The Marrow of a Bone (dit TMOAB pour aller plus vite), l'album de DIR EN GREY qui a fait coulé énormément d'encre, qui aura attisé les feux des uns et les acclamations des autres.
La première chose que l'on pourra remarquer, c'est directement la cover de l'album. Véritable hommage au photographe soviétique Dmitri Baltermants pour avec sa photographie "
Grief". Notons donc la raison pour laquelle le titre GRIEF extrait de l'album sert donc de clip promotionnel de celui-ci. La cover en dit relativement long sur le contenu et l'ambiance général du disque prêt à nous exploser aux oreilles : Froid, sale et terriblement humain. L'immersion dans le monde de
The Marrow of a Bone des Dir en grey revient à peu près à effectuer une plongée en eaux glauques, là où l'obscurité règne en maître absolue, dans la peau d'un troglobie Typhlichthys subterraneus, poisson cavernicole incolore aveugle. Et pour cause, inutile de voir ce qui est laid, inutile de scruter le néant, ce qui nous attend n'est autre qu'un sort funeste.
Cet album est une très grande prise de risque avec l'arrivée d'un son beaucoup plus lour, brut, colérique et épuré tout en gardant bien entendu la recette de Dir en
Grey. Un métal moderne puissant et varié, ajoutant une ambiance à la fois plus sombre mais aussi plus humaine.
Si le côté malsain de
Vulgar paraît noir et que
Withering to Death est un dénonciateur des horreurs humaines, à côté le MOAB paraît poisseux et violent accusateur.
The Marrow of a Bone fait peur. Oui, fait peur. Cette sixième livraison des 5 japonais impressionne et surprend par sa noirceur.
Un album lourd avec ses lyrics torturés, ses hurlements déchirants et ses sanglots rageurs, album où les couleurs ne trouvent pas leur place dans cet univers crasseux et dérangeant où se mêlent enfance, violence, haine envers le star-système, drogue, malêtre, suicide, viol et autres maux de la société moderne.
DIR EN GREY a mûri. Dorénavant, le propos sera plus violent, plus direct. Titres courts, explicites et intenses, voilà le nouveau DIR EN GREY. Les guitares de
Die et Kaoru se font vrombissantes, tranchantes, en synchro ou en solo créant des ambiances particulièrement glauques à l'aide d'un simple grattement de cordes (REPETITION OF HATRED). Les guitaristes n'hésitent cependant pas à éteindre la distorsion massive et à prendre la guitare acoustique donnant un ton plus léger mais tout aussi froid et noir à des titres tels que Namamekashiki ansoku, tamerai ni hohoemi qui se termine de façon hurlante et déchirante ou encore CONCEIVED SORROW où piano inquiétant, cordes lugubres et voix sur le fil du rasoir s'accordent pour en ressortir une perle noire. Côté Toshiya c'est sa basse pachydermique qui donne le ton n'hésitant pas à alterner jeu jazz et métal comme sur DISABLED COMPLEXES. Quant au batteur Shinya c'est à grands coups claquants de caisse claire, de frappes hallucinantes sur ses fûts et son effet rouleau compresseur de double pédale qu'il crée une rythmique en béton armé, tel un mur de son indestructible.
"L'adolescent" Kyô se rebelle, s'émancipe, et libère toute sa haine et sa violence de manière crue et franche. Les titres sont d'ailleurs évocateurs : GRIEF,
Agitated Screams of Maggots ou autres
Clever Sleazoid ne font que renforcer cette impression de rage sourde émanant de l'album. De victime, le poète piqué au vif devient bourreau ; jadis enfant craintif il est maintenant un adolescent revanchard ; il ne pose plus de questions mais donne les réponses. Le chant du blondinet témoigne de son large panel vocal habituel et arrive encore à nous étonner sur cet album où il se concentre d'avantage sur du cri primitif et colérique, Max Cavalera n'est pas loin.
La production cheap confère à l'album un son gras retranscrivant à merveille ce flot irréfléchi de violence qu'est
The Marrow of a Bone. Et c'est ce qui est fascinant à l'écoute de ces 13 titres : leur franchise. Kyô s'époumone lors de pétages de câbles ahurissants, les guitares crachent des riffs farfelus superposant grondements de tondeuses et gémissements de larsens, la basse groove comme jamais, créant sa propre mélodie (contrairement à maintes groupes qui ne font de cet instrument qu'un complément rythmique par rapport aux guitares) et pourtant le tout reste crédible. Jamais cette violence ne paraît simulée, pour la simple et bonne raison que
The Marrow of a Bone vient des entrailles, dernières charges amères des sacrifices et du malêtre de Kyô prônant haut et fort la noirceur de notre monde et son dégoût pour notre société.
L'ensemble est une entité haineuse, violente et menaçante et ce même lors des power ballads de l'album tels que THE PLEDGE ou CONCEIVED SORROW, la noirceur et la froideur s'imposent avec férocité et sensibilité, c'est ainsi que la torture détruit les tripes.
The Marrow of a Bone est de toute évidence un album venu du fond des tripes du Japon, authentique et vrai. Le quintet nippon impose sa vision nouvelle et expérimentale du rock et du métal en mixant astucieusement des mélodies groove metal (GRIEF,
Clever Sleazoid), metalcore (LIE BURIED WITH A VENGEANCE,
Agitated Screams of Maggots), jazz-metal 'DISABLED COMPLEXES), thrash (REPETITION OF HATRED), rock épuré (THE PLEDGE) et titres plus sensibles (CONCEIVED SORROW, Namamekashiki ansoku).
Dans les influences on ne peut que remarquer que le quintet nippon a été influencé en majeure partie par la scène du métal moderne nord-américain pour parfaire ses sonorités, ce qui est loin d'être péjoratif dans le cas présent.
DIR EN GREY s'affirme de nouveau, avec cette galette, en symbole de la scène japonaise, voire même internationale et en tant que dénonciateurs de la jeunesse en malêtre dans notre société. Cependant, c'est un album à ne pas mettre dans les oreilles de toutes et de tous. C'est un disque, plus qu'à l'accoutumée chez DIR EN GREY, très difficile d'accès.
Il en reste une expérience inoubliable, à écouter et à décortiquer dans le noir, seul mais surtout à vivre en live.
C'est sans dire qu'elle se verra complétée lors de la sortie officielle du disque, soit quand on l'aura en mains propres, pour développer la partie sur les thèmes abordés, sur les paroles.
Cet album de Dir En Grey, est pour moi loin d'être leur meilleur, mais il reste tout de même très bon.
De nombreuses chroniques sur le web ont descendu cet album qui possède pourtant une qualité rare chez Dir En Grey : la cohérence.
Et oui cet album est brut, violent, mais surtout très cohérent. C'est avec cette cohérence acquise que Dir En Grey pourra sortir le monumental Uroboros qui réussira la pari fou de partir dans toutes les directions un peu comme faisait Vulgar, mais avec la cohérence de The Marrow of a Bone.
TMOAB est donc une étape dans la carrière de Dir En Grey et cet album, malgré son aspect brut et outrancier, se révèle plus subtil et essentiel qu'il n'y paraît.
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