Beaucoup de groupes, dans la sphère power metal d'une manière large et plus précisément dans tout ce qui se rapproche de l'épique/symphonique (peu importe l'étiquette, vous m'aurez compris), arrivent difficilement à sortir la tête de l'océan de groupes présents, souvent le temps d'un album ou deux, puis replongent, submergés par une nouvelle vague qu'ils n'arrivent pas à saisir. Ce n'est pas le cas de
Kamelot.
Pour commencer, c'est un des rares groupes de power metal américain, qui joue du power metal européen avec autant de reconnaissance. Ils naviguent donc déjà dès le départ dans une partie de l'océan musical éloigné de leurs rivages de Floride… Et même si dans les débuts de leur carrière, on a pu leur associer une étiquette de copie d'autres groupes du même genre ayant subi alors une ascension beaucoup plus rapide, comment faire autrement ? Un groupe se doit de débuter avec les influences qui sont les siennes, et de subir le poids des géants ou prodiges du genre. Mais, au fil du temps
Kamelot s'est démarqué petit à petit en mettant de côté le côté médiéval un poil pompeux si cher aux compères de
Luca Turilli (
Rhapsody), pour jouer dans un registre misant beaucoup plus sur les émotions et mêlant quelques passages progressifs aux claques speed mélodique, accompagnées de parties symphoniques du plus bel effet. Et ça marche.
Kamelot est devenu en même pas dix ans une des icônes du genre. L'album "
Karma" de 2001 est sans doute leur premier grand succès, mais le groupe à fait du chemin depuis. Déjà dès "
The Black Halo" (2005), le groupe entame un changement de cap, avec plus de passages progressifs et des ambiances plus sombres entre autres avec la participation de Shagrath, le vocaliste de
Dimmu Borgir. Puis vient "
Ghost Opera" (2007) où le groupe vire à nouveau, cette fois-ci vers un son énormément symphonique. Et avec de la réussite s'il vous plait. Les ambiances émotionnellement sombres sont développées encore plus, aidées de ce virement symphonique.
Nous sommes donc en droit de nous demander ce que le combo nous réserve pour son nouvel album, mystérieusement nommé "
Poetry for the Poisoned", qui parait quelques mois après l'annonce du départ du bassiste Glenn Barry. Le remplaçant n'est autre que le bassiste live du groupe depuis plus d'une décennie, Sean Tibbets, pas de gros remous à prévoir de ce côté.
Mais cet album sera-t-il une surprise ou non ? Le style va-t-il encore être étoffé de nouveauté ? Voyons ça sans plus tarder.
L'album débute avec la piste "
The Great Pandemonium", déjà disponible grâce au vidéoclip mis en ligne quelques jours avant la sortie de l'album. La participation de Björn
Strid (chanteur de
Soilwork) ajoute, à ce morceau déjà très sombre, une ambiance encore plus malsaine avec ses cris se fondant parfaitement dans la musique du groupe. On ne peut s'empêcher de penser à la mythique chanson "The March of
Mephisto" avec Shagrath, mais cependant ce n'est pas une copie mais une petite sœur avec son caractère bien à elle. On découvre des vocaux de Roy Khan tantôt à demi chuchotés et tantôt "électronisés", éparpillés au milieu de ces envolées lyriques qui lui sont si chères et caractéristiques. L'exercice est plutôt bien réussi, et l'auditeur reçoit déjà un début de réponse…
Kamelot est effectivement devenu encore plus sombre, et tout au long de l'album des pistes continuent à nous replonger dans ces atmosphères oppressantes et lourdes.
Que ce soit sur "The Zodiac" avec la voix de Jon
Oliva qui rappelle étrangement les mêmes impressions que "The Toy
Master" de l'album "The Scarecrow" (2007) d'
Avantasia, ou bien encore les riffs de guitare d'une lourdeur inhabituelle pour le groupe de Thomas Youngblood mêlée à des cuivres épiques sur "Necropolis" où l'on se verrait presque déambuler dans une cité fantôme remplie de spectres inquiétants, cet album est à l'image de sa couverture vraiment sombre et mystérieux, voire étrange… Etrange avec ces passages vocaux atypiques de Roy Khan, complètement torturés par l'électronique, qui se marient parfaitement aux ambiances précitées sans pour autant envahir l'album, et tant mieux.
Mais cependant
Kamelot nous rappelle plusieurs fois que, malgré l'innovation, on écoute toujours un groupe de power metal, aussi symphonique soit-il. Les différents soli de Thomas Youngblood exécutés à la perfection sur Necropolis ou encore la pièce épique de neuf minutes du même nom que l'album en sont la preuve. Le guitariste actuellement en pleine lumière pour être celui d'
Ozzy Osbourne, et bien sûr de
Firewind, le Grec
Gus G. participe à cette claque power avec un solo magistral sur "
Hunter's Season" où l'on reconnaît instantanément sa patte mais s'intégrant parfaitement, tout comme celui de
Luca Turilli à l'époque de l'album "
Epica" (2003). Il en ferait presque de l'ombre à Thomas Youngblood...
Qu'à cela ne tienne, l'Américain n'a pas dit son dernier mot, et nous démontre avec "
Poetry for the Poisoned", une pièce de plus de neuf minutes en quatre actes, tout son talent de compositeur et sa virtuosité à la six-cordes. L'intro est superbe, un riff très efficace et des ambiances épiques à souhait avec ces cuivres impérieux, on aimerait que cela dure plus de 30 secondes ! Mais on le pardonnera, car c'est le talentueux Roy Khan qui vient nous interrompre dans notre délectation.
On alterne ensuite passages à la guitare au son très clair et léger, et des passages étouffants et rapides aux riffs pesants et orchestrations ténébreuses, pour que tout s'arrête et laisse la place à une douce mélodie au piano et un Roy Khan tout aussi duveteux. Et arrive notre rouquine préférée, Simone Simmons d'
Epica, qui ici nous montre tout ce dont elle est capable, voix angélique et apaisante comme montées en puissance superbes. Sa performance est ici autrement beaucoup plus convaincante que sur la traditionnelle ballade "made-in"
Kamelot de cet album (House on a Hill), malheureusement plutôt anecdotique au vu des performances du même type des albums précédents. On passera outre, car le poème pour les empoisonnés continue avec des passages tantôt lourds sombres et rapides, tantôt remplis d'émotions avec R. Khan et S. Simmons toujours aussi magnifiques en duo auxquels viennent s'ajouter les chœurs d'Amanda Somerville. On ne s'en lasse pas.
La tension retombe, on pense que la tempête émotionnelle est terminée. Mais ce n'était qu'un mirage, on termine l'odyssée épique avec une escalade infernale menée par la guitare de T. Youngblood qui s'était mystérieusement effacée au profit des vocaux. Décidé à en découdre, l'Américain nous sert un solo d'une majesté incroyable, pour continuer de manière tonitruante et aller se perdre dans un dernier souffle comme si le combat ultime pour son salut était terminé.
On termine béat après ce déluge composé par la virtuosité du maître à penser du groupe, et comme pour nous donner une tape réconfortante dans le dos, la dernière piste "
Once Upon a Time" est, contrairement au reste de l'album, assez positive et remplie d'espoir. Une perle de speed symphonique qui nous rappelle forcément des chansons comme "Forever" ou "
Serenade", et qui sera sans doute usée jusqu'à la moelle sur scène par le groupe.
Un album sous le signe de la nouveauté, mais pas tant que cela finalement, car reprenant et développant les ambiances sombres abordées sur les deux albums précédents, ainsi que le côté symphonique à nouveau omniprésent. Et le tout avec grâce.
Poetry for the Poisoned est aussi mêlé d'un retour aux sources pour
Kamelot, avec globalement des compositions beaucoup plus rapides et rythmées que sur le précédent album. En somme, une synthèse de tout ce que le groupe a pu nous offrir de mieux ces dix dernières années, avec cependant un bémol qui est cette voix passée à l'électronique de Roy Khan qui passe parfois moyennement, il ne faut pas trop en abuser…
Petite précision pour terminer, si vous avez l'occasion d'écouter la bonustrack des éditions japonaise et vinyle, "Thespian
Drama", jetez-vous-y les yeux fermés. C'est une pure merveille instrumentale, au cours de laquelle les claviers d'
Oliver Palotai et surtout la guitare de Thomas Youngblood s'en donnent à cœur joie, avec des soli dégringolant dans tous les sens. Le manque du chant de Roy Khan ne se fait même pas sentir ici. Et à défaut de sentir le varech, cette piste nous amène de façon sublime vers des étendues de virtuosité et de maîtrise pour clore cet album une nouvelle fois servi avec classe par un groupe dont on n'a pas fini d'entendre parler.
18/20.
Cependant, comme j'ai déjà pu le préciser, j'avais écrit cette chro' (ma première...) trop tôt disons, sous l'effet de la nouveauté. Et aujourd'hui je ne trouve plus cet album aussi bon, après plusieurs écoutes et l'épreuve du temps...
Je t'encourage donc à lire les chros d'AmonAbbath et Eternalis, si ce n'est pas déjà fait, pour avoir un tour d'horizon complet :)
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