La fin d’une ère…
La déchéance des rois. Pionniers dans une matière, précurseurs d’un nouveau monde, d’un terrain d’expérimentation alors quasi vierge, les dominateurs norvégiens, réunis sous la bannière maléfique de l’énigmatique patronyme
Dimmu Borgir, possédaient une mainmise totale sur l’ensemble de la scène dite black métal symphonique. "Stormblast" les avait placés en tant qu’espoirs, "
Enthrone Darkness Triumphant" et "
Spiritual Black Dimensions" laissaient entrouvrir une vision complètement inédite d’un art encore profondément occulte et extrême, mais marqué du sceau de l’esthétisme physique, d’une beauté noire et vénéneuse. "
Puritanical Euphoric Misanthropia" changea à jamais la vision du genre. Loin d’un "Cruelty and the
Beast" pourtant culte, d’un "
Moon in the Scorpio" légendaire ou d’un "Anthems to the
Welkin at
Dust" novateur à défaut d’être réellement avant-gardiste, PEM alla plus loin dans la recherche de grandeur musicale et de l’opulence sonore.
Dimmu Borgir tirait définitivement un trait sur son passé…
In League with
Satan…
Paradoxalement, c’est suite à cette vision probablement plus accessible que le concept textuel, devint plus ouvertement dévoué à l’art sombre, non sans être empreint d’une certaine once de clichés et de stéréotypes parfois confondants. Suite à un "
Death Cult Armageddon" n’ayant plus rien de black metal dans sa musique, "
In Sorte Diaboli" tenta un retour en arrière sans grande réussite, la faute à une production plate et aseptisée, et à une musique manquant cruellement de profondeur et de conviction. L’envie y était mais personne ne semblait y croire…
Anarchie…
Manifestement écrasés par le poids du succès et d’une vie désormais trop factice pour un art originellement dédié à la sincérité, certains membres en vinrent à se reposer, selon les principaux créateurs de la bête, bien trop sur leurs acquis. C’est dans ce contexte que le blond à la voix d’or
Vortex, ainsi que son compère Mustis, compositeur classique de génie, se firent éjecter d’un navire visiblement à la dérive et en quête de sa propre personnalité. Deux personnalités qui semblaient indispensables aux fans… Deux personnalités qu’il fallait combler… Deux personnalités qu’il fallait faire oublier…
No
God No
Satan
Issue de la tradition thélémite, le terme
Abrahadabra signifiant littéralement « Je bénis les morts » est une nouvelle fois une manière de mettre en valeur la notion de l’homme dieu, l’homme propre et gouvernant de sa propre personne. A l’instar d’un groupe sur de lui et préférant garder son contrôle avec l’équipage restant, autour de Shagrath (ayant récupéré au passage le travail de clavier), Silenoz et Galder, "
Abrahadabra" est l’image d’un groupe qui n’a pas perdu confiance en lui et qui entend bien garder sa suprématie sur une scène dont il n’a finalement plus grand-chose à voir.
La porte des ombres
Dire aujourd’hui que
Dimmu Borgir est attendu, criblé de doutes, haït et stigmatisé par les fans est un doux euphémisme tant les norvégiens provoquent autant l’adoration des plus jeunes que le dédain de ceux se souvenant encore d’un "
Enthrone Darkness Triumphant". Première différence importante avec son prédécesseur, la présence de deux orchestres symphoniques norvégiens (51 et 38 membres) pour une musicalité très proche de "
Death Cult Armageddon", notamment dans le rendu sonore, bien moins envoûtant et tragique que sur "
Puritanical Euphoric Misanthropia", plus spectaculaire et grand spectacle.
"Xibir", introduction instrumentale ouvrant le disque, plonge l’auditeur dans les tréfonds d’une ambiance sombre et presque divine, grandiose et conceptuelle, projection de scènes pour le moins guerrière et prémices de violence. C’est alors que "
Born Treacherous" surprend complètement. Un premier riff complètement en décalage, presque rock, puis une première intervention vocale de Shagrath douteuse avant que l’orchestre ne vienne apporter une dimension mystérieuse. Un blast très rapide de Daray (
Vader) fait retrouver l’aspect black qui semblait en déclin et des riffs plus vicieux surviennent. Mais ce qui surprend, c’est cette prépondérance symphonique, bien plus en avant que les guitares et qu’une batterie bien trop en retrait pour qu’on puisse décerner toutes les subtilités du jeu du batteur polonais. Cependant, un break malsain, proche d’un mantra tibétain, complètement dans l’esprit du groupe, noirci considérablement une ambiance qui s’en retrouve alourdie afin de mettre en valeur un pré-refrain jouissif sur lequel se pose un refrain entêtant, basé sur des chœurs grégoriens.
Mais c’est clairement avec "
Gateways" que le visage d’"
Abrahadabra" se dessine. La suite logique de
DCA dans les orchestrations très fluides, parfois presque fines, avec autant de flutes que de cordes, surmontées de riffs rouleau compresseur très typique mais des plus efficaces, avec son lot de chœurs. Shagrath s’y montre très narratif, accompagné de Garm pour une interprétation proprement démoniaque, très théâtrale et, si différente dans le rendu, dans la même optique que celle de
Vortex. Il y a également ce "Ritualist" impérial où Snowy Shaw, sur une double pédale à la lourdeur jouissif, donne la réplique à un Shagrath plus incisif que jamais pour l'un des titres les plus marquants du disque (ce refrain...).
Entre un "
Dimmu Borgir" très mélodique agrémenté de chants féminins somptueux mais semblant un peu hors contexte et un "A
Jewel Traced
Through Coal" très extrême et rapide, sur lequel Daray démontre une densité de jeu impressionnante (dommage que la prod ne le mette pas en valeur), l’album flirte allègrement avec tout les styles déjà explorés par le groupe sans réellement proposer à un moment donné quelque chose de nouveau. L’ombre de "
In Sorte Diaboli" plane tout de même dans la production très propre (mais moins plate) et ôtant toute forme de noirceur au disque.
Et si les morceaux en eux-mêmes ne manquent pas d’inspiration tant les orchestrations ("The Demiurge Molecule") et les riffs sont bien réalisés (Silenoz et surtout Galder ont abattu un gros travail à ce niveau, plus fouillé que précédemment), c’est bien Shagrath qui déçoit. Ne semblant plus concerné par ses vocaux, il parait s’ennuyer sur ses parties, multipliant les effets de styles, les narrations mais ne transpirant aucune émotion, loin du temps où il insufflait soit une haine ou une puissance exceptionnelle à travers son chant.
Symboliquement, le morceau "Endings
And Continuations" met fin à un disque certes bien au dessous de ce à quoi beaucoup aurait aimé s’attendre mais non dénué de frustration. Car justement
Dimmu Borgir vient de prouver qu’il avait encore les ressources pour composer des disques phénoménaux, s’il en prenait complètement la peine. Derrière un travail complexe d’arrangements, que l’on pourrait parfois prendre de la poudre aux yeux tant les fondamentaux semblent parfois bâclés (production, chant), les norvégiens laissent entrevoir un avenir encore pas complètement obscur. Ce dernier titre et son interprétation claire absolument géniale car surprenante, magique et inattendue démontre une prise de risque encore existante, mais trop peu présente.
L’espoir n’est pas vain,
Dimmu Borgir est encore bel et bien vivant…et d'une inspiration que l'on aurait espérer entendre. En introduisant les symphonies dans le processus même de création, les norvégiens reviennent à une musique beaucoup plus grandiose et cohérente. Sans être grand, "
Abrahadabra" est convaincant et rassurant…après le mini-cataclysme vécu par le groupe, ceci reste positif…
Alors oui, je l'aime bien, je le trouve même bon et cela malgré les nombreuses critiques que j'ai pu voir un peu partout.
Dimmu borgir nous pond ici un album simple et symphonique, la mise en place des orchestres prend le dessus sur le reste.. et ce n'es pas pour me déplaire... du métal hollywoodien oui, mais bien réalisé.
Concernant les nombreuses critiques sur les lignes de guitares et autres, Dimmu borgir veux tout simplement laisser les différents instruments s'exprimer de manière bien perceptible, bien aérée, ce qui implique une certaine simplicité qui pour moi n'as rien de péjoratif... Je ne me lance pas dans une écoute de dimmu pour me taper des guitars-héros à deux balles.
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