Un ennui mortel qui s'installe petit à petit et vous fouraille les entrailles
Puis rien.
Le vide.
Le néant absolu qui gangrène le cœur et annihile votre esprit.
Et enfin l'incompréhension.
Ce sont quelques uns des sentiments qui s'imposèrent à moi à l'écoute de ce
Ghost Opera.
Pourtant, je me targue d'être un amateur éclairé de
Kamelot que je suis fidèlement depuis
The Fourth Legacy.
Il faut dire que le combo a su développer des arguments propres à séduire au fil du temps nombre de metalheads. En effet, il œuvre dans un power mélodique racé, fin, gorgé de feeling et d'arrangements classieux, doté d'une production aux petits oignons bricolée par la fidèle paire Sacha Paeth/Miro. L'ensemble est saupoudré d'une bonne dose de mélancolie toute triste mais n'oublie jamais d'inclure des accélérations du tempo salvatrices qui évitent à la musique de sombrer dans le pathos. De l'hymne speed à la ballade, en passant par le mid-tempo puissant et efficace au refrain fédérateur, le groupe est capable d'exceller dans tous les compartiments du jeu.
De plus,
Kamelot est composé de musiciens d'un niveau remarquable, avec, comme figures de proue de cet ensemble, l'excellent Roy Khan doté d'un organe vocal majestueux et profond et Thomas Youngblood bretteur sous-estimé.
Travailleur, consciencieux, le groupe a su proposer de succulentes galettes, travaillées, ciselées, apportant sans coup férir son lot de plaisir. Il n'a jamais cessé de progresser et de rassembler de plus en plus d'aficionados sous sa bannière. Black
Halo représentait d'ailleurs le point d'orgue tant commercial qu'artistique d'une discographie féconde. C'est dire si ce
Ghost Opera était attendu par beaucoup.
Après une introduction trustée par un violon pleurnicheur qui installe une atmosphère mélancolique, l'album commence plutôt bien avec un "Rule The World" ambiancé et joliment arrangé puis un "
Ghost Opera" majestueux et puissant. Sans être orgasmique, cette entame est des plus sympathiques. Mais cela ne va pas durer. A mes yeux, cela va même dangereusement s'apparenter à de la chute libre dès le troisième titre pour ne presque plus jamais redécoller, sauf l'espace de quelques fugitifs instants bien trop rares.
Plusieurs faits sautent aux oreilles. Tout d'abord, la production est ultra léchée. Trop peut-être. Cela sonne surproduit. L'attention du groupe s'est focalisée sur l'atmosphère, souvent lente, « spleenesque » au possible. Bien sûr, ce côté limite maniaco-dépressif a toujours été présent par le passé mais il était constamment contrebalancé par des chansons au rythme plus enlevé. Or, plus le temps passe et moins le groupe semble affectionner les tempi rapide. Ici, ils n'ont quasiment plus le droit de cité.
Seul le refrain de "
Silence Of
The Darkness" rappellera aux nostalgiques les cavalcades d'antan, quand
Kamelot était encore capable de fougue.
Aujourd'hui, le groupe préfère les tempi lents ou les mid-tempi. Du coup, l'album perd en variété et apparaît bien monolithique. De plus, on a même l'étrange mais persistante impression que certains titres se ressemblent beaucoup. Ce sentiment est accentué par une structure musicale commune à tous les titres, structure qui est d'ailleurs pour le moins basique. Cela peut lasser. Éventuellement.
En plus de cette atmosphère sponsorisée par Kleenex, le groupe s'est focalisé sur les arrangements. Sur le décorum en somme. Et il a mis les moyens. Il y a de l'orchestration partout, des bruitages, des chœurs, cela « violonne » à tout va. Cependant, accaparé par ce travail pointilleux sur l'emballage,
Kamelot semble avoir oublié quelques règles de base au passage : les mélodies sont moins marquantes que par le passé, les refrains fédérateurs se raréfient, le travail de la guitare rythmique se révèle d'une magnifique platitude. Seuls les soli restent de bonne qualité sans être transcendants. Enfin, Roy Kahn chante encore remarquablement bien mais il porte à bout de langue un ensemble que certains pourront trouver bien creux.
D'une manière générale, ceux qui n'adhéreront pas à cette ambiance baudelérienne voulue par le quintet enrobée d'une orchestration omniprésente mais pompeuse risquent fort de s'ennuyer prodigieusement.
L'album n'est pas forcément mauvais en soi. Certains y trouveront leur compte. Tant mieux. Sauf que la direction prise ne conviendra pas à tous les fans. Comme elle ne me convient pas.
Kamelot et moi, c'est un peu comme la fin de certaines histoires d'amour. Un jour on se réveille à côté de sa moitié et on s'aperçoit qu'on ne comprend plus l'autre. Chacun a évolué dans une direction différente, emportant avec lui les sentiments passionnés du début. L'incompréhension gagne, le silence s'installe. Puis le vide. Alors, gênés, déçus, on finit par se quitter.
So long et sans rancune. Peut-être qu'un jour, au détour d'un chemin, nous nous retrouverons. Peut-être...
Ce genre de chansons semble te rebuter bien souvent, comme avec les titres speed sur le Reckoning Night de Sonata... Moi je les trouve justement fort bien sentis. D'un autre côté j'admets que ce sont en fait tous des morceaux relativement ''calmes'', ce qui est un peu paradoxal par rapport à l'utilisation de la double pédale. Ce ne sont pas les folles cavalcades speed au sens traditionnel du terme, comme on en trouve chez Stratovarius par exemple, c'est peut être ce qui te choque.
Sinon du point de vue émotions, Ghost Opera nous gâte effectivement. Superbe album, chronique honorable.
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