Phénomène de plus en plus à la mode, la sortie d'un double album est souvent propice à spéculations: cette démarche est-elle purement artistique ou dissimule-t-elle les germes du vice commercial? Á une époque où la fibre créative est en berne, comment doit-on réagir face à une telle entreprise? Peut-on réellement croire à un miracle super-productif qui irait de pair avec une augmentation non moins prodigieuse de la qualité du produit? S'il ne faut pas voir le mal partout, la question est légitime. D'autant plus avec un groupe comme
Five Finger Death Punch, sorte de golden boys du metal moderne qui, à chaque nouvelle sortie d'album, viennent affoler les compteurs du Billboard: il n'y a qu'à se rappeler la longévité incroyable de l'album “
War Is the Answer” (écoulé finalement à plus de 750 000 copies outre-Atlantique) ou du succès réitéré avec leur troisième full-length “The
American Capitalist”, qui finira à un peu plus de 500 000 copies vendues.
Néanmoins, force est de constater que les Américains méritent amplement leur succès, délivrant un metal hybride puissant et mélodique qui, en refusant quelconque étiquette normative, s'enquiert d'une authenticité délectable. Bien que leur dernier opus en date, “The
American Capitalist”, accusait une certaine panne d'inspiration (mais conservait cet indécrottable aspect punchy et tonique), on attendait de pied ferme la première partie de ce double-album, intitulé “The
Wrong Side of Heaven And The Righteous Side Of
Hell”.
Revêtant une nouvelle fois la mascotte du groupe, qui a quitté son luxe capitalistique pour une tenue de guerre qui n'est pas sans rappeler celle de l'album “
War Is the Answer”, le tout sur une tonalité digne des plus grands comics, “
The Wrong Side of Heaven and the Righteous Side of Hell, Volume 1” va-t-il justifier les espoirs que l'on place en lui?
Le premier contact avec cet opus ne peut tromper personne: on a bien affaire à du
Five Finger Death Punch, avec cette musique brute et directe, favorisant une rythmique très appuyée, que l'on retrouve d'entrée avec le single “
Lift Me Up”, mais également avec des titres comme “You” ou encore “I.M.
Sin” qui ramène le souvenir du premier album. Ivan Moody est reconnaissable entre mille, toujours avec cette voix si charismatique, que ce soit pour le chant clair (“Anywhere But Here”) ou pour le chant hurlé proche de celui d'un
Corey Taylor (“
Burn MF”, “You”). Si musicalement il n'y a pas grand chose de neuf à l'horizon, on détecte un afflux de flexibilité, ce qui manquait à l'opus précédent: “
Mama Said Knock You
Out”, en compagnie de Tech N9ne, surprend de par son groove écrasé et sa lenteur presque psychédélique, parachevée par un refrain obsédant, pendant que “Dot Your
Eyes” renoue avec des sonorités hardcore et consacre, une fois de plus, les vociférations d'un Ivan Moody décidément excellent.
La flexibilité montre néanmoins ses limites dans l'exercice des power ballades, ici étonnamment manquées. “
Wrong Side of Heaven” ennuie ferme, sur un tempo lent, à la limite de l'agonie; “M.I.N.E (
End This Way)” ne fait pas vraiment mieux et peine à imposer sa mélodie. Enfin, la bizarroïde outro “Diary Of A
Deadman”, si elle révèle des velléités d'expérimentation, avec notamment son chant phrasé et sa musicalité lancinante, est trop détachée de la tonalité générale de l'album, son hermétisme prévalant sur sa légitimité artistique.
En parlant de légitimité artistique, difficile de ne pas revenir sur ce concept de double album, apparemment motivé par la profusion créatrice qui a touchée le groupe il y a peu, comme en témoignait la conférence de presse donnée pour l'annonce du projet. Or, on a du mal à qualifier ce “
The Wrong Side of Heaven and the Righteous Side of Hell, Volume 1” comme un produit véritablement original ou rafraîchissant. Si des progrès ont été fait au niveau de la forme par rapport à “The
American Capitalist”, les
Five Finger Death Punch ne proposent pas d'innovation conséquentes sur le fond: il y a certes toujours ces titres redoutables dont le groupe a le secret mais aucun qui ne parviendrait à faire oublier des “
Hard to See”, “White Knuckles”, “
Under and Over It” et autres “Way Of The
Fist”... Que dire d'un titre comme “Watch You
Bleed”, entraînant, mais qui ne recèle d'aucune subtilité? Ou d'un “
Burn MF” finalement assez conventionnel? C'est le regret majeur lié à cet nouvel opus:
Five Finger Death Punch ne parviennent plus à nous faire vibrer comme avant, à nous transporter dans des univers personnels (rappelons-nous de l'enfer provocateur de “
No One Gets Left Behind” ou du voyage torturé sur “Meet The Monster” !), à nous bousculer au moyen d'un paleron d'influences variées et travaillées.
Impression surnaturelle ou ressenti palpable, c'est la fatigue qui domine une fois que l'écoute se termine. D'ailleurs, l'annonce d’une armada de guests prestigieux sur ce nouvel album (annonce excitante au demeurant) se révèle une déception. La première déception est liée à la reproduction bête et simple de trois titres, motivée par la seule intégration d'un invité pour en “diversifier” le rendu. La deuxième est celle de l'investissement de ces derniers, souvent limité à un apport minimum ô combien frustrant. Si l'on exclut la participation de Robert
Halford et de Tech N9ne, qui restent intéressantes, les autres se contentent souvent d'une apparition furtive et formelle:
Jamey Jasta nous livrera son chant tonitruant uniquement le temps d'un couplet sur “Dot Your
Eyes”, Cavalera n'osera pas surmonter ce défi lors de “I.M.
Sin”... Enfin, la sulfureuse Maria Brink est trop mise en retrait sur “Anywhere But Here”, alors que sa voix fusionne à la perfection avec celle d'Ivan Moody: les deux auraient d'ailleurs déjà dû collaborer sur le titre “
The Promise” issu de l'album “A Star-Crossed
Wasteland” d'
In This Moment et il est assez éloquent de comparer ces deux titres pour se rendre compte de la différence qualitative qui les sépare...
Au terme de ce “
The Wrong Side of Heaven and the Righteous Side of Hell, Volume 1”, c'est clairement l’amertume qui l'emporte: alors que l'on attendait énormément du premier de ces deux efforts, il ne fait en réalité que confirmer les errances du quintette américain. Moins personnel, moins aventureux et surtout moins ambitieux, ce quatrième full-length se contente de recourir à la même palette bigarrée qui fait le succès du groupe depuis 2005, sauf qu’elle recouvre à présent un goût amèrement synthétique. Ce qu'il reste, c'est un album tout au plus convenable mais inexorablement superficiel, qui se repose sur une recette miraculeuse en train de s'éroder. En dépit de quelques trouvailles sympathiques (le triptyque “I.M.
Sin”/“Dot Your
Eyes” et “
Mama Said Knock You
Out” est à écouter en priorité) “
The Wrong Side of Heaven and the Righteous Side of Hell, Volume 1” donne des signes inquiétants sur l'état de santé créatif des Américains. Rendez-vous en novembre pour la deuxième partie, que l'on espère dans une toute autre optique que ce premier essai...
@touf: j'aime beaucoup 5FDP également mais comparé à leurs productions précédentes il y a pas photo!
@stronzo: ouais les ballades, d'habitude pont fort du groupe, ne font plus vraiment effet...
Sinon merci pour la chro jsuis d'accord sur les parties ou tu dis bien de l'album, moins pour le reste ;)
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