Développer sa musique, affiner son art, c’est ainsi qu’auront muri la musique et le concept de
Kamelot, notamment depuis l’intégration de Roy Khan, ayant véritablement catapulté le groupe vers les plus hautes sphères du metal mélodique et symphonique.
"
Karma" avait laissé entrapercevoir un potentiel incroyable, et "
Epica" en 2002 avait confirmé un mouvement :
Kamelot était bien différent de la masse insondable des groupes à tendance symphonique. En évitant intelligemment la surenchère orchestrale, et en explorant des contrées romantiques (dans le sens littéraire du terme), les Américains et leur emblématique vocaliste norvégien délivrait un metal puissant mais d’une tendresse inouïe, provoquant les sentiments les plus fins, touchant le cœur au plus profond de son être par des mélodies très travaillées et une utilisation de l’orchestre très originale et active, et non contemplative comme ça peut-être le cas chez
Rhapsody of
Fire où les symphonies évoquent plus des paysages que des émotions.
Suite conceptuelle d’"
Epica", traitant du mythe de
Faust, mais ici sous sa figure diabolique, "
The Black Halo" représente aujourd’hui le summum de la carrière speed du groupe, une maturité musicale complètement acquise et une indépendance désormais évidente.
A travers un rythme souvent effréné, les symphonies se font plus vives que par le passé et moins sombres que ce qu’elles seront à l’avenir. Elles portent vers le haut des compositions touchées par la grâce et la beauté, empreintes d’un lyrisme de toute beauté.
Soutenus par une batterie souvent implacable de Casey Grillo, les riffs de Thomas Youngblood naviguent entre l’assassin ("This
Pain", "
The Black Halo", "March of
Mephisto") et le très rapide ("Nothind
Ever Dies" évoquant
Stratovarius dans son entame), comme c’est particulièrement le cas sur l’hymne "When The Lights Are
Down", représentant manifeste d’un album aussi mélodique que rapide, effleurant parfois chimériquement quelques espaces plus extrêmes et inhabituels.
"March of
Mephisto" ouvre pourtant le disque en osant inviter le démoniaque Shagrath de
Dimmu Borgir, dans une approche symphonique relativement proche de ce que firent les Norvégiens à la sortie de "Death Cult
Armageddon". Énigmatique et songeur, le chant de Roy, magnifique, se pose sur une symphonie prenant la forme d’une croisade, avant que ne viennent noircir les vocaux d’un Shagrath passés au vocodeur (comme dans "Puritania" par exemple). Une approche ambitieuse et cinématographique se dégage du pont au piano et du solo de claviers très spatial, nous faisant voyager au gré des notes.
Ensuite, tout en gardant une très forte intégrité et personnalité, "
The Black Halo" explore différents univers, tout en restant très cohérent. Une chanson très vocale comme "The Haunting (Somewhere in Time)", très dépouillée et laissant énormément de place au chant si particulier de Roy, empli de passion et de romantisme, sortant du cœur, auquel viendra s’ajouter la grâce d’une Simone Simmons discrète mais néanmoins impériale, créée une fusion émotionnelle palpable entre les deux êtres. Il passera alors par un "This
Pain" lourd et massif, musicalement paradoxal à la production de Sascha Paeth (
Edguy,
Rhapsody,
Epica…) très fine et légère. Mêlant mélodie à un riff syncopé et redoutable, le chant du cygne de Roy se fait aérien, et semble planer au-dessus d’une musique se faisant l’exacte réplique du défilement d’émotions conté dans le mythe de
Faust, provoquant une sensation d’incertitude et de constant changement, sans jamais savoir de quoi sera fait la piste suivante. Le solo hurlant du morceau parachèvera de lui conférer une atmosphère torturée mais magique.
Presque comme une habitude chez lui, Khan dévoile des trésors d’inspiration dans l’élaboration des ses refrains, jamais niais et pourtant si beaux, si uniques et reconnaissables, à l’égal d’une recette secrète dont seul lui détient les fondements.
Le point d’orgue se situera sur le génial titre éponyme, possédant l’un des meilleurs riffs du groupe (incroyable, presque indéfinissable) et le formidable "
Memento Mori", long morceau de presque neuf minutes auquel
Kamelot ne nous habitue malheureusement que trop peu.
Très progressif dans sa structure, partant d’une ligne de piano mélancolique pour voir remplir le spectre sonore d’orchestrations classieuses et de mélodies de guitares aussi soignées que parfois too much (leurs premières interventions particulièrement, frisant le larmoyant inutile). Puis tout s’accélère, les claviers déclament une atmosphère sombre et tendue, Casey martyrise ses fûts avec bonheur.
"
Memento Mori" développe une ambiance mystérieuse, très ambitieuse, Roy multipliant les lignes de chant superposées, une intelligence d’écriture et un sens de l’arrangement transformant ce titre en une véritable merveille. Simone et Shagrath partageront un échange furtif juste avant un solo étourdissant de maîtrise, symbolisant l’union de trois vocalistes venant d’horizons si différents pour une osmose artistique presque parfaite.
On ne pourra qu’amputer à "
The Black Halo" son trop grand nombre de morceaux, s’étirant parfois en longueur, notamment lorsque les titres ont une structure similaire (
Kamelot ayant la fâcheuse tendance à abuser d’un couplet / refrain / solo typique et manquant de cette prise de risques qui les classerait définitivement parmi les grands musiciens avant-gardistes).
Mais tout ceci ne nous empêchera pas de profiter de l’un des groupes actuels les plus intéressants du genre, d’un groupe se remettant constamment en question et n’ayant jusqu’à maintenant jamais trahi des fans venant de tous les horizons. Une intégrité plus que louable par les temps qui courent…
J'ai commencé ma découverte de ce groupe par cet album,et j'ai qu'une envie,écouter les autre albums.
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