1995, millésime en or pour le
Metal suédois.
At The Gates livre un
Slaughter Of The Soul des plus marquants,
Opeth déterre sa première
Orchid, tandis que
Dark Tranquillity nous invite dans sa somptueuse Gallery. Déjà bien pourvue en formations
Metal de haute volée et à l'influence certaine, la Suède va une nouvelle fois nous offrir un disque des plus mémorables, cette fois dans un registre très différent. Dans la droite lignée de l'annonciateur EP
None,
Destroy Erase Improve est en effet à marquer d'une pierre blanche, et permettra à
Meshuggah de se révéler aux yeux de la planète
Metal. "Finally on the map".
Le groupe a donc nettement gagné en maturité artistique depuis
Contradictions Collapse.
Exit les variations Thrash trop simples, bienvenue dans le monde de la polyrythmie.
Meshuggah s'emploie ainsi à marier avec brio structures binaires et ternaires (
Inside What's Within Behind), mesures composées ou asymétriques (comme ce couplet en 13/8 sur Soul
Burn), syncopes, contre-temps, silences... Tout y passe pour mieux brouiller les pistes.
Entre rythmiques chirurgicales déshumanisées, accords monstrueux plaqués à la sept cordes, soli en legato façon Allan Holdsworth, le niveau de technicité proposé par Thordendal et Hagström est tout bonnement bluffant. Associé à une basse grasse et profonde, ainsi qu'au jeu élégant et racé de Tomas Haake derrière les fûts, le groupe développe une créativité musicale peu commune. Tout en agressivité et en maîtrise. Jugez-en plutôt avec les conclusions aux allures free-jazz de
Inside What's Within Behind ou de Sublevels.
Outre la technique pure,
Meshuggah parvient de surcroît à retranscrire sur ce LP une atmosphère des plus froides (les scandinaves furent d'ailleurs hâtivement catalogués Indus, certaines sonorités évoquant inévitablement
Fear Factory). Ce de par le côté mécanique de l'interprétation (le classique Future
Breed Machine,
Beneath), mais aussi par des arpèges planants du plus bel effet (l'exaltant interlude
Acrid Placidity, Vanished). Des ambiances magnifiées par le travail impeccable de Daniel Bergstrand à la production.
A noter par ailleurs que le finish de Sublevels (donc de l'album), et son arpège au climat suffocant, sera intégré en 1997 à
Sol Niger Within, album du side-project
Fredrik Thordendal's Special Defects.
Quant au chant de Kidman, il demeure également dans la continuité de
None : puissant et rauque à souhait, ponctué de hurlements typés hardcore (Future
Breed Machine,
Suffer In Truth), ou parfois soutenu par les choeurs de ses comparses, façon
Contradictions Collapse (citons Vanished).
Les textes abstraits renforcent le côté psyché (rappelons que "
Meshuggah" peut se traduire par "cinglé"), de même que la pochette de Stefan Gillbald, évocatrice de trips psilocybiens.
On peut toutefois reprocher à ce deuxième full-length certains passages à la lourdeur indigeste, seule ombre à ce tableau néanmoins quasi-parfait. A trop vouloir mettre le pilonnage rythmique en avant,
Meshuggah se perd parfois dans d'interminables riffs cisaillés, comme sur Terminal Illusions. Avec pour effet néfaste d'anéantir ce groove qui donne pourtant tout son cachet au groupe.
Malgré tout,
Destroy Erase Improve pose les bases concrètes d'un genre à part entière. Math-
Metal, Math-
Core,
Metal Polyrythmique... De nombreuses étiquettes fleuriront pour qualifier ce qui sonne comme une des dernières évolutions notables d'un genre musical tout entier. Au-delà de toute considération artistique,
Destroy Erase Improve marquera indéfectiblement cette période post '95 de son empreinte, dans un
Metal alors parti s'encanailler vers d'innombrables fusions en tout genre. Une oeuvre novatrice et essentielle pour bon nombre de musiciens, qui tomberont inévitablement sous le charme du style revendiqué par le combo d'Umea. Coprofago ou
Textures en seront parmi les premières plus brillantes émules. A ce jour certainement pas les dernières.
17 / 20
Je reconnais que sans cet album, celui qui pour moi est la pierre angulaire du groupe le cultissime Catch 33ne serait pas ce qu'il est.
Le EP "None" a également toute son importance. "Humiliative" est en quelque sorte un des touts premiers morceaux math-metal.
Mais mais mais... Dans le dernier paragraphe je lis : "Coprofago ou Destroy Erase Improve en seront parmi les premières plus brillantes émules", j'avais écrit en fait "Coprofago ou Textures en seront...", c'est quoi ce bug énorme ?!
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