« Tout est cycle. Cercle vicieux, eternel retour »
Morgan Sportès
Sujet délicat que beaucoup d’artistes vieillissant cherchent à traiter et disséquer à un moment donné de leur vie d’individu. Le cycle de la vie est autant passionnant que terrifiant, solennel qu’inarretable, symbole d’une vie vouée à la tragédie et irrésistiblement attirée par la destruction et la perte.
Dans le cas de
Soilwork, si les musiciens ne sont pas encore à la porte de la mort, la faucheuse a néanmoins frappé très proche d’eux (dans la famille et dans leur entourage musical également, comme l’explique Bjorn qui a vu la mort d’un jeune ami de 19 ans pendant la création de l’album). C’est assez logiquement que nous nous attendons de ce fait à un album sombre, peut-être plus mature ou au contraire plus violent que d’ordinaire car traitant de la rage ou du désespoir que tout un chacun ressentira à la perte d’êtres chers. Pourtant, "
The Ride Majestic" se révèle rapidement très difficile à cerner...
On ne peut pas dire que les choses soient simples pour
Soilwork ces dernières années d’un point de vue extra-musicales. Entre le retour puis le nouveau départ du maitre à penser Peter Wichers et le remplacement très récent d’Olaf Flink à la basse (remplacé par Markus Wibom), les suédois se sont surtout concentrés à revenir musicalement au premier plan après un trou d’air au milieu des années 2000. "
The Panic Broadcast" avait provoqué un raz-de-marée, "
The Living Infinite", bien qu’imparfait, avait démontré une vocation à créer quelque chose de différent, de plus ambitieux et une créativité débordante qui, bien que parfois incontrôlée et sans recul, dévoilait un groupe avec l’envie d’en découdre.
Clairement, "
The Ride Majestic", rien que par son artwork (qui n’a jamais été aussi sombre pour le groupe) semble faire passer un message.
Soilwork a encore muri et ne veut plus se focaliser sur le passé mais toujours regardé devant pour de nouvelles orientations. Mais cette fois, on peine parfois à comprendre certaines décisions, certains choix qui, étrangement à la vue du sujet et de l’ambiance visuelle, paraissent aseptisés et bien trop lisses.
Le style du groupe est reconnaissable entre mille et la voix de Bjorn Speed en est le point d’orgue indispensable. Ainsi, quand la mélodie clean du morceau éponyme résonne et que le tempo s’emballe rapidement, ponctué par un cri tout ce qu’il y a de plus classique, on se retrouve rapidement en terres occupées. Le riff se raidit, la batterie se fait plus saccadée, le chant parfois scandé et on retrouve concrètement ce qui avait fait le retour en force de "
The Panic Broadcast". Le refrain est stratosphérique, peut-être trop, mais constamment doublé par la voix hurlée afin de conserver une densité assez forte et un impact de chaque instant. Les claviers de Sven Karlsson sont discrets et résonnent de temps à autre pour quelques sonorités modernes sans pour autant envahir l’espace sonore. Un solo mélodique ponctue le tout, sans réelle surprise mais avec panache. Il en faudra néanmoins plus, surtout après un double album comme "
The Living Infinite" où les suédois s’étaient amusés à toucher à des atmosphères qui ne leurs étaient pas forcément familières.
C’est ensuite que certains éléments surprennent, faisant passer certains titres du génial au désagréable, naviguant entre idées de génies et cassures émotionnelles trop fortes.
"Death in General" en est un symptôme criant. Une mélodie légèrement malsaine, pernicieuse. Un superbe travail d’ambiance de Dirk Verbeuren à la batterie, un lead mélodique faisant planer la mort et le malaise d’un champ de bataille. Bjorn débute en chant clair, très dépouillé et mélancolique. L’atmosphère est chargée et prend aux tripes...puis d’un coup, le riff devient plus sec et balance un refrain ultra mélodique et convenu, très beau en soit mais en total décalage avec la noirceur des couplets qui reprend son droit dès la mélodie d’intro revenue (géniale au passage). On se demande pourquoi placer un tel refrain dans ce contexte, revenant encore après le second couplet qui lui s’intensifie de très belle manière pour faire exploser les émotions déprimantes de la mélodie principale. Comme si quelque chose clochait dans les émotions, que
Soilwork voulait se rassurer avec des plans connus et ne pas trop surprendre.
On retrouve un
Soilwork qui veut surprendre mais qui ne saute pas complètement le pas et qui finalement se place entre deux chaises, position assez inconfortable. "
The Ride Majestic (
Aspire Angelic)" propose un riff très mélodique, très old school mais sans aucune surprise, même un peu passéiste alors que "The
Phantom" qui le précède débute dans une veine presque black metal, chose très inhabituelle chez le groupe. Et dire que cela fonctionne est un euphémisme tant le morceau impressionne, Bjorn étant épaulé pour l’occasion par le chanteur de
Odium. Cela démontre une fois de plus à quel point Dirk est précieux derrière ses futs.
Le problème pourrait être que "
The Ride Majestic" possède deux catégories de titres trop distinctes les unes des autres, rendant la cohérence difficile. Les titres on ne peut plus classiques, soit efficace ("
Alight In The
Aftermath") ou plus policé ("Petrichor By
Sulphur") et les titres cherchant à apporter de la nouveauté avec plus ou moins de réussite. On peut trouver dommage que cette volonté ne transparaisse pas partout, rendant l’ensemble parfois bancal.
Outre le cas "Death in General", on peut parler "Enemies in Fidelity", débutant sur une mélodie un brin désuète avant de partir sur du
Soilwork tout ce qu’il a de plus racé et traditionnel pour terminer sur un blast original se perdant dans les limbes, comme les cris d’un soldat mourant au combat dans l’anonymat et l’absence d’empathie. "Whirl Of
Pain" installe une ambiance quasi gothique au début mais c’est le chant clair de Bjorn qui colle difficilement, ne s’imposant pas forcément sur une ambiance aussi lourde. "All Along Echoing
Paths", quant à lui, s’ouvre sur un riff diabolique et des chœurs comme
Soilwork ne l’a probablement jamais fait auparavant. Le ton est martial, lourd et autoritaire et il est presque dommage de casser cette ambiance (encore) par un refrain qui ne sied pas forcément au reste. Encore cette satanée tendance à couvrir ces arrières avec des gimmicks aimés des fans et du genre...
"Father
And Son Watching The World Go
Down" termine le disque par un duo avec Nathan Biggs de
Sonic Syndicate et se pare pour l’occasion de quelques modernes (les claviers notamment) et d’une ligne vocale très mélodique, au refrain éclatant de lumière qui ne plaira pas à tous, même si les deux voix se marient plutôt bien, à l’instar de ce qu’ils avaient fait sur le dernier disque de
Sonic Syndicate justement. Le résultat est intéressant, beau et lumineux et termine le disque avec audace, particulièrement le final où les guitares et les lignes de chant s’entrecroisent de très belle manière.
Que dire au final ? "
The Ride Majestic" suscite des interrogations et risque fortement de diviser. Des idées lumineuses, des passages plus sombres que jamais mais aussi des tics de langage, des choix étranges comme pour se rassurer et certaines zones d’ombres ne rendant pas forcément justice à un album globalement très aventureux mais se perdant un peu dans ses propres méandres. Cependant,
Soilwork continu de vouloir évoluer et proposer autre chose. A l’instar d’un
In Flames ayant radicalement changé ou d’un
Dark Age se tournant vers de nouveaux horizons, les suédois cherchent à apporter du sang neuf à une scène ayant probablement déjà tout écrit. C’est louable et probablement la principale raison de ce type de digression. La quintessence ne s’atteint pas sans tâtonner un peu. La prochaine offrande pourrait être le pas définitif vers une nouvelle entité.
Plus je l'écoute plus ,plus je le trouve bonÂ
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