Quiconque aura jeté une oreille, même distraite, sur le pattern de batterie caractéristique, et sur les riffs épais, d'un remarquable Gimme All your Lovin, premier titre de ce huitième véritable album des vétérans texans de
ZZ Top répondant au nom d'
Eliminator, et pour peu qu'il soit, à minima, amateur de ce genre de démonstration, ne pourra décemment pas rester insensible à l'invitation animale, à l'excellence, à l'appel viscérale et à la délicieuse lourdeur charnelle de ce
Hard Boogie Blues délicieusement sensuelle et délicieusement inédit, du moins pour cette formation.
Une nouveauté étonnante dès lors que nos esprits aiguisés se rappelleront que le trio natif de
Houston avait surtout, jusqu'alors, excellé dans l'expression d'un Rock Sudiste certes de très bonne facture mais différant quelques peu de l'orientation musical de ce nouvel opus. Et, à dire vrai, en mesurant l'écart qui sépare cet
Eliminator de l'ensemble de ces prédécesseurs, d'aucuns pourraient très justement se sentir déconcertés, ou spoliés, par cette évolution artistique qui aura indéniablement poussé Billy Gibbons, Frank Beard et Dusty Hill, écumant la scène depuis 1969, à faire entrer leur musique dans une ère nouvelle. Néanmoins la prouesse qu'ils nous proposeront ici n'est pas sans danger puisqu'un changement aussi radical ne se fait pas sans le risque d'y perdre une part de son identité profonde. Un péril dans lequel
ZZ Top ne tombera pas car non content d'avoir inscrit leur musique dans une redoutable modernité en l'agrémentant, notamment, de quelques éléments plus "synthétiques", très en adéquation avec cette époque, de sonorité de batterie plus mécanique ou encore en rendant son propos plus tranchant et plus massif par le jeu de la production, le groupe aura su préserver des caractéristiques qui lui sont propre tel que le feeling gras et bluesy de son Rock Sudiste d'antan aux groove incomparable. Le maintien de cette identité est crucial. Déception, peut-être. Trahison, certainement pas.
Au delà de ce premier morceau superbe, d'autres viendront eux aussi, confirmer le constat de ce bouleversement, ainsi que celui de la grandeur d'un disque décidemment imparable. Et comment pourrait-il en être autrement fort des splendides Got Me Under Pressure,
Sharp Dressed Man, I Got the
Six ou encore, par exemple, Legs? Du somptueux et lancinant TV Dinner? De la ballade I
Need you Tonight?
En définitive If I Could Only Flag Her
Down et dans une moindre mesure Bad Girls, sont les seuls chansons s'inscrivant un peu moins dans cette démarche nouvelle, rappelant quelque peu, cette époque où le groupe évoluait en d'autres sphères. Sans démériter, et tentant de faire la jonction en se tournant davantage vers le passé, ces deux pistes sont, sans doute les moins convaincantes de ce plaidoyer.
Cependant rien ne saurait vraiment venir contrarier la perfection d'un disque où chaque détail converge vers l'accomplissement d'un aboutissement irréprochable.
Eliminator est un grand disque qui au delà même de toute subjectivité impartiale aura su s'imposer comme une référence intemporelle.
Rien de faramineux dans cet album. L'esprit n'y est plus, mais cela reste personnel.
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