Les années 80 furent une décennie ayant vu naître moult légendes du métal. Le thrash, suant la hargne et la bière y grandit et connut alors ses lettres de noblesse. Ses riffs fulminants, ses tempos endiablés, ses soli variés et acérés furent comme des porte-voix insoumis aux contradictions d’une époque, aux incohérences d’un monde poussant toujours plus l’inhumanité au rang de valeur de société et prônant l’indifférence comme mode de vie. Le métal, dont le thrash fut alors une ode à la liberté de pensée, une façon de pouvoir s’écrier «Non! » aux mutations perverses de l’homme «Je résiste, donc je suis!». La musique extrême en réponse à un mal-être extrême…
Exodus est un représentant inoxydable du thrash old-school depuis les années 80. Légèrement en retrait par rapport aux «big four» du style, bien que n’ayant pas été favorisé par de multiples changements de line-up, split et reformations en tout genre, le combo a su produire des offrandes qui marqueront à jamais le monde du métal. On se souviendra bien entendu éternellement du fameux «
Bonded by Blood» de 1985 auquel la plupart des autres albums seront comparés à tort ou à raison, ou plus récemment «
The Atrocity Exhibit A» en 2007 qui avait laissé les nuques contracturées, les tympans flattés par un renouveau dans le style musical du groupe et une impression plus que positive.
On attendait donc des cinq californiens une nouvelle galette digne de la précédente, une «face B» en quelque sorte qui laisserait définitivement une marque indélébile dans nos cœurs de guerriers sensibilisés à la fureur musicale élevée au rang d’art. A la première écoute on peut affirmer que c’est mission accomplie!
Depuis l’intégration au groupe de l’excellent Lee Altus à la guitare et du frontman Rob Dukes en 2005,
Exodus est sur une pente ascendante, produisant un thrash-métal de haute volée alliant fougue et violence de chaque instant à une musicalité recherchée, teintée de progressif. Au niveau de la structure même de l’album et du son, on peut dire que «Exhibit B : The
Human Condition» propose un mur de décibels hargneux et rude! Cette nouvelle galette dévaste nos tympans aux abois et risque sérieusement de perturber les relations de bon voisinage.
Le renouveau y perd sans doute ce que la valeur sûre y gagne et c’est sans doute la première impression qui se dégage lors des premiers tours de disque dans le lecteur. En quelque sorte, c’est exactement comme si ce nouvel opus constituait la deuxième partie d’une œuvre musicale plus ambitieuse. L’artwork de la pochette abonde d’ailleurs en ce sens en arborant un «squelette de Vitruve» au sein d’un pentagramme inversé dont les couleurs, le thème et le dessin assurent une certaine continuité avec Exhibit A. Ce dernier détient entre ses phalanges osseuses une sélection triée sur le volet des multiples outils de communication modernes utilisés par nos contemporains: armes à feu, textes sacrés, explosifs, machette… La musique, homogène et carrée sert parfaitement d’écrin à des textes percutants, sermonnés avec conviction par un Rob en verve.
A ce propos, Gary Holt, membre fondateur du groupe, justifie les thèmes choisis dans les textes (société de consommation, culte de la célébrité, télé-réalité…) par les mots ci-après : «La violence, l’ignorance et l’arrogance: voilà les domaines dans lesquels nous sommes les meilleurs. La race humaine ne cessera jamais de nous inspirer!»
La première claque : « The
Ballad of Leonard
And Charles », après une introduction acoustique empreinte de mélancolie, reprends les accords d’adieu de la dernière chanson du disque précédent, (
Bedlam 1-2-3), avec la même fureur contenue afin de créer le liant entre les deux albums.
S’en suit alors une curée musicale ininterrompue de plus de 75 minutes de fureur et de rage teintée d’inspiration virtuose. Sur ce premier camouflet musical, les riffs poussent à sauter dans tous les sens et à se luxer les cervicales. Ouf! Nos vétérans de la Bay
Area n’ont rien perdu de leur fougue même après environ 30 ans de carrière! Les breaks sont dévastateurs, propices à laisser la basse, idéalement mise en valeur, claquer ses notes furieuses et métalliques. Ainsi assommés on ne peut que se donner en pâture aux soli nous entraînant vers des sommets de technique, propres à écœurer plus d’un amateur, sans pour autant perdre en cohérence et en spontanéité jouissive.
La sentence se reproduit à l’identique sur «
Beyond The
Pale». Les deux gratteux nous assomment de breaks, de changement de mesures, de mélodies ponctuant des riffs bulldozer régulièrement changeants et renaissants, sans perte de souffle… La section rythmique de Tom Hunting et
Jack Gibson soutient l’ensemble sans jamais disparaître dans l’anonymat grâce à une production idyllique signée une nouvelle fois par Andy Sneap (
Arch Enemy,
Kreator,
Megadeth...) proposant un son résolument moderne sans pour autant être aseptisé.
Les titres plus courts comme «
Hammer and Life» et sa basse menaçante en introduction ou encore «
Burn Hollywood,
Burn» et «A
Perpetual State of Indifference» sont plus directs et risque d'épuiser les nuques les plus solides!
D’autres sont par ailleurs plus taillés pour la scène comme le très heavy «Downfall» pouvant être repris en chœur par le public lors du break intermédiaire. Dans la même veine «March of The Sycophants» et son refrain accrocheur n’aura aucune difficulté à faire remuer et «headbanguer» les ours dans la fosse tout en pointant du doigt les délires des «soldats de Dieu»…
Ces pistes plus concises côtoient de nombreuses odes fleuves, copieuses (environ 7 minutes en moyenne) et alambiquées, soulignant le côté progressif des compositions, comme la lancinante et sauvage «Class Dismissed (a
Hate Primer)» dénonçant en amplifiant les conséquences de l’indifférence et de l’exclusion.
Dans un mid-tempo plus lourd et lugubre «Nanking» évoque avec talent de son côté les massacres perpétrés par les militaires japonais sur des civils chinois en 1937. On retrouvera également avec plaisir sur la géniale «The Sun is My
Destroyer» un pont posé et bluesy entre les parties plus rapides ainsi que la participation de l’excellent Peter Tagtgren (
Hypocrisy,
Pain) en guest aux back vocals. Celui-ci vient apporter de l’épaisseur au chant de Rob Dukes pour notre plus grand plaisir.
On notera également sur «Democide» et son mid-tempo une capacité plaisante à sacrifier la vitesse d’exécution au profit d’une recherche musicale accentuée. Le titre sans doute le plus «doux» de la galette, est ponctué d’un break aux notes légèrement arabisantes, et de soli d’excellentes factures. Enfin comme une ultime claque avant la clôture de rideau, «Good Riddance» est, à l’instar du titre bonus, une déferlante de gros son, tel un rouleau compresseur pour achever en une apothéose de décibels et d’énergie nos tympans déjà imbibés de ce thrash californien éprouvant, mais ô combien dépoussiérant !
Si je devais personnellement formuler une réserve au sujet de l’album j’évoquerai la parfaite homogénéité de l’ensemble ainsi que l’éventuel excès de longueur de l’œuvre. En effet, même après plusieurs écoutes, il est difficile de trouver un titre qui se démarque indubitablement des autres, tant ils ont tous les mêmes qualités intrinsèques et il faudra sans doute plusieurs écoutes attentives pour déceler toutes les subtilités de l’ensemble.
On aurait tort de penser alors que les deux albums sont similaires et risquent de lasser l’auditeur par un ennui de répétition. Il n’en est rien!
Plus sombre et plus direct The
Human Condition est la confirmation du renouveau initié sur l’œuvre précédente et livre ici un délicieux parfum d’apogée. Ecrite par des adultes, se qualifiant eux même d’immatures la musique d’
Exodus ici livrée, témoignage de leur longue expérience, prouve que les années n’auront en rien atténué l’ardeur de leur flamme !
Thrash’em All !
17/20
(Un énorme merci à Chrisalice pour sa participation à l’élaboration de cette chronique! ^^)
Bonjour, Je trouve personnellement que Souza est excellent dans l'album "Tempo of the Damned". Pour ma part, je trouve que cet album "The Human Condition" est vraiment excellent. Bref, j'aime vraiment Tous les album d'Exodus (Force of Habit aussi).
Ce Exhibit B est un sacré pavé, plus d'une heur de thrash metal tout comme Exhibit A, il s'octroie même 10min de plus. Très belle suite, je le trouve un cran au-dessus du précédent. Comme si il y a avait plus de liberté, je ressens un Exodus sans réelle limite si ce n'est du faire du thrash metal. Ce qui est assez fou dans cet album, c'est que tout est bon ! Pour une telle durée, c'est rare ! L'opus aurait pu finir ou même devrait finir avec l'excellente "Good Riddance", mais je ne sais pourquoi "Devil's Teeth" est là, un peu comme une bonus track. Si elle est tout à fait correcte, elle n'apporte rien à l'album déjà bien conséquent. 15/20
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