hautes tensions. Malgré son climat très réussi, apparaissait étrangement une timide silhouette de testament, et cet étalage de soie confortable prenait les airs d'un souffle après la colère. Celui sous-entendant que le sac est vide, qu'il n'y a plus rien à dire, avec une sorte de profond soulagement à la clé...
...et ce
War of the Roses sort ce début d'année. Et hop ! Nouveau changement de label, go chez les atmo-progueux de Kscope. Et cela tombe très bien, tout juste à la bonne case. Parfaitement actuel dans le cercle des musique expérimentales, progressives et ambiantes, d'une forme finalement très proche de
Shadow of the Sun. On croit revivre ici l'apparition d'éléments appartenant plus au rock, comme sur February XXV à la volonté plus directe et franche, pourtant baignés de cette semi-torpeur qui habitait le précédent... et étrangement doucereux, ce malgré cette distortion insistant sur les temps forts. Ces quelques relents revival rock propret, un léger retour d'un
Perdition City qui aurait troqué son venin contre de la discipline, un registre mélodique épuré et assoupli...
War of the Roses est un album mature d'un groupe mature. A l'apparence plus sombre et pourtant,
War of the Roses rassure, susurre et murmure comme son aîné. A la différence que certains atouts passés se sont dissouts.
Finalement,
Shadows of the Sun aura été un pont salvateur pour le groupe, juste le temps d'un album. La répétition de ce genre de créations peut s'avérer pénible. Et la juxtaposition de sérénité et milieu tourmenté étant difficile, voire quasi impossible,
Ulver fait peut être bien d'en privilégier un élément. Sauf que le tout a pris une allure étonnamment frigide. Et par là, n'allez pas accuser l'ambiance, il s'agit bien plus de contenu pur et simple. Les tournures plus vivaces tentent de sauver le groupe de sa noyade dans une mélasse popisante sur September IV, mais le punch ou même les tripes en sont absentes, le chant clair de Garm manque de piment, les lenteurs désuètes se multiplient sur Norwegian
Gothic ou Islands et atteignant leur point culminant sur
Stone Angels durant lequel il ne se passe pas grand chose, hormis ce long texte narratif suivi par ces amas sonores ambiant bizarrement éparses et décidément trop duveteux. Et un cachet pour la trois...
Oh bien entendu, j'en oublie le progressif
Providence et sa superbe ascension batterie-basse-guitare, ce retour du sax l'élevant encore plus haut. J'en oublie certaines recherches émotionnelles parfois non trop éloignées d'un
Coil qui aurait un peu pris de stress Neurosisien, le tout baigné dans un mix ronronnant à la couleur mate plutôt introspectif et de créations sonores toujours très touffues. Bien entendu, pris comme il est, cet album est bon.
Mais puisque c'est
Ulver et que la comparaison avec le passé s'avère inévitable,
War of the Roses souffre des exploits antérieurs de son géniteur, allant parfois même jusqu'à procurer l'idée d'un pilotage automatique et d'une prétention musicale vouée à la stagnation.
Quand la maturité artistique prend le pas sur la folie et l'ambition... il vaut mieux rester frais et fougueux. Mission souvent impossible, malheureusement.
Un bon album je trouve (genre 15-16), et malgré Stone Angel, même si la volonté artistique est louable (mettre un poème en chanson, un redite du Mariage of heaven an hell), j'ai souvent tendance à zapper ce morceau vraiment trop long.
Par ailleurs le chant (clair) de Garm m'a toujours un peu gêné (comme un peu trop policé/lissé et manquant de quelque chose). Mais j'aime les groupes qui se fixent pas de limites (tiens la j'écoute "September IV" et ça m'a l'air déjà plus conséquent musicalement, haha !
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