Le souvenir de la révélation née des bouleversements enthousiasmant suscités par une œuvre magistrale,
Lingua Mortis, demeurait vivace à l’orée de cette nouvelle offrande. La volonté créative développée dans cette œuvre restait exceptionnelle. Un dessein où se mêlait, en une union pas totalement maîtrisé, la musique des Allemands de
Rage à celle d’un authentique philharmonique. Un manifeste seulement terni par un résultat concret clairement moins convaincant, et notamment à cause de cet ensemble sonore duquel
Rage ne put véritablement s’extraire laissant s’égarer l’âme abrupte et personnelle de sa musique au profit de celle d’un majestueux orchestre symphonique de Pragues brisant un équilibre qui eut pu être intéressant. En réalité il s’agissait bien plus d’une réinterprétation du propos Heavy/Speed/Thrash des saxons que d’une réelle osmose. Il ne restait plus, à Peavy et à ses compagnons d’art, qu’à concrétiser plus précisément encore cette démarche afin d’affirmer cette nouvelle volonté musicale. Bien évidement la tâche demeurait périlleuse tant l’équilibre parfait de la rencontre de ces deux univers aussi distincts, voire contradictoires, restait un utopique but presque inaccessible.
Et pourtant dès l’entame d’un
From the Cradle to the Grave, précédé de l’exceptionnel instrumental Overture, le constat est d’une éblouissante évidence. L’édifiante exemplarité avec laquelle s’entremêlent ces deux mondes est une incroyable réussite. Mais suffit-il que cette synergie soit irréprochable pour que l’œuvre le soit nécessairement ? Sans doute que non. Néanmoins les admirables qualités de ces deux pièces exhalent suffisamment d’excellence pour, déjà, presque totalement nous convaincre. Sans outrageuse domination de l’un sur l’autre, l’harmonie qui s’exprime de l’interpénétration de ces deux natures musicales profondément singulières sublime admirablement le propos de ces deux titres ensorcelants et inoubliables.
Au-delà de ces interventions orchestrales composées, et assimilées, avec un discernement remarquable, force est de constater que
Rage a sacrifié les parfums de sa véhémence la plus violente en épurant quelques peu son propos de sa face la plus Thrash au profit d’un autre nettement plus mesuré. Nettement plus mélodique. Ainsi le groupe développe une musique, certes, virulente mais dans laquelle le souci de musicalité, et parfois de lourdeur, demeure important (
Changes :
Sign of
Heaven,
Changes : Turn the Pages ou, par exemple, Heartblood), et, parfois même, essentiel (
Changes :Incomplete,
In Vain (I
Won't Go
Down) ou bien, par exemple,
Immortal Sin). Bien évidemment, la formation saxonne ne réussit pas à coup sûr et demeure parfois stérile (un Days of
December moyens, aux refrains bien trop mélodiques).
Cependant il s’agit de ne pas sombrer dans la démesure des mots, la musicalité, de ces morceaux, rythmés par les ponctuations de la formation classique baptisée le
Lingua Mortis Orchestra, demeure relative.
Rage reste donc
Rage, avec ces chants délicieusement âpres, avec ces riffs divinement Heavy, avec toutes ces particularités qui font de lui ce qu’il est profondément. Il apparaît toutefois décontracté et débarrassé de ce complexe culturel conservateur typiquement germanique.
Notons aussi la magnifique reprise de
Paint It Black, des Rolling Stones, dans une interprétation très personnelle mais ne dénaturant en rien l’original.
Cet album marque donc l’aboutissement accomplis de ce désir créatif magnifiquement imaginé dans une première ébauche maladroite sur l’album
Lingua Mortis (1996). Fort de l’équilibre parfait trouvé entre sa prestance orchestrale et son aspect plus primairement
Metal,
Rage exprime, avec ce
XIII, tout l’étendue d’un éclectisme, et d’un talent, prometteur.
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