Depuis la scission de
Rhapsody Of Fire, les auditeurs vont de surprise en surprise. La surprise de voir un Ascending To
Infinity envoyer un
Dark Wings of Steel aux oubliettes, la surprise de découvrir un Prometheus bien en-dessous des promesses faites par Turilli, et, pour finir, la surprise d'écouter un
Into the Legend bien au-dessus de nos espérances...
Même dans le cas d'une séparation amicale, les deux formations Rhapsodiennes engendrèrent, sans le vouloir, un réel cas de compétition entre leurs sorties. Très actives, les deux bandes enchaînèrent les nouveautés, les sorties, les concerts, les clips vidéo presque simultanément, tant et si bien que les fans, désorientés par un
Dark Wings of Steel conventionnel et ronronnant, ne purent s'empêcher de s'accrocher à un Turilli plein d'assurance et submergé par une confiance aveugle envers ses ambitions. Néanmoins, Prometheus divisa encore une fois les avis... Tandis que certains hurlaient au chef-d'oeuvre, d'autres ne purent s'empêcher d'être déçus par un album qui s'orientait vers une voie bien éloignée de ce qui avait fait leur amour pour la musique des Transalpins.
C'est dans ce chaos que la sortie d'
Into the Legend fut annoncée, douzième album de
Rhapsody of fire, deuxième album solo d'Alex, information accompagnée, quelques temps plus tard, d'un single bien en-dessous de ce qu'avait pu nous livrer les Italiens il y a fort fort longtemps. On se désintéressa de l'événement, on haussa les épaules, et on tourna la page.
Et pourtant, et pourtant... L'écoute de ce
Into the Legend réserve bien des surprises, à savoir la participation d'un orchestre symphonique, l'intervention d'une chanteuse lyrique, le retour d'un titre épique (16 minutes !), l'arrivée d'un nouveau bassiste (Alessandro Sala), et surtout, le retour à la musique ayant fait le charme des Italiens.
Dès que l'on consulte la tracklist, en plus de percevoir des noms de chansons d'une attachante niaiserie (on ne les changera jamais), c'est avec joie que l'on découvre le retour d'un long titre épique en fin d'album, une ballade en septième position, un titre d'ouverture très speed, une intro en latin...bref,
Rhapsody of fire semble plus que jamais déterminé à renouer avec son passé.
« In Principio » donc, ouvre l'album par des montées en puissance de cuivres très élégamment mises en scène. Puis viennent ces choeurs, comme d'habitude, magnifiquement introduits. Mais ce qui frappe le plus, c'est la nouvelle richesse de la palette sonore. Alex semble avoir rangé ses samples au placard pour une démarche orchestrale bien plus organique et vivante... "
Distant Sky" poursuit par un riff à la
Power Of Dragonflames. Les orchestrations s'y mêlent à merveille, la batterie enchaîne les breaks de fou furieux, Fabio fait alors son apparition, chantant des mélodies que l'on pensait ne plus jamais entendre. L'orchestre est impressionnant de puissance et œuvre avec le chant pour nous livrer un pré-refrain renversant d'efficacité. Le refrain est poussé vers des aigus improbables, et la guitare pose un solo portant la patte de Turilli, comme pour montrer que rien n'a changé, que
Dark Wings of Steel n'est plus qu'un lointain et mauvais souvenir...
C'est ainsi que
Rhapsody Of Fire capte notre attention et redonne espoir. Mais la claque sonore continuera durant (presque) l'intégralité de l'album.
Into the Legend a pour but principal de rassurer et de remettre les points sur les i. Une occasion pour le cofondateur de montrer ses réelles capacités, très mal évaluées lors de la sortie de
Dark Wings of Steel. L'album propose un mélange parfait entre l'ancien
Rhapsody, baroque et dépaysant, et les œuvres plus récentes, féroces et ambitieuses. En plus de réussir ce pari improbable, Alex parvient à y laisser sa signature, à marquer une scission entre son travail solo et sa coopération avec Turilli.
« Realms Of Light », par exemple, porte très clairement la patte du cofondateur, par ses violons saccadés et son côté Heavy. Le titre nous évoquera d'ailleurs l'album précédant auquel on aurait insufflé une nouvelle vie, intégrant: riffs heavy déroutants d'efficacité, choeurs solennels, murmure diabolique, refrain mélancolique d'une grande intensité. La partie centrale nous renverra à « My
Sacrifice » dans l'ambiance générale, mais en bien plus dynamique, ces sublimes duels de solos ne nous laissant pas une seule seconde de répit. Alex atteste ainsi de sa capacité à apprendre de ses erreurs et à les mettre à profit pour écrire des titres très rafraîchissants.
Mieux encore, parfois,
Rhapsody Of Fire nous transporte vers des paysages qui nous étaient totalement inconnus. «
Winter's
Rain » s'axe autour d'un riff central béton, brillant de noirceur, déroutant de simplicité. Le titre, durant ses huit minutes, conserve un tempo extrêmement lent, telle une marche guerrière. Fabio y pose un chant d'une mélancolie poignante, les arrangements fourmillent autour du riff, faisant du titre une réelle découverte à chaque écoute. Puis, vient le centre du morceau, purement orchestral, mais possédant un authentique souffle épique. Les bonnes idées se succèdent de seconde en seconde, la formation nous balade de surprise en surprise sans jamais sembler à court de ressources... Alors que les dernières notes résonnent, le verdict est sans appel :
Rhapsody a retrouvé quelque chose que l'on pensait perdu à tout jamais: la Magie.
Bien sûr, les fans de la première heure ne seront pas en reste car, en plus d'élargir son univers,
Rhapsody Of Fire nous renverra aux douces ambiances des débuts. « A
Voice In The
Cold Wind », par exemple, avec son ensemble baroque, nous évoquera un « Village Of Dwarves », auquel on aurait ajouté toute l'expérience et la maîtrise d'une formation pleine de recul sur ses œuvres.
« Valley Of Shadows » et «
Rage Of Darkness » rétabliront l'équilibre d'une balance créative qui fut très oscillante ces derniers temps. Le premier s'ouvrira par un riff orchestral meurtrier à la guitare judicieusement dosée pour en transcender toute la puissance. Le metal sait se faire plus discret au profit d'une voix lyrique de toute beauté et de choeurs latins parfaitement mis en scène, tandis que l'orchestre met en valeur les solos de Roby, devenant ainsi un support indissociable. «
Rage Of Darkness », quant à lui, se dirigera vers de somptueux changements de tons. Le riff est une merveille de composition et on retrouve enfin une structure beaucoup plus mouvementée, bourrée de mélodies changeantes, de duels de solos (Alessandro Sala fait des merveilles avec sa basse) et, pour finir, d'une guitare supersonique posée sur un orchestre décidé à en découdre. De quoi renvoyer les détracteurs du nouveau guitariste réviser leur jugement.
« The
Kiss Of
Life », titre épique de 16 minutes, achèvera l'album par un refrain à l'intensité démesurée, à l'émotion poignante et à la puissance retrouvée. Alors que Turilli privilégiait des morceaux à tiroirs très techniques, Alex fait ici le choix de mettre en valeur puissance et efficacité. Ainsi, les-dites 16 minutes passent à une vitesse ahurissante. Fabio est plus rayonnant que jamais, livrant ici l'une de ses meilleures interprétations, sa voix semblant vivre de plus en plus la musique au fil du morceau. De plus, le titre réserve bien des surprises, comme un changement de ton radical vers une atmosphère acoustique exotique (qui nous évoquera légèrement « Gargoyles,
Angel Of Darkness »), un duo entre Fabio et Manuela Kriscak (qui intervenait également dans « Valley Of Shadows » et « Realms Of Light »), et une envolée orchestrale finale bluffante de maîtrise.
Bien sûr, l'album n'est pas parfait, et, dans sa volonté de composer une oeuvre bien plus évocatrice de la musique des Transalpins, Alex a usé de gimmicks parfois très prévisibles... «
Into the Legend » se révélera comme le titre le plus dispensable de l'album. Manquant cruellement d'accroche, de folie ou d'ambition, il deviendra, au fil des écoutes, un simple moment de flottement entre deux superbes titres. Et cela, malgré ce solo, il faut le reconnaître, très bien foutu. « Shinnig Star » s'inscrira comme une énième ballade un tantinet épique composée par nos chers Transalpins, qui n'ont jamais réussi à détrôner leur légendaire « Lamento Eroico ». Mais tous ces défauts ne sont que dérisoires face au soulagement de retrouver un groupe débordant d'énergie et capable, même sans Turilli, de faire vivre un univers qui avait pourtant perdu la moitié de ses âmes créatrices.
Into the Legend est donc, très clairement, une réussite. Un retour en force d'un groupe que l'on pensait dépouillé de sa principale ressource. Rassurant et innovant, il conforte quant à l'avenir du groupe et permet de préparer l'auditeur à l'ouverture de nouveaux horizons. Nous savions
Rhapsody Of Fire très mal en point, mais le groupe fut l'objet d'autres mésaventures et sa renaissance fut, à chaque fois, certaine. Alex accomplit ici un travail remarquable, bourré de bonnes idées et de moments de bravoure, le tout affublé d'une production d'une grande puissance. Le Roi du
Power Symphonique est revenu. Que son règne soit, on l'espère, long...
Eclectic : tres beau voyage, en effet, pas inoubliable, c'est possible et je pense que tu es plus en capacité que moi de juger correctement un opus alors peut être que ma note pourra te paraître excessive...mais j'ai préféré avantager un peu le magnifique travail de rattrapage mené ici, tout en essayant de mener une description précise du contenu, merci pour tes appréciations :)
Bravo pour cette chronique dont je rejoins tout à fait le point de vue. Rhapsody Of Fire a, selon moi, réussi à produire ici un album intense en émotions, ce qui est bien le but d'un groupe de Metal Sympho. Le titre Kiss of Life est un pur chef-d'oeuvre et mérite à lui seul l'achat de l'album. Une fresque grandiose avec, comme tu le soulignes, un chorus à faire s'écrouler le plafond. Par contre, je ne te suis pas concernant Shining Star auquel je donne une mention spéciale, beau et superbement lyrique. J'adore également le titre Into The Legend dont le chorus est très réussi.
J'ai effectivement aussi écouté l'album Prometheus de Turilli et je dois dire que ce dernier est loin de me plaire autant que ce Into The Legend.
Merci pour tes retours et ton commentaire développé, on voit que tu portes les Italiens en haute estime !
Kiss Of Life est une excellente pièce épique qui a le mérite de proposer une démarche beaucoup moins progressive que ses prédécesseurs tout en se montrant captivante.
En revanche, je trouve Shinning Star quelque peu fade et melodiquement assez pauvre et facile. Je trouve que niveau airs enchanteur, Rhapsody a fait beaucoup mieux par le passé. Et le titre Into The Legend, malgré son couplet agressif et son solos exquis fait traîner en longueur un refrain finalement tres banal, qui n'est pas sans rappeler "Never Forgotten Heroes". Une construction de mélodie assez conventionnelle que je n'apprécie pas chez Alex, lui qui est capable de pondre beaucoup mieux, comme le sublime "Winter's Rain".
En revanche, il me semble qu'ils se sont remit au travail et qu'un nouvel album devrait arriver au printemps, c'est avec cet album qu'on y verra plus clair sur le devenir du groupe :)
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