Dans un passé très lointain et très obscur, de jeunes musiciens venant de sortir un premier album dévolu à un Blues-Rock sans concession, avaient affirmé toute la force de leurs convictions en déclarant à propos des dix titres qu'ils venaient de nous offrir, que c'était ainsi que ce genre-là devait être joué, c'est-à-dire franchement, honnêtement et spontanément. Près de trois décennies plus tard, peu de choses auront finalement changé puisque après un détour de trois albums où cet aspect lourd et pesant inhérent aux mouvances si chères à Muddy Waters aura laissé place à des caractéristiques plus proches d'un
Hard Rock bluesy, ils seront revenus à leurs amours passés. Ce groupe n'est autre que
ZZ Top qui sort un nouvel album,
XXX, dont le nom, fait bien évidemment référence, en cette année 1999, à une date fatidique puisqu'elle marque les trente ans d'existence de cette formation. Une manière symbolique de fêter l'événement en quelque sorte.
S'agissant de la musique de ce disque, il va sans dire qu'une fois encore le trio y évoluera dans un Heavy-Boogie-Blues aux guitares grasses, aux voix rocailleuses, et pourvu d'un son plus épais davantage en phase avec les attentes d'alors. De telle sorte que dès les premières mesures d'un superbe
Poke Chop Sandwich, le connaisseur exigeant, celui là même qui avait vécu la fameuse trilogie comme une sorte d'égarement, se retrouve en terrains connus. En un sens
ZZ Top fait ce qu'il sait faire de mieux, c'est-à-dire de la musique délicieusement lourde, dense et groovy. Ajoutons à cette liste non exhaustive des titres traditionnelle de ces musiciens natifs de
Houston des chansons telles que
Fearless Boogie et
36-22-36.
Néanmoins, non content de se satisfaire de son visage le plus bluesy, le groupe va, une fois encore, laissé libre court à quelques-unes de ces envies étranges. Et ainsi nous offrir des pistes un peu déconcertantes. Crucifixx-A-Flatt est par exemple un titre très urbain où les chants adoptent parfois un phrasé particulier. Le résultat est loin d'être probant. Beatbox est, quant à lui, pourvu de couplets synthétiques très déstabilisants. Tout comme Dreadmonboogaloo aux loops et aux samples scratchés pénibles.
Evidemment le repositionnement musical de
ZZ Top, consistant à recentrer sa musique sur ses racines Blues-Boogie et à délaisser quelques peu ses sonorités modernes plus accessibles (
Antenna,
Rhythmeen), aura indiscutablement provoqué une scission entre la fange nul dur des puristes adeptes de cette formation et entre celles moins traditionnelles ayant découvert le groupe en 1983.
Pas sûr que ces derniers soient séduits par les diverses "expérimentations" tentées ici. Et, en définitive, pas sûr que quiconque trouve matière à pleinement se réjouir de ces neuf premiers morceaux. Toutefois ces deux factions aux conceptions très différentes quant à ce que doit, ou ne doit pas, être la musique du trio texan, s'accorderont néanmoins sur quelques éléments susceptibles de faire consensus. Un de ceux-ci sera les performances scéniques où Billy Gibbons et ses acolytes auront toujours admirablement démontré leurs talents respectifs. Aussi l'ajout d'une section enregistrée en public sur ce
XXX saura, assurément, contenté ces diverses mouvances opposées. Après une courte introduction effectuée par Ross Mitchell, célèbre voix off radiophonique américaine, le bon Sinpusher vient d'ailleurs agréablement nous saisir. Ce titre étant une version alternative et antérieure à
Pincushion (
Antenna (
1994)). (Let Me Be your) Teddy
Bear reprise très épaisse et très grasse du morceau du génie Elvis Presley, vient, quant à elle, nous ravir sans restriction aucune. Rappelons juste que nos trois comparses natifs de
Houston auront déjà rendu autrefois hommage au
King en reprenant
Viva Las Vegas (sur le
Greatest Hits (1992), et sur un MCD éponyme sortis la même année). Hey Mr. Millionaire, sur lequel intervient Jeff Beck, et le très traditionnelle Belt Buckle viennent clore cet opus.
XXX célébrant le trentième anniversaire de
ZZ Top est donc un album très étrange. A la fois très bluesy, à la fois très moderne et à la fois très synthétique, il ébranlera assurément les certitudes de ceux qui autrefois goutaient avec plaisirs au Blues-Rock de ce groupe, ceux qui se réjouissaient de cette mutation
Hard-Rock mais aussi ceux qui, comme votre humble serviteur, étaient ravis de voir le groupe revenu à ces racines en une version plus efficace et dense. Un disque qui, en définitive, ne devra son salut qu'à sa partie live.
Alors, près de trois décennies plus tard, la musique de ces artistes est-elle toujours aussi franche, honnête et spontanée ? Peut-être. Sans doute. Reste à savoir si de telles qualités suffisent à faire de bon album.
Pas toujours. Malheureusement.
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