De l'aveu même de son chanteur emblématique, Joe Elliott, la situation actuelle d'un Business Model à la dérive, pousse certains groupes à plus ou moins abandonner l'idée de sortir un produit qui, de toute façon, ne sera pas rentable, puisque téléchargé, piraté et, n'ayons pas peur des mots, volé. Face à une industrie qui cherche un remède viable, mais qui semble de plus en plus démunie, certains artistes redeviennent donc des artisans. C'est le cas de
Def Leppard qui, pour la première fois depuis bien longtemps, à l'aube de cette année 2015, s'est retrouvé seul face à sa destinée. Sans maison de disque. Sans label. Sans soutien. Libre de tout contrat. Le groupe le plus célèbre de Sheffield aurait pu alors se contenter de tourner sur les scènes du monde entier et se satisfaire de quelques sorties
Live proposant de nouvelles versions de ces titres passés enregistrées en public agrémentées de quelques rares nouveautés. C'est d'ailleurs exactement ce qui était prévu à l'origine de ce nouvel opus qui ne devait être qu'un EP. Mais derrière chaque instrumentiste, il y a un passionné. Derrière chaque guitariste, vocaliste, bassiste ou batteur rémunéré par le système, il y a ce même guitariste, vocaliste, bassiste ou batteur qui se souvient des caves où il répétait rêvant d'offrir au monde sa vision. Son message. Avant d'être des salariés au service d'une entreprise et d'un commerce, les musiciens sont des créatifs qui se nourrissent d'idées. Des gens qui aiment écrire, composer et jouer. Cette vérité est vraie même pour
Def Leppard. L'EP de quelques titres a donc grandi et s'est mué en un album éponyme de 14 qui sort en cette année 2015, soit 7 longues années après
Songs from the Sparkle Lounge.
Let's Go est le premier morceau de ce nouvel opus. Il a le doux parfum de ce
Hysteria, auquel, soit dit en passant, Joe Elliott ne voudrait plus que son travail soit comparé, fort de ce riff le démarrant et le clôturant, nous évoquant immanquablement
Pour Some Sugar on Me et dont le refrain aurait gagné à être moins alourdi de certaines onomatopées (les fameux "oh oh oh").
Dangerous, Invincible, un Sea of Love aux couplets très énergiques, un ardent et superbe All Time High, un somptueux Broken 'N' Brokenhearted, ou encore un excellent Forever Young sont, eux aussi, construits sur l'identité forte, et reconnaissable, de ces Anglais à laquelle viennent s'ajouter les fantômes d'influences marquantes remarquablement intégrées (Lenny Kravitz, Queen, David Bowie,
Mott The Hoople, The Faces, T. Rex,
Deep Purple, Sweet...).
Def Leppard fait donc ici ce qu'il sait faire de mieux en nous proposant des pistes dont un certain nombre, pour ne pas dire la plupart, est à ranger quelque part entre
Hysteria,
Adrenalize et
Euphoria. En prenant soin, tout de même, de mettre en exergue sa facette la plus "rugueuse", la plus vive au travers, notamment, de guitares très présentes. La plus spontanée aussi. Il y a, en effet, sur ce disque, un vent de liberté qui souffle et qui se ressent.
Energized est, quant à elle, la seule dont le visage "électro-expérimental" nous ramène quelque peu à
Slang.
Il y a donc sur ce nouvel album de cette saine diversité qui caractérise le meilleur tout en assurant à l'ensemble une cohérence tenue par le caractère affirmé et connu de l'auteur.
En outre, au-delà de ces chansons certes très réussies mais pas nécessairement à même de nous conduire sur d'inattendus chemins, surtout auprès d'un public aussi aguerri que celui de ce quintette originaire de la perfide
Albion, il en est d'autres qui, au contraire, éveillent nos sens fort de leurs singularités. En d'autres termes, alors que d'aucuns pensaient
Def Leppard incapable de nous surprendre, le miracle se produit.
Man Enough est une de celles susceptible de nous étonner. Elle nous offre un beat de basse tout le long d'un morceau qui n'est pas sans nous faire songer au Another One Bites The
Dust de Queen et à son côté très groovy, mais aussi, lorsque la piste prend des atours plus gras et épais à
ZZ Top (durant le solo notamment). Il est à noter que le contraste entre ces couplets très sinueux et charmeurs et entre ces chorus aux guitares particulièrement efficaces est saisissant. Battle of my Own et ses parties acoustiques tendues très Country Rock, Bluesy, qu'un épisode plus sauvage, et électrique, vient superbement conclure, en est une autre.
Blind Faith est, quant à elle, vraiment surprenante aussi. Elle démarre sur les notes de guitares dissonantes d'un esprit Grunge atypique (on pense notamment à
Soundgarden et à son
Black Hole Sun), auxquelles viennent succéder des passages très britanniques dans lesquels, pêle-mêle, on peut entendre les Beatles, Queen mais aussi
Def Leppard, se côtoyer.
Bien évidemment
Def Leppard ne saurait être
Def Leppard sans ces mythiques ballades qui firent sa renommé. Parmi elles, on peut retrouver ici, un We Belong dont la spécificité est de nous offrir, en plus de celle de Joe Elliott, les voix de chacun des autres membres du groupe. On trouve aussi, par exemple, un Last Dance, sans doute un peu plus classique. Comme à leur habitude, les Anglais auront néanmoins eu la bonne idée de ne pas surcharger leur nouvel effort de trop de titres de ce genre-là maintenant un équilibre parfait entre leurs velléités les plus électriques et les plus romantiques.
Concernant la production de ce nouveau disque, il nous faudra dire qu'elle est particulièrement soignée. Enregistré dans des conditions particulières et avec des moyens limités, du moins pour une formation telle que
Def Leppard, le résultat est pourtant superbe. La liberté a beau être effrayante, elle a aussi ses bons côtés.
Il y avait bien longtemps que le groupe n'avait pas été aussi inspiré, impulsif et déchainé nous proposant une œuvre sur laquelle les guitares interviennent de manière incisive et pertinente. Sur laquelle on peut entendre des morceaux
Hard Rock que seul des refrains très mélodiques viennent ramener dans la sphère du
Hard FM. Sur laquelle cette fougue et cette énergie dont, à vrai dire, d'aucuns, et moi le premier, ne croyaient plus Rick Allen et ses camarades capables, nous régalent. Et à cela il faudra encore ajouter des titres plus singuliers sur lesquels nous ne nous étendrons pas davantage.
In fine, on obtient donc un album riche, attachant et pluriel mais qui pourtant ressemble trait pour trait à du
Def Leppard.
Belle surprise que ce disque à sa sortie, comme le titre de la chronique : on ne l'attendait plus. Je continue à faire tourner ce CD aujourd'hui en zappant il est vrai tout le milieu du disque, les morceaux du début et de la fin sont pour moi les meilleurs
le nouveau ne devrait pas tarder ?
7 ans après sa sortie je dois bien avouer ne jamais sortir cet album pour l'écouter.
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