Dans l’histoire du death metal à consonance mélodique, très peu, voir aucun, n’a véritablement tenté le pari du double album. Il y eu bien les aspirations progressives d’
Opeth pour le duo "
Damnation" et "
Deliverance", sorti à quelques mois d’intervalle. Ou encore les expérimentations des albums ne possédant qu’une structure unique, tel que le "Cybion" de
Kalisia ou encore "Crimson II" d’Edge of Sanity, mais ces procédés plus propre à la pure musique progressive, reste un élément rare dans le metal extrême.
Après être revenu au premier plan avec un "
The Panic Broadcast" emplie de rage et de puissance,
Soilwork a décidé de se sublimer pour mettre à jour un projet un peu insensé pour un combo de ce type, peu habitué aux effets de style. Effectivement, le prochain album serait un double opus, composé de vingt titres, très hétérogènes et montrant la place du groupe sur la scène.
Le départ de Peter Wichers, pour la seconde fois en trois ans, aura posé beaucoup de questions sur l’intégrité du combo et sa capacité à rebondir sans son métronome et compositeur principal. Bjorn
Strid le dit lui-même, il était tout à fait légitime pour les fans de s’inquiéter de voir ressurgir les démons d’un "
Sworn to a Great Divine" globalement très fade et loin des précédentes sorties du groupe qui s’essoufflait visiblement depuis "
Natural Born Chaos" (malgré un excellent "
Stabbing the Drama" en 2005).
Aujourd’hui,
Soilwork accueille de nouveau deux guitaristes, entre Sylvain Coudret et David Andersson, membre de session depuis déjà plusieurs années et habitué du groupe. "
The Living Infinite" est entre nos mains et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas très simple dans un premier temps de digérer plus de quatre-vingt minutes de musique d’un coup, surtout sans fil rouge. Car s’il contient deux disques, chaque titre est véritablement indépendant de ses voisins, et il ne faut pas s’imaginer retrouver des éléments d’un morceau à l’autre. Non, l’album n’a rien de progressif et il s’agit bien d’un album composé de deux albums « traditionnels » de dix titres, avec une production et une interprétation similaire. N’est-ce pas trop ?
Au début, difficile de répondre. Ce qui est certain, c’est que Bjorn et ses compères ont, à l’instar du monstrueux opus précédent, mangés du cheval enragé (c’est à la mode en ce moment) car l’ensemble montre un groupe sûr de lui et de sa force de frappe, que ce soit dans la très grosse production ou les parties vocales vraiment écrasantes de Speed. Il suffit de se prendre dans les dents "Spectrum of
Eternity" pour commencer, puis "This Momentary Bliss", des titres parmi les plus puissants que le groupe ait composé depuis belle lurette (et aussi les morceaux mis en écoute avant la sortie de "
The Living Infinite"). Le premier se veut relativement proche de l’artilleur qu’était "Late for
The Kill, Early for The
Slaughter" sur "
The Panic Broadcast" tandis que "This Momentary Bliss" dévoile des instants beaucoup plus mélodiques et techniques, notamment dans les leads mélodiques constants et virtuoses qui montrent que l’absence de Peter n’est cette fois-ci pas préjudiciable sur la qualité des riffs et des mélodies.
Comme il était dit précédemment, l’album est très hétérogène et il faut prendre les deux disques comme un seul, les deux étant charpentés sur des bases semblables. "Tongues" continue de livrer une copie parfaite entre agression et refrain au chant clair sublime de clarté, avec des accélérations mortelles de Dirk Verbeuren derrière son kit. Les soli sont très travaillés, pendant que les breaks affluent et apportent une dimension bien plus technique et complexe à l’ensemble, sans jamais perdre l’accessibilité si caractéristique du groupe.
Cependant, pour combler cette très longue place de vingt titres, les Suédois proposent parfois des interludes instrumentaux dont nous ne sommes pas coutumiers mais qui passent agréablement le cap de simples « bouche-trous ». Ainsi, le lent et tortueux "Entering
Aeons" ouvre superbement le radical "Long
Live the
Misanthrope". Le refrain y est une fois de plus très mélodique et porté par la voix claire sublime du suédois qui se montre très agressif sur les couplets, tout en doublant constamment ses parties vocales pour une richesse supplémentaire dans le spectre vocal.
Cependant, il serait faux de dire que notre attention est constamment retenue lors de la double écoute de "
The Living Infinite". Il y a clairement des instants où l’on trouve le temps long, où il parait certain que
Soilwork a composé pour composer, et de là à dire qu’une partie est du remplissage, il n’y a qu’un pas. Le groupe s’est certainement laissé prendre au jeu et n’a pas réussi à être impartial sur son travail, car des compositions comme "Antidotes is Passing", soporifique ou encore le hors-sujet "Parasites Blues" et sa mélodie ancrée dans les années 80 qui ne sied que trop peu au groupe, apparaissent comme des titres bien dispensables.
En revanche, on notera l’effort pour "
The Living Infinite" I et II, qui débutent sur une mélodie acoustique similaire, mais enchainent ensuite sur des plans différents. Effectivement, la seconde partie se veut beaucoup plus riche et longue, offrant un voyage pas très éloigné d’un
Scar Symmetry pour son aspect aérien.
Il a sans doute manqué un peu de self control aux suédois qui se sont laissés emportés dans leur projet, livrant finalement un "
The Living Infinite" porteur d’espoir mais un peu incomplet. On aurait sans doute préféré un album simple mais composé des tueries de ces deux disques, pour n’avoir aucun temps faible, aucun titre qui ne semble de trop. Car si les morceaux présentés montraient un
Soilwork revenu aux sources et plus puissants que jamais, les compositions dans cette veine sont finalement minoritaires (on ajoutera également le vindicatif "Let the First Wave Rise"). Certes, "The Windswept
Mercy" est superbe, dans la veine d’un "Let the River
Flow", mais que faire d’un "Rise Above the
Sentiment" qui ne fait qu’allonger une fin vraiment trop longue ?
Le groupe s’est fait plaisir et ça s’entend, mais un écrémage préalable aurait sans doute été profitable à l’album, et permis de sortir la tuerie absolue que l’on attend depuis de nombreuses années. Rien n’est vraiment mauvais, loin de là, mais il existe tout de même une disparité de niveau entre les différentes chansons. Il faut saluer la prise de risques (qui plus est après le départ de Peter) et l’envie de ces musiciens de faire un album marquant. Pari pas totalement réussi mais loin d’être raté. Et les fans risquent de s’en donner à cœur joie...
Mention spéciale pour le morceau "Whispers And Light" qui est une véritable tuerie pour moi !
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