1999. Voilà un an que
X Japan n'est plus, dissout suite à la mort du guitariste
Hide dans des circonstances troublantes (suicide ou accident?). La scène Visual Kei nippone (pléonasme s'il en est), orpheline de son père et plus fidèle représentant, se retrouve avec un trône vide que certaines majors de l'industrie musicale aimeraient voir à nouveau occupé le plus vite possible. C'est donc
Dir En Grey, groupe formé sur les cendres de La:
Sadie's qui semble devoir hériter de la couronne. Après
Missa, un EP de Visual Kei torturé de fort belle facture mais relativement conventionnel sorti 2 ans plus tôt, le groupe d'Osaka se retrouve signé sur Warner MG. En effet, alors que l'effervescence autour du Visual Kei en cette fin de 90's peut être comparable à celle qui a accompagné l'éclosion du Hair
Metal au States dans les années 80, les maisons de disques flairent le filon et le potentiel commercial de ces groupes à l'attitude extravagante au pays des mangas et des cosplayers.
Gauze premier véritable album de
Dir En Grey sort donc en 1999. Financé par Warner et produit en partie par Yoshiki (batteur et tête pensante de
X Japan),
Gauze a de quoi inquiéter. Si nous sommes en droit d'attendre un opus d'une qualité musicale supérieure boostée par une grosse production, nous pouvons d'ores et déjà craindre que ceci se fasse au détriment des qualités artistiques du groupe qui ira se noyer dans un Visual Kei convenu et édulcoré. Bref
Gauze a tout du testament de l'intégrité artistique de la bande de Kyo.
Oui mais voilà,
Dir En Grey n'est pas n'importe qui et
Gauze se doit d'en être la preuve. Dès Schwein No Isu le groupe prend son auditoire à contrepied en assénant un morceau lourd et violent, entre riffs dissonants, hurlements d'aliénés et rythmiques pesantes. Puis, sans crier gare, débarque
Yurameki, morceau Visual Kei ultra calibré, Jpop dans l'esprit mais finalement pas si désagréable. C'est donc là que réside le paradoxe, la faiblesse et la force de
Gauze, dans son alternance de morceaux barrés et d'autres plus conventionnels mais finalement très efficaces.
Dir En Grey passe ainsi d'un style à l'autre, aucun morceau ne ressemblant à celui qui le précède, avec aisance et peut exprimer toutes les facettes de sa personnalité musicale. Tour à tour violent (Schwein No Isu,
Tsumi to Batsu), plus Pop (
Yurameki,
Yokan), survitaminé (Raison Detre,
Cage,
Mask et sa rythmique Ska). La versatilité du combo lui permet d'exprimer de nombreuses émotions mais également de proposer les morceaux plus formatés comme une expression à part entière de leur personnalité musicale (ce qui n'est pas entièrement faux). Mais
Dir En Grey a réservé son côté le plus barré pour deux des pièces maîtresses de cet album.
Mazohyst of
Decadence, réquisitoire contre l'avortement, morceau lourd et répétitif, malsain et dérangeant, étale ses 9 minutes comme Kyo son dégoût, entres gémissements, hurlements et déglutissements, sur une basse lancinante et des guitares hallucinées. Que l'on adhère au pas au propos du groupe, force est de reconnaître la réussite ce morceau hors normes. Zan, quant à lui, est un morceau violent et torturé, à la rythmique étouffante et frénétique massacrée par des bruitages Indus et les hurlements de Kyo. Avec tout ça on en oublierait presque que le groupe termine par
Akuro No Oka superbe ballade de plus de 8 minutes, magnifiée par un violon mélancolique et un chant riche en émotions.
Certes on pourra néanmoins regretter l'orientation plus Pop de certains titres de l'album, mais cela serait oublier le fond. En effet, si certains morceaux s'avèrent mielleux si l'on ne comprend pas la langue japonaise, ceux ci prennent une toute autre tournure dès lors que nous sommes à même de traduire et interpréter les paroles : viol, dépression, mal être, traumatisme, tout un programme en somme.
Gauze n'est que le début de l'aventure de
Dir En Grey, montrant le potentiel d'un groupe en train de se chercher, capable d'aller dans n'importe quelle direction mais surtout de proposer de la qualité dans chacun de ses choix. Certes la cohésion de l'album en pâtit mais les groupes de Visual Kei tendent à privilégier l'émotion que s'attacher à un genre précis. En cette année 1999,
Dir En Grey ne reprend pas la couronne de
X Japan. Non.
Dir En Grey n'est pas
X Japan et ne le sera jamais.
Dir En Grey est la nouvelle expression d'un Japon miné par la crise, deshumanisé mais qui renferme en lui tant de sensibilité refoulée. En ce sens
Gauze est une réussite, ne reste alors au groupe qu'à réellement affirmer son identité en trouvant la cohésion qui lui fait défaut.
Dir en grey qui commence déjà à poser ses paradoxes entre mélodies enjouées et poésie noire, la genèse d'une hydre à plusieurs têtes.
GAUZE est ce qu'il est, avant d'être un bon Dir en grey c'est surtout un très bon cru de Visual Rock.
Merci pour la chronique.
Merci pour la chronique qui est fort bien détaillé.
En tout cas super a lire! merci.
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