Un léger chuchotement, une infime bise forestière, le souffle des elfes caressant nos oreilles nous happe dès les premiers instants dans le monde de Dar-Kunor, nous entraine dans cet univers elfique si particulier qu’uniquement quelques brides de groupes parviennent à reproduire (
Rhapsody of
Fire,
Blind Guardian,
Summoning…et ne me parlez pas des pitoyables
Battlelore).
Le Dar-Kunor nous ouvre ses portes empreintes de maléfices et de mystères, et nous plonge dans cet espace si symphonique et incroyablement musical en quelques secondes, sous un déluge de chœurs très filmiques, absolument magnifiques et grandioses, dépassant de très loin tous ce qu’ils avaient déjà fait en la matière. Une musique entièrement orchestrale suivant néanmoins une trame musicale rock.
C’est ainsi que s’ouvre "
Triumph or Agony", sixième opus longue durée des Italiens de
Rhapsody et second chapitre de cette nouvelle saga.
Mais les années ont passé, et nous sommes aujourd’hui à des années-lumières du heavy speed symphonico-médiéval (j’adore les étiquettes !) de la première saga, s’étant achevé sur le magistral "
Power of the Dragonflame" et l’intermède phénoménal "
Rain of a Thousand
Flames", union parfaite de la fureur métallique à la grandeur symphonique.
Le très décevant "Symphony of enchanted lands II-The
Dark Saga" avait débuté un nouveau concept et périple mais en tranchant radicalement avec le passé, faisant presque une ablation de son aspect metal afin de se consacrer plus pleinement à une emphase lyrique plus proche de l’art cinématographique que du heavy auquel on aurait ajouté des chœurs.
C’est donc fébrilement que l’on s’attaque à ce nouvel opus, à la pochette une nouvelle fois magnifique, véritable mine d’or heroic fantasy, tout comme son livret.
Dans une phase créatrice imperturbable,
Luca Turilli, tête pesante de
Rhapsody Of Fire (l’adjonction du « Of
Fire » étant due à des problèmes légaux sur leur ancien patronyme vis-à-vis d’un Canadien) livrait trois albums en à peine trois mois, son troisième album solo, son premier projet
Dreamquest électronique et celui-ci, non sans le risque que chaque projet empiète sur les autres musicalement.
Mais force est d’admettre que le style de Turilli et Alex Staropoli (claviers) est devenu unique avec le temps, et malgré les changements, il se reconnait immédiatement.
Pourtant, la rupture amorcée avec le précédent opus est ici encore plus forte, l’aspect metal ayant presque totalement disparu. Mais cela en fait-il un mauvais disque ?
Et bien non, contrairement à SOTEL II, soporifique, "
Triumph or Agony" se veut passionnant, d’une très grande qualité d’interprétation et dévoile une profondeur symphonique que seuls
Nightwish,
Therion ou Septic
Flesh peuvent se vanter d’avoir caressée.
Grandiose, voire prétentieuse et ostentatoire sur la totalité du disque, la musique, parfaitement produite par un Sascha Paeth aux mains d’or, n’est qu’une succession d’images et de combats, celle qui se passe dans notre esprit avec la lecture des textes.
On retrouve quelques brides éparses de leur passé sur certains morceaux, où les guitares se font dominantes et mènent la danse ("
Triumph or Agony", "
Heart Of The Darkland"), mais bien peu en comparaison des chœurs magiques qui alimentent l’album, de leur passion et leur décadence (ceux de "The
Myth Of The Holy
Sword" sont phénoménaux, jamais je n’avais entendu ça sur un album !).
Lorsque la vitesse passe la seconde, notamment sur "
Heart Of The Darkland", agrémenté d’un des rares soli de Luca du disque, on en vient même à penser qu’elle n’est plus utile, car paraissant presque surjouée, malgré le plaisir d’entendre un réel refrain, toujours chanté par un Fabio Lione très en voix, impérial de bout en bout du disque, et usant de tous ces visages pour donner plus de schizophrénie à ses personnages.
La fantastique ballade "Son Of
Pain" atteint même des sommets de lyrisme que jamais
Rhapsody n’avait touché, loin d’un néanmoins culte "Lamento Eroico". Accompagnée d’un piano, sa voix splendide nous emporte avec elle, soutenue par une envolée orchestrale à couper le souffle, aussi sensible qu’elle n’est monstrueusement ambitieuse, sans jamais tomber dans le pompeux facile, comme ce fut le cas sur l’album précédent.
Mais la plus grande réussite, l’attrait principal reste cette longue fresque, symbolique d’une recherche musicale toujours présomptueuse : "The
Mystic Prophecy Of The Demonknight" et son outro "
Dark Reign Of
Fire" pour un total de vingt et une minutes proprement hallucinantes.
D’une introduction typiquement troubadour (une ambiance que l’on retrouve sur "
Old Age Of Wonders" et "Bloody
Red Dongeons"), le tempo s’alourdit rapidement avec tour à tour, l’arrivée des guitares / basse / batterie puis de l’orchestre, amenant peu à peu la grandeur du morceau.
Sans être rapide, l’accroche mélodique est très réussie. La première partie, faisant office de single, s’écoule tranquillement sans que rien de particulier ne se déroule, avant que la démesure ne prenne définitivement le pas, revenant à une musique typiquement filmique comme leur modèle Zimmer Hans sait si bien le faire, avec l’ajout de samples guerriers.
La pression monte, les chœurs féminins relatent une atmosphère tendue, les symphonies semblent prêtes à exploser, la batterie se fait martiale, puis Christopher Lee fait une apparition narrative remarquée et bien plus utile que précédemment, sa voix si impressionnante canalisant complètement le titre. Et la guerre !
Nous plongeons instantanément dans une bataille furieuse, la double pédale est de retour, Fabio alterne vocaux inhumains et bestiaux et chant haut perché pour jouer les différents personnages (sa polyvalence est impressionnante, et l’influence de
Manowar plus forte que jamais), les symphonies sont en transe, elles respirent la folie de la guerre, partent dans tous les sens et offrent un spectacle musical rare et jouissif.
Sa suite sera l’égal d’une longue prière, une litanie au chaos du Dar-Kunor, époustouflante de musicalité et de complexité (les cuivres prenant la place des cordes ici, offrant une dimension et une connotation différente au titre, plus grave et solennel !).
On notera également le bonus "Defenders Of
Gaia", auquel on peut légitimement se demander pourquoi il ne figure par sur l’album pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la chanson la plus rapide du groupe depuis longtemps, emplie de solos au tapping, de claviers comme à la grande époque !
Un album finalement inintéressant pour le fan du metal, pour la simple et bonne raison qu’il va beaucoup plus loin, et qu’il offre un voyage plein de dépaysement plus que de la musique. S’il n’est pas exempt de longueurs ("
Silent Dream", "
Old Age Of Wonders"), il est dans l’ensemble l’une des plus grandes œuvres symphoniques de ces dernières années.
Enivrant et gigantesque, "
Triumph or Agony" tire définitivement la fin d’une époque, et dévoile un futur encore plus grandiose et inattendu.
Le titre The Myth Of The Holy Sword est pour moi poussif, limite caricature de Manowar (que je n'aime pas du tout ^^), Bloody Red Dongeons, à un moindre degrès.
Alors oui certains morceaux sont excellents (Son Of Pain, depuis le début de la nouvelle saga, les morceaux calmes sont tous assez majestueux), l'ambience de Old Age Of Wonder est assez originale, et j'aime bien. Mais voilà, à trop vouloir faire épique, des fois ça devient bien trop poussif.
Je place cet album au Niveau de Enchanted Lands 2, c'est à dire un album pas mauvais (y en a-t-il de toute façon ?), mais trop de passages où la volonté de faire épique va trop loin. Pour moi l'équilibre sera trouvé sur les prochains albums.
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