Il peut être amusant, parfois, de mesurer les écarts qui séparent une époque révolue à une autre plus contemporaine. Le temps aidant, certains poncifs obligatoires, à l'aune de cette comparaison, deviennent alors totalement désuets, au plus grand déplaisir, d'ailleurs, de certains conservateurs acharnés. Le paysage artistique s'en retrouve ainsi totalement bouleversé et certains de ceux qui autrefois défendaient avec acharnement et intégrité toutes les spécificités d'un art qui, du moins le croyaient-ils, était impérissable, défendent, parfois, aujourd'hui avec une probité et une foi toute aussi intacte les caractéristiques d'un autre qui, du moins le croient-ils toujours, est au moins aussi éternel. Cette hypothèse de travail est, certes, caricaturale et, à vrai dire, peu de groupes, malgré des évolutions parfois saisissantes, sont coupables de telles révolutions. Néanmoins, l'idée de départ qui consiste à confronter une époque à une autre, et donc certaines œuvres d'antan à certaines autres plus contemporaines, demeure intéressante. Et ce d'autant plus si ces divers manifestes sont les travaux d'un seul et même groupe.
Evoquons donc
Kamelot. Aujourd'hui le groupe est adulé comme l'un des défenseurs les plus illustres d'un Heavy
Power Metal souvent inspiré et efficace. Mais qui se souvient encore de ce premier véritable album,
Eternity, sorti en 1995, si ce n'est votre modeste serviteur?
En premier lieu, abordons cette œuvre par son défaut le plus ennuyeux. Parlons en effet, tout de suite, de ce travail de mixage. Loin d'accorder à ce
Eternity une intensité soutenue, ce traitement sonore lui confère une certaine platitude qui fait perdre à cette musique un peu de son caractère. Entendons-nous bien, nous sommes ici, bien évidemment, suffisamment loin de l'indigence consentie de certaines œuvres au minimalisme voulu d'autres mouvance plus extrêmes et suffisamment aussi de certains autres albums dans un genre similaire mais aux moyens plus modestes. Ici donc point de bruissement assourdissant, crépitant et indigent indispensables au Black
Metal, et point, non plus, de déséquilibres dans lesquels se perdent parfois les instruments passablement absents de certaines symphonies
Power Metal. Non, juste une légère faiblesse rendant cet album, d'emblée, moins passionnant.
Passons, ensuite, au chapitre de ces déconvenues, de ce chanteur, Mark Vanderbilt. Manquant de puissance et de coffre, l'homme s'égare, parfois, de surcroît, dans certains aigus au lyrisme agaçant dans lesquels il ne parvient pas totalement à maîtriser sa voix. Encore une fois, nous sommes ici bien loin d'un désastre insupportable, mais cette imperfection déplaisante, une fois encore, amoindrit un ensemble qui, pourtant, au demeurant, pouvait sembler nettement plus attachant.
S'agissant, plus particulièrement, du contenu de l'œuvre, nous avons à faire ici à un Heavy
Metal épique qui, outre les vices déjà évoqués, n'a rien de scandaleusement méprisable. Bien au contraire, certains titres sont même très enthousiasmants, pour peu que l'on puisse faire fi de ce chanteur et de cette production, et ainsi, par exemple, Black
Tower, Call of the Sea,
Red Sands et ses refrains aux changements de rythme intéressants, mais aussi One of the
Haunted, demeurent très encourageant.
Eternity est donc un premier album au concept ambitieux, mais qui manque encore cruellement de cette grandiloquence propre à cette ambition. Il aurait incontestablement fallu donner plus d'ampleur à ce son, plus d'emphase à des chœurs quasiment absents de tous refrains, plus d'affectation dramatique à ces quelques rares interventions symphoniques brèves ou encore plus de puissance et moins de lyrisme affecté à ces chants pour rendre cet opus plus captivant.
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