Même si on se connaît, les retrouvailles se font dans un premier temps à tâtons, chacun essayant de retrouver ses marques : des concerts pour allumer la mèche, une compile des origines sortie chez Shaxul, avec un livret aussi épais qu’un album de famille, et un deal avec Trendkill. Malheureusement, c’est tout ce que le groupe réussit à dégotter pour concrétiser son projet d’album, plus d'une décennie après sa mise au vert, sans être au bout de ses surprises.
La dimension maléfique qui ressort de la pochette, au demeurant très réussie, ne fait que se renforcer à travers les chants grégo-lucifériens présents en ouverture.
Mercyless sonne la charge avec un "I
Vomit This World" qui synthétise tellement le concept du groupe : le rejet en bloc des religions de masse, et le prêt-à-penser que l’on nous inculque à longueur de journée. Ce titre est un véritable cri de guerre, stigmatisant un monde qui n’en finit plus de pourrir, appelant de toutes ses forces à son éradication, totale. Côté instrumental, la section rythmique assurée par Laurent Michalak derrière les fûts, déjà présent dans Day
Off Sin, et Matthieu Merklen à la basse, fait trembler les murs sans casser la vaisselle dans les placards. Le travail d’orfèvre de Dan
Swanö se mesure à ce genre de détails, réussir à insuffler un équilibre entre les différentes sections instrumentales sans qu’aucune n'ait à pâtir de la puissance des autres. Le riffing sait se faire tranchant mais pas seulement, une alternance aussi malsaine que pertinente permet de passer du tranchant au groovy, avec toujours cette volonté de faire mal. La paire Otero/Viard continue de briller en termes de composition, et si le titre éponyme conserve un impact indiscutable, on aura tendance à s’attarder sur le morceau suivant, "
God Is
Dreaming". Construit à partir d’un riff lancinant, qui travaille le corps et l’esprit de l’auditeur à la lame de rasoir, le morceau n’est qu’un prétexte pour dénoncer une nouvelle fois l’imposture divine.
Immédiatement on se représente le groupe en concert car c’est le genre de titres qui s’harmoniserait à merveille avec les classiques présents sur "
Abject Offerings". Le lien entre les deux albums est d’ailleurs manifeste tant dans la thématique que dans la construction des morceaux. La question était de savoir si les artilleurs avaient encore la moelle pour oser se confronter à leur passé, et être capables de le réactiver sans s’autoparodier avec la même rage, deux décennies plus tard ? La réponse est un OUI franc et massif. Non seulement la direction prise était la bonne, mais en plus ils se sont donnés le temps et les moyens pour éviter de simplement répéter ce qu’ils avaient fait, sans rien avoir perdu de leur tour de mains.
"Infamy" représente le deuxième coup de latte après la volée infligée par "
God Is
Dreaming", armé d’un refrain imparable qui donne envie d'hurler à la mort avec les loups. Que c’est bon, maman, j’en veux encore… Séance de neckbreaking en règle sur tout le morceau. "Probably
Impure" enchaîne avec maestria, et continue à charrier l’immonde, avec cette double pédale qui ne relâche jamais la pression, le riffing qui surine avec la dextérité d’un sicaire de carrière. Je n’en ai pas parlé jusque-là tant la cause est entendue, mais la performance vocale de Max Otero est juste monstrueuse. Il en faut du coffre pour réussir à faire ressortir quelque chose dans ce déluge de décibels, où ça désosse de tous côtés. Et le bonhomme ne fait pas qu’assurer, il impose le respect, encore et toujours.
Le sentiment qui ressort de cet album, c’est qu’il n’y a rien eu d’improvisé, tout est cadré, millimétré, et à sa place pour assurer un impact maximal. Maintenant qu’est-ce qui fait l’unicité de cet album ? Sa texture sonore, sans aucun doute. Il se dégage une profondeur dans toute cette noirceur qui, sur chaque note, semble être sans fin. On ressent une certaine souplesse dans les transitions qui révèlent que les titres ont été sans doute travaillés en live avant d’être enregistrés, ce qui donne une impression de maîtrise absolue. Le choix de Dan
Swanö se révèle crucial à cet endroit, et signe ce rendu si particulier que l’on ne retrouve ni sur "
Pathetic Divinity", ni sur "
The Mother of All Plagues".
Quelques mots pour finir sur le piège Trendkill, avec à son bord cet imposteur de Virgil. Un label qui ne verse pas au groupe sa part du fruit des ventes, qui ne fournit pas en merchandising le groupe pour vendre pendant ses concerts, et qui plante l’envoi des supports physiques aux fans qui ont souscrit à la prévente de l’album, avec des délais allant jusqu’à 6 mois. Je pense qu’avec les termes « petite salope » je suis encore loin du compte, en sachant que
Mercyless n’est pas un cas isolé. Je ne sais pas si, à l’heure d’internet, l’underground existe encore, en revanche les bas-fonds et la vermine ont encore de beaux jours devant eux.
I
Vomit This World !!!
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